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On a capturé l’antimatière

Une équipe du Cern, à Genève, est parvenue à produire et conserver des atomes d’anti-hydrogène. Une grande première.

C’est l’une des plus grandes énigmes de l’univers: si les physiciens s’accordent pour dire que, lors du Big Bang, matière et antimatière ont été produites en égales quantités, nul ne sait en revanche pourquoi la seconde semble avoir totalement disparu ensuite. Une infime différence entre les deux suffirait-elle à l’expliquer? Pour le savoir, il faudrait disposer d’antimatière, afin d’étudier ce qui la distingue de son « contraire ».

Pas simple: les scientifiques de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) ont bien réussi, dès 1995, à produire neuf atomes d’antihydrogène, puis 50 000 en 2002, lors des expériences Athena2 et Atrap3, mais jamais ils n’étaient parvenus à les piéger afin d’ouvrir la voie à leur étude. Pourquoi? matière et antimatière ayant une charge opposée, elles s’annihilent au contact l’une de l’autre – en quelques millisecondes.

Le but de l’expérience Alpha, menée ces derniers jours au Décélérateur d’antiprotons du Cern, était donc d’augmenter la durée de vie – et d’observation – d’atomes d’anti-hydrogène. C’est désormais chose faite. L’expérience a permis (au terme de 335 tentatives…) d’en capturer 38 pendant un dixième de seconde, ce qui, au regard de la physique, constitue une durée imoportante. Pour y parvenir, il a fallu tendre un véritable piège aux anti-atomes, en les coinçant dans un champ magnétique intense qui les a mis à l’abri de la matière.
Jeffrey Hangst, de l’Université d’Aarhus (Danemark), et porte-parole d’Alpha, a qualifié le résultat de l’expérience de « très gratifiant et assez impressionnant ». Ajoutant: « Cela nous incite à poursuivre nos efforts pour découvrir les secrets de l’antimatière. » D’autres recherches sont en effet en cours dans le cadre du programme antimatière du Cern. Ainsi, l’équipe de l’expérience Asacusa est sur le point d’annoncer qu’elle est parvenue à produire de l’anti-hydrogène dans un « piège à étranglement », une étape dans la production d’un véritable faisceau qui dispenserait de piéger les atomes eux-mêmes.

Yasunori Yamazaki, physicien atomiste à l’Institut supérieur des sciences de Saitama (Japon), et membre de la collaboration Asacusa ne cache pas son enthousiasme: « Nous disposons désormais de deux méthodes pour produire et finalement étudier l’antihydrogène. L’antimatière ne devrait donc pas conserver ses secrets bien longtemps. »

Laurent Vrbica

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