© Thinkstock

La géométrie est universelle!

Pas besoin d’avoir fait des études de maths pour avoir l’intuition géométrique. La preuve…

Kant, le premier, l’avait professé dans sa Critique de la raison pure: l’espace et le temps sont les « deux formes a priori de la sensibilité  » que posséderait tout être humain. Une équipe du CNRS vient d’en apporter la preuve. Et ce, grâce à un travail très original. Des chercheurs se sont rendus dans une tribu isolée d’Amazonie, les Mundurucus. Sur place, ils ont sélectionné 22 adultes et 8 enfants âgés de 7 à 13 ans. Aucun n’avait jamais reçu la moindre notion de géométrie.

Les scientifiques leur ont alors proposé deux tests. Le premier induisait des réponses de type « normatif »: une chose est-elle possible ou non? Le second était en revanche quantitatif, et reposait sur l’estimation d’une grandeur.

Des exercices concrets

Concrètement, il s’agissait d’aborder la géométrie à partir d’un exemple précis: soit un monde plat, dans lequel on trouve de nombreux petits villages. Pour relier ces villages les uns aux autres, il existe des chemins  » tout droit  » (rectilignes). Question: existe-t-il plusieurs chemins pour aller d’un village à un autre? La réponse étant, bien sûr, négative puisqu’il n’existe qu’une seule droite (chemin) entre deux points (villages). L’autre test portait, lui, sur des triangles que l’on présentait aux Mundurucus et auxquels il manquait un sommet qu’ils devaient compléter en formant un  » V  » avec leurs doigts. Les membres de la tribu devaient ensuite donner une estimation de l’angle ainsi formé.

Résultat: pour le premier test, les Mundurucus ont eu des résultats tout à fait comparables à ceux des petits enfants américains ou européens. De même, ils ont également eu l’intuition que la somme des trois angles d’un triangle était constante – en l’occurrence, 180 degrés, ce qui est une propriété essentielle de la géométrie plane.

Des résultats moins bons chez les enfants américains

La géométrie serait donc innée? La réponse à cette question n’est si évidente. En effet, ces mêmes tests ont été proposés à des enfants américains de 5 ou 6 ans, et ces derniers n’ont pas obtenu de bons résultats, « ce qui soulève la question de l’origine de ces intuitions », note Véronique Izard, chercheuse au CNRS. « Il y a deux possibilités, poursuit-elle: soit il s’agit effectivement d’intuitions innées, mais qui n’apparaissent qu’à partir d’un certain âge. Soit elles sont apprises, mais sur la base d’expériences si générales que chacun peut les vivre sans avoir besoin d’un cours de maths. »

Pour ce travail, l’équipe de Véronique Izard a obtenu le 23 octobre le prix du magazine La Recherche dans la catégorie « Neurosciences » prix dont L’Express est partenaire.

Vincent Olivier, L’Express.fr

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire