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Peu d’études scientifiques permettent d’exclure les gays du don de sang

François Remy
François Remy Journaliste

La Croix-Rouge a décortiqué près de 19.000 articles scientifiques sur la transmission du VIH lors du don de sang par des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). Il ressort de cette imposante revue de la littérature qu’il n’existe pas suffisamment d’études démontrant que le sang fourni par les HSH soit plus souvent contaminé que celui d’autres donneurs. Autrement dit, la science ne permet actuellement pas aux politiques d’exclure ce groupe à risque, si ce n’est par précaution.

Le droit des patients transfusés à recevoir un sang de qualité irréprochable prédomine sur la liberté individuelle de donner du sang. C’est un consensus dans le secteur remontant probablement à l’épouvantable épidémie de VIH dans les années ’80 et, plus proche de chez nous, du scandale du sang contaminé en France. La politique de santé en la matière a dès lors toujours consisté à appliquer le principe de précaution. Autrement dit, maîtriser le risque même en l’absence d’une preuve de risques courus. Si vous lui demandez, la ministre De Block vous expliquera que l’exclusion des candidats donneurs masculins qui ont des contacts sexuels avec d’autres hommes repose sur ce risque de contamination.

Évidemment, certains ne manquent pas de s’inquiéter du fait que l’homosexualité soit ainsi amalgamée à un comportement à risque avéré. Le sujet ne cesse de faire débat, au Parlement, dans les médias, dans les pays voisins. Le Comité européen sur la transfusion sanguine a d’ailleurs créé l’année passée un groupe de travail dont l’objectif est d’harmoniser les critères d’exclusion à l’échelle internationale. Une révision du questionnaire de la Croix-Rouge, sur lequel se base en Belgique cette exclusion, pourrait donc sembler prématurée. Cela étant, Maggie De Block a demandé au début de l’année l’avis du Conseil supérieur de la Santé sur l’opportunité d’autoriser les HSH à donner leur sang.

0,07% d’articles pertinents

L’aile flamande de la Croix-Rouge vient à cet égard de publier les résultats de la première revue systématique de la littérature scientifique. Autour de cette question de recherche : est-ce que les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes présentent-ils un risque de contamination du don de sang dans les pays occidentaux?

Le Centre for Evidence-Based Practice de la Croix-Rouge (Cebap) a passé au crible 18.987 articles en provenance de cinq banques de données scientifiques. Il a été amené à expurger de ce corpus la majorité des documents soit parce qu’ils ne répondaient pas à la question, soit parce qu’ils relevaient plus de l’opinion que de l’étude scientifique.

Seules 14 études ont ainsi été retenues pour des analyses plus poussées. Ces quatorze études s’avèrent toutes observationnelles, c’est-à-dire que les participants ont été étudiés sans que le chercheur ne les place au préalable dans un groupe test ou de contrôle comme cela aurait pu être le cas dans une étude expérimentale, scientifiquement supérieure.

Sur ces quatorze études analysées, 11 n’ont pas réussi à démontrer de liens significatifs. Pour la simple et bonne raison que la faible proportion de donneurs au sein des HSH a interféré avec la précision des résultats.

Manque de qualité

Les preuves disponibles dans les 3 études restantes suggèrent l’existence d’un lien entre les donneurs HSH et le VIH de type 1, la souche la plus courante du virus du Sida. Mais l’élément le plus significatif ressortant de l’une de ces trois études est que le risque de transmission lors du don de sang de HSH augmente s’il s’est écoulé moins d’un an entre un rapport et le don. Une éventuelle adaptation de la période d’exclusion pourrait alors imposer au minimum douze mois d’attente.

La quantité des publications disponibles et leur qualité limitent donc la portée de la démonstration. Car aucune étude ne démontre de façon irrécusable que le sang des donneurs HSH soit aussi sécurisé que celui des non-HSH. Ou inversement, aucun fait scientifique ne permet de soutenir l’exclusion. « Ce qui n’est pas étonnant puisque les recherches qualitatives sur ce genre de sujet nécessitent un nombre important de participants, alors que les donneurs séropositifs sont heureusement extrêmement rares », remet en contexte Philippe Vandekerckhove, CEO de la Croix Rouge Flandre, professeur en biologie clinique.

Ce manque de preuves scientifiques explique en partie pourquoi les mesures d’exclusion des HSH diffèrent aussi largement d’un pays à un autre, allant de l’interdiction à vie comme en Belgique, aux Pays-Bas ou aux Etats-Unis, à aucune contrainte comme en Espagne ou en Italie. En passant par 5 ans d’application au Canada ou à une année au Royaume-Uni ou en Australie.

Ces précisions scientifiques de la Croix-Rouge soutiennent la récente résolution européenne qui recommande aux états membres de collecter, évaluer et publier leurs statistiques épidémiologiques pour faciliter l’analyse du risque en vue de garantir la sécurité des réserves de sang et de déterminer une période d’exclusion en fonction d’un comportement sexuel à haut risque une fois et seulement qu’il aura été démontré que ce genre de comportement n’expose pas les bénéficiaires d’une transfusion à de fortes probabilités de contracter une infection sévère.

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