Egalité Homme-Femme © Getty Images

Le français, une langue profondément misogyne

Stagiaire Le Vif

Davy Borde, militant et auteur de  » Tirons la langue. Plaidoyer contre le sexisme dans la langue française « , dénonce le sexisme dans la langue de Molière. Voici la preuve par trois que le français est une langue misogyne.

La langue française, aussi belle soit-elle, regorge de clichés sexistes, c’est un fait. Elle les cristallise comme le remarquait déjà en 1978, Marina Yaguello dans son livre « Les mots et les femmes » : « La langue est un miroir culturel, qui fixe les représentations symboliques et se fait l’écho des préjugés et des stéréotypes, en même temps qu’il alimente et entretient ceux-ci ».

Aujourd’hui, c’est au tour de Davy Borde de critiquer l’orthographe et la grammaire dans « Tirons la langue. Plaidoyer contre le sexisme dans la langue française ». L’auteur précise à Cheek Magazine que « 50 % des hommes sont des femmes », même si la langue et son usage les rendent invisibles.

Le masculin l’emporte

Cette règle de base de la grammaire est probablement l’exemple le plus frappant de sexisme dans la langue française. Sans surprise, c’est un homme qui l’a instaurée, Claude Fabre de Vaugelas, membre de l’Académie française. Il écrit en 1647 : « Le genre masculin étant le plus noble doit prédominer chaque fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble ». Une aberration pour Davy Borde : « Pourquoi écrire ‘1000 hommes et une femme se sont réunis’ et toujours ‘1000 femmes et un homme se sont réunis’ ? »

Comme si cela n’était pas suffisant, un autre grammairien de l’Académie française, Nicolas Beauzée, enfonce le clou un siècle plus tard en justifiant cette règle par : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». Inutile de rappeler que l’Académie française n’a accepté les femmes en son sein qu’en 1980 alors qu’elle fut fondée en 1635.

Louis-Nicolas Bescherelle, l’homme qui donna son nom au livre sacré par tous les professeurs de français, écrit quelques siècles plus tard dans son ouvrage La grammaire nationale : « La masculinité annonce toujours une idée grande et noble ».

Les tentatives pour les femmes d’aller à l’encontre de ce principe sexiste ont toutes été vaines. Déjà en 1789, lors de la Révolution française, elles demandaient à l’Assemblée nationale que : « Tous les sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles ». Il va sans dire que les hommes ont joué les sourdes oreilles puisqu’aujourd’hui encore, cette règle de grammaire est enseignée à tous les étudiants.

Davy Borde estime qu’elle est « pédagogiquement complexe et symboliquement misogyne ». Dans son plaidoyer, il demande l’abandon de cette règle sexiste justifiée par des arguments sans fondement et moyenâgeux.

« Madame LE Président »

Cette phrase a été prononcée par le député français Julien Aubert en 2014. Il s’adressait à Sandrine Mazetier, Présidente de la séance de l’Assemblée nationale. Pour Davy Borde, il un lien incontestable entre « le genre grammatical et social ». La grammaire française sépare clairement l’homme de la femme et cela transparait dans beaucoup de noms communs comme le registre des métiers par exemple. Ainsi, il n’y a pas de féminin au terme « pompier » soulignant le cliché que c’est un métier masculin. Malgré la féminisation de certains termes, peu de gens les emploient, tant ces clichés misogynes de la langue française sont ancrés dans l’inconscient collectif.

« Femme » et préjugés sexistes

L’auteur démontre dans son ouvrage à quel point le vocabulaire français est sexué et comment il véhicule un grand nombre de préjugés sexistes, notamment dans le champ lexical du mot « femme ». En effet, Davy Borde remarque que le terme « homme » désigne à la fois une personne de sexe masculin et l’humanité entière. En revanche, le mot « femme » renvoie à une personne de sexe féminin et à une épouse. Ainsi, l’auteur met en exergue le fait que, même dans le vocabulaire, la femme est sans cesse subordonnée à l’homme, car renvoyée à son rôle d’épouse.

Comme le signale l’auteur dans son livre, le terme de « femme » a une connotation sexuelle. L’origine du mot remonte au 16e siècle, où les femmes étaient désignées par le mot « sexe ». De nombreux adjectifs ou noms communs renvoient au sexe lorsqu’ils sont mis au féminin par exemple : masseuse, cochonne ou encore garce, féminin de gars !

Davy Borde revient également sur une conséquence de cette règle qui fait largement débat, l’utilisation du terme « mademoiselle ». En effet, il a longtemps été utilisé pour qualifier une femme non mariée, car une fois la bague au doigt, elle se transformait en « madame ». Or, les hommes célibataires ou mariés se contentent d’un « monsieur ». Là où il était important de préciser l’état civil de la femme, l’homme en est exempté.

L’auteur militant note que « les questions soulevées par le genre grammatical ne sont pas LE problème dont la résolution permettra d’en finir avec le patriarcat », néanmoins la « non-neutralité symbolique mérite d’être critiquée et même combattue ». L’ouvrage rappelle que le langage influence la société et inversement. Pour son auteur : « Il est plus que temps de poursuivre l’assaut entrepris depuis des siècles contre les archaïsmes politiquement problématiques de la langue française ». Une langue et des usages « en opposition avec la vision égalitariste et émancipatrice que porte le mouvement féministe », selon Davy Borde.

Par Axelle Verstraeten

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