Champ de coton. Grâce à la "matérioagriculture", il est aujourd'hui possible d'obliger la plante à fabriquer des fibres dotées de fonctions qu'on lui a imposées. © LUCAS NINNO/GETTY IMAGES

Le coton, l’or blanc qui brille dans le noir

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Imaginez un tee-shirt qui se connecte à l’Internet, des habits en coton antibactérien ou encore des chaussettes qui massent les pieds : et tout ça, fabriqué par des plantes et non plus des machines. Science-fiction ? Non.

Ces applications relèvent d’un concept encore méconnu, le material farming, une notion qui n’a pas encore été baptisée en français, mais que l’on pourrait traduire par  » matérioagriculture « , sur le modèle d’un autre néologisme récent, la  » matériovigilance « . Ce concept, c’est le dada du professeur Filipe Natalio, chimiste et biologiste de l’institut Weizmann, en Israël. Avec son équipe, il vient de publier ses travaux dans la revue Science : il est possible d’obliger une plante (dans ce cas précis, du coton) à fabriquer des fibres dotées de fonctions qu’on lui a imposées. Comment ? En se servant d’une solution sucrée, aux molécules de glucose modifiées qui imitent des constructions de cellulose et sont porteuses des fonctions voulues. Des ovules de coton ont été mis à tremper dans cette solution. Et, ni vu ni connu, ils ont absorbé les molécules chargées de propriétés phosphorescentes ou magnétiques et ont fabriqué des fibres modifiées.  » Ça fonctionne comme une sorte de cheval de Troie « , explique Filipe Natalio.

Il était déjà possible de doter des matériaux préexistants de nouvelles fonctions. Mais il s’agissait surtout de fibres synthétiques, comme du polyester. Le hic, c’est que ces textiles capables, par exemple, de changer de couleur en fonction de la température, ou de produire de l’électricité grâce au mouvement, ne gardent pas ces propriétés : elles disparaissent au lavage.  » C’était ça, notre challenge ! Maintenant, on sait qu’il est possible d’intégrer des propriétés dans la plante qui va produire le tissu. Il est donc impossible que ces fonctions disparaissent au lavage. C’est vraiment une première !  »

Pour l’heure, le professeur Natalio ne sait pas si les propriétés imposées à son coton pourraient fusionner avec l’ADN de la plante, et donc être transmissibles.  » Là, on parle d’OGM, ce n’est pas l’objet de notre travail.  » Mais il a en tout cas permis de créer des fibres de coton magnétiques. Une véritable prouesse technique : ces fibres pourraient être utilisées pour stocker des informations digitales, par exemple. C’est la plus grande percée technologique dans l’histoire du coton depuis l’invention du  » cotton gin « , cette machine créée par l’industriel américain Eli Whitney, qui sépare la graine de sa fibre. C’était en 1793.

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