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L’application Tinder créerait-elle une communauté humaine avec plus de cohésion sociale?

L’application Tinder rapproche-t-elle les gens? L’application entraîne-t-elle une cohésion sociale plus importante ? D’après les constatations de deux économistes publiées par New Scientist, nous sommes à la veille d’une percée dans le vivre ensemble. Ils estiment que Tinder et les autres sites de rencontre mèneront à des communautés plus intégrées.

La logique derrière cette affirmation est la suivante. Autrefois, les gens épousaient surtout quelqu’un de leur environnement large. Cela impliquait qu’on s’unissait à quelqu’un issu d’un milieu social comparable, ayant une vision du monde comparable et des caractéristiques physiques comparables. Les sites de rencontre changent la donne. En ligne, on cherche beaucoup plus large qu’en vrai, et on entre en contact avec des gens qu’on ne rencontrerait jamais autrement. Cela augmente les chances de mariage entre des personnes aux caractéristiques différentes. D’après les deux économistes, la tendance à choisir plus large mènerait à une meilleure distribution de personnes de différentes catégories. Cela créerait une communauté humaine plus homogène avec plus de cohésion sociale.

Parmi les hétérosexuels, internet est devenu le deuxième mode de rencontre. Pour les homosexuels, c’est le plus fréquent. Un tiers des couples mariés se sont rencontrés en ligne. Ces mariages sont généralement légèrement plus heureux que ceux de conjoints qui se sont rencontrés hors ligne, et aboutissent un peu moins rapidement à un divorce.

Tinder entraîne-t-il plus de diversité dans nos relations? Les scientifiques contrent cette idée par la force de ce qu’on appelle dans le jargon l’assortative mating : la tendance à s’unir à quelqu’un qui vous ressemble physiquement et mentalement. Il y a plus d’un siècle, les premières études qui démontraient que dans un couple les hommes et les femmes ont souvent une taille et un back-ground intellectuel comparables. Un homme est généralement un peu plus grand que sa femme, mais généralement un homme grand épouse une femme assez grande. Ce n’est qu’en 2017 que Nature Human Behaviour a publié une étude qui y associe les composantes génétiques. Une étude réalisée parmi près de 25 000 couples européens confirme qu’au niveau de la taille, de la tension artérielle et les études il y a une tendance significative à épouser quelqu’un qui présente des caractéristiques génétiques comparables. Il y a évidemment des exceptions. Les moyennes s’accompagnent surtout d’un large éventail de possibilités, ce qui est la règle dans la nature.

Le catalogue de beauté

Le mécanisme d’assortative mating joue également un rôle en ligne. Sur les sites de rencontre, il faut généralement encoder quel type on recherche. On peut spécifier l’âge du partenaire, ses loisirs ou sa religion. Sur la Toile, on a également tendance à chercher quelqu’un qui partage nos caractéristiques. Les principales exceptions sont les amours de jeunesse qui se marient ou les gens qui se connaissent depuis très longtemps et qui finissent par convoler. Dans ces cas l’amitié joue un rôle plus important que l’attirance.

L’attirance qu’on éprouve pour quelqu’un est motivée par de nombreuses raisons. Il y a les lois biologiques : hommes et femmes sont attirés par des caractéristiques qui ont prouvé leur utilité évolutionnaire depuis des millions d’années. Celles-ci appartiennent aux standards de l’idéal de beauté. Les hommes sont attirés par les femmes qui semblent très fertiles : elles ont les seins et les cuisses fermes et des pommettes saillantes. La grande majorité des produits cosmétiques en jouent en essayant d’accentuer les signes de jeunesse et de fertilité. Au fond, un idéal de beauté n’est rien d’autre qu’un logiciel de préférence établi par le cerveau parce que ces gènes sont transmis.

Beaucoup de femmes trouveront cela injuste, mais comme leurs caractéristiques physiques émettent des messages importants sur leurs qualités de mère, elles sont plus jugées sur leur apparence. Malgré la tendance de minimiser les différences entre les hommes et les femmes, nous restons des mammifères. Les femmes doivent porter un enfant, enfanter et éventuellement allaiter. On ne peut effacer la réalité biologique. Il y a de petites différences significatives qui suggèrent que la parentalité moderne peut hypothéquer le développement cérébral des bébés. Les bébés s’attendent à être allaités, chéris et portés. Ils ne veulent pas être nourris de panades dès la naissance ou passer une grande partie de la journée dans un berceau.

Pour les femmes modernes, les caractéristiques physiques d’un homme pèsent moins que les culturelles, hormis sur les lieux ravagés par les infections et les maladies chroniques telles que la malaria. Là aussi, les femmes se concentrent davantage sur les caractéristiques physiques – un homme doit d’abord être en bonne santé. Mais en circonstances normales (pour nous), l’apparence et le succès de l’homme importent peu pour la fertilité. Aujourd’hui, les facteurs physiques qui garantissaient la protection et la certitude alimentaire comptent peu.

La créativité joue un rôle important. Elle se traduit souvent par la banalité qu’un homme doit avoir « le sens de l’humour ». Une personne créative est à apte à résoudre les problèmes et dans notre société complexe cela peut être un avantage. Aujourd’hui, les femmes cherchent surtout un partenaire qui soit un bon père. À moins qu’elles explorent encore leur sexualité, alors les caractéristiques physiques sont plus importantes. Les nerds ne sont intéressants que s’ils ont bon job plus tard. Il y a aussi les éléments chimiques comme l’odeur qui font qu’on est attiré par une personne, même si on ne comprend pas pourquoi.

Le premier amoureux

Que ceux qui se cabrent à l’idée que leur comportement dépend de leur biologie primaire soient un peu rassurés : les facteurs personnels aussi jouent un rôle. Une étude parue dans Current Biology démontre que l’image idéale que l’on se fait d’un partenaire est colorée par les préférences personnelles. Beaucoup de gens sont attirés par un type. L’apparence de ce type est déterminée par un élément tel que l’apparence de leur premier amoureux ou de leur parent préféré. Même les deux membres de vrais jumeaux peuvent avoir des préférences (légèrement) différentes.

L’attirance peut apparaître d’un coup, mais elle peut aussi grandir. Une étude américaine affirme qu’avant le premier baiser on se connaît depuis un an en moyenne. Mais l’inverse se produit aussi. Un partenaire qui a l’air fantastique peut vite perdre de son attirance si ses côtés négatifs se font trop ressentir. L’attirance physique peut mener au sentiment amoureux, mais si celui-ci s’affaiblit et qu’il n’y a plus d’éléments attirants, tels que des intérêts en communs, la relation est vouée à l’échec. Il doit y avoir plus, même si on n’en tient pas toujours compte. Il est scientifiquement prouvé que les décisions qu’on prend dans l’euphorie d’une première rencontre sont aussi mauvaises que celles prises en état de légère ébriété.

En vieillissant, on s’attend à autre chose de la part d’un partenaire. Les aspects physiques deviennent moins importants parce que les enfants – et donc la fertilité – ne sont pas à l’ordre du jour. Une étude de Psychological Science démontre que le contexte social joue également un rôle. Une personne d’une beauté physique moyenne semble plus attirante en compagnie de personnes moins désirables.

L’attirance est donc un processus complexe de processus biologiques, culturels et personnels qui interfèrent. Les rencontres en ligne n’y changent rien. Dans beaucoup de cas, elles élargissent seulement le choix. C’est plus facile aussi parce que tous ceux qui utilisent une appli de rencontres cherchent un partenaire. Cela évite les discussions embarrassantes destinées à savoir si quelqu’un cherche un amoureux.

Psychology Today publie un joli résumé des avancées récentes : « À de nombreux égards, les rencontres consistent à rassembler et traiter des informations, et à déterminer comment on se sent auprès de partenaires possibles avec qui on matche. Une période d’évaluation nous aide à déterminer nos préférences avant de prendre une décision finale. Une relation a plus de chance de réussir si les deux partenaires se sont choisis activement et se sont rapprochés, que si elle a commencé sous la pression sociale », affirment les scientifiques. C’est encore un avantage des rencontres en ligne : on peut le faire sans en informer son entourage.

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