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Érection, ode à la vitalité masculine

Caricaturée, entourée de tabous, l’érection est mal comprise et mal connue des hommes… et surtout des femmes. Ce premier traité du « savoir bander sans peur et sans reproches » sonde tous les mystères de ce phénomène complexe, en apparence banal et quotidien.

Dans l’introduction de leur ouvrage (1), Catherine Solano et Pascal De Sutter, nous suggèrent de faire un test, en tapant sur Google le mot « érection ». On s’exécute. Les sites prospèrent. Une abondante littérature documente sur les performances sexuelles, la pornographie ou… l’augmentation de la taille du pénis. On tombe aussi sur des blagues douteuses et grivoises concernant l’impuissance, les dysfonctions et les « pannes ». Les clichés ont toujours le bon dos. Internet comme source inépuisable de connaissances ? Une trompeuse apparence ! Il était donc temps de remettre les pendules à l’heure et d’aborder l’érection autrement. « Il y a eu des ouvrages sur le pénis et sur les dysfonctions sexuelles, explique Pascal De Sutter, professeur de sexologie aux universités de Lille et de Metz. Cela dit, notre livre est, à ma connaissance, le premier qui en parle de façon positive. L’objectif est éducatif et consiste à mieux comprendre l’érection pour mieux la gérer et pour mieux vivre les aléas. Pour cette raison, il est truffé d’une multitude de conseils, petits trucs et astuces. Dans notre pratique, nous sommes confrontés à la réalité clinique suivante. De plus en plus d’hommes consultent, car l’érection, pour un homme, est très importante, plus qu’on ne l’imagine. Elle est synonyme de vitalité et de dignité. C’est la force de vie à l’£uvre qui peut se résumer par la paraphrase de la célèbre maxime : « Je bande, donc je suis ». Quand un homme est privé d’érection ou quand il n’en a plus, il perd une part très importante de sa qualité de vie. C’est tout un pan de sa virilité qui s’écroule, de façon dramatique et radicale. Les érections dites réflexes rappellent d’ailleurs constamment ce statut de virilité. Ne plus avoir d’érection signifie ne plus être un homme. Certains se suicident. Tel fut le cas d’Ernest Hemingway, par exemple. J’insiste, l’érection n’a rien à voir avec l’exploit. Elle est synonyme de joie, de bonheur et de plaisir. Elle reste un mystère, mais on peut apprendre à mieux la comprendre. » Ajoutons, enfin, que les auteurs ont réalisé un sondage sur Internet. Résultat ? Pour les hommes, l’érection est la source de plaisir sexuel plus importante que l’orgasme (respectivement 13 % et 8 %).

Qu’en pensent les femmes ?

Les femmes ne sont pas stimulées par le pénis en érection. Selon le sexologue, elles ne le trouvent ni beau, ni attirant, ni excitant. Ce qui les intéresse, en revanche, c’est l’hommage à leur féminité, un témoignage fort du désir masculin, voire, carrément, un témoignage d’amour ! L’érection leur prouve qu’elles sont sexy, sensuelles et voluptueuses. Quand, en revanche, elle se laisse à désirer, la femme se sent blessée et humiliée. Instantanément, elle tire une conclusion réductrice et maladroite : « Je ne suis plus à la hauteur, il ne me désire plus et ne m’aime plus. » C’est une croyance fausse, bien entendu. Car l’érection est, aussi, physiologique. « Un homme peut avoir des problèmes de santé et perdre son érection alors que son désir demeure intact, souligne Pascal De Sutter. Et puis, on parle très peu du rôle de la femme, c’est comme si l’érection n’appartenait qu’à l’homme. L’érection est une réalité vivante qui se partage. » Elle se partage, certes, mais encore faut-il connaître les règles du jeu. Ces dernières années, l’attitude de la femme a considérablement évolué. Avant, elle se montrait patiente, elle était dans la réceptivité et la séduction. Aujourd’hui, les femmes de la nouvelle génération n’ont plus de patience, elles sont plus proactives. Elles réclament le droit à l’orgasme, à la jouissance, au plaisir, et exigent davantage de performance. L’autre nouveauté ? La fidélité n’étant plus une valeur suprême, elles peuvent… comparer. En oubliant, trop souvent, que comparaison n’est pas raison. La pression subie par les hommes est donc de plus en plus importante.

Comment naît l’érection ?

« Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève », disait Frédéric Dard. La formule est jolie, mais la réalité est plus complexe et plus subtile. Le principal organe sexuel, c’est le cerveau. L’érection se produit lorsque le cerveau est stimulé par les cinq sens et lorsque ces stimulations sont interprétées comme des signaux érotiques. Prenons l’odorat. Chez certains hommes, un parfum interprété comme un souvenir érotique agréable peut provoquer une érection alors qu’il laissera d’autres hommes de marbre. Une forte poitrine peut également avoir, pour certains, un effet « bandant ». Des stimuli internes entrent aussi en ligne de compte. Il faut que l’homme soit disponible dans sa tête, calme et bien détendu. Il y a aussi des érections réflexes, purement physiologiques et sans signification émotionnelle sexuelle, qui peuvent être provoquées par des stimuli érotiques (par exemple, des rêves) ou non érotiques. La science n’a pas encore livré de réponse exacte pour expliquer leur nature. « Elles auraient la fonction d’entretenir la mécanique sexuelle des hommes, même en absence de relations sexuelles, note Pascal De Sutter. La nature est bien faite. » Lorsque l’érection paraît, il faut encore que ça dure. Une fois de plus, le rôle de la femme est très important. Une partenaire caressante et patiente, qui est dans la sensualité, va favoriser cette durée. Mais elle peut aussi tout saboter. En cas d’une fragilité ou d’une défaillance, une femme qui se sent blessée, mal à l’aise et gênée, compensera son malaise en réagissant de façon cynique et en prononçant, par exemple, cette phrase malheureuse : « Pas de bol, je suis tombée sur un impuissant. »

Le sexe faible, c’est l’homme

Cette attitude cynique et peu réfléchie atteint fortement les hommes et crée des traumatismes. C’est l’humiliation suprême. « La sexualité féminine est plus puissante, décrypte Pascal De Sutter. Une femme peut combler plusieurs partenaires. L’homme qui perd son excitation et son érection ne peut plus fonctionner. Cette fragilité fait que, dans le domaine de la sexualité, l’homme est le « sexe faible ». Je pense que cette fragilité explique probablement les efforts considérables que les hommes ont développés durant des siècles pour opprimer les femmes. En voulant compenser cette fragilité, ils ont dû réglementer la sexualité féminine pour se donner l’illusion de supériorité. Plus les sociétés humaines répriment la sexualité féminine, plus elles sont violentes. La sexualité vécue dans la joie et dans la sérénité rend les hommes calmes et tolérants. Or plus les hommes sont frustrés sexuellement, plus ils vont vivre cette frustration qui se transformera en hostilité et en haine religieuse. »

Les bons outils

Environ 40 % des hommes de 40 ans et plus connaissent, à un moment ou un autre, des troubles érectiles. « Cela dit, j’insiste : aujourd’hui, un homme de n’importe quel âge et dans n’importe quel état de santé peut récupérer son érection », martèle Pascal De Sutter. Tout d’abord, en faisant un bilan de santé. Car l’érection, c’est aussi de la médecine, c’est une sentinelle de la santé, ce n’est pas « tout dans la tête ». Chez les hommes qui n’ont plus 20 ans, les problèmes cardio-vasculaires, le diabète, les problèmes neurologiques, les problèmes de la prostate, la prise de certains médicaments, la dépression ou le stress peuvent provoquer des troubles de l’érection. Ajoutons aussi que la pratique du vélo peut aussi se révéler nocive. En cas de pannes récidivantes, il ne faut jamais zapper la case consultation. « La sexothérapie et les thérapies brèves donnent d’excellents résultats, rappelle Pascal De Sutter. En Belgique, nous obtenons 80 % de réussite par la sexothérapie et/ou par les médicaments. La médecine met à la disposition des hommes des traitements très bien supportés et très efficaces. Mais beaucoup d’hommes ne se font pas traiter. Il y a de la honte, de la gêne et de la culpabilité à consulter un sexologue. » Le fameux Viagra et consorts, nous y voilà. Qu’en est-il exactement ? Apparus il y a une dizaine d’années, les IPDE5 (inhibiteurs de la PhosphoDiEstérase) comprennent le Viagra, mais aussi le Cialis et le Levitra. Ces médicaments agissent en augmentant la relaxation des artères du pénis, ce qui permet au sang d’affluer plus abondamment et continuer à stimuler l’érection. Pour faire simple : contrairement aux idées reçues, le Viagra ne fait pas bander ! En revanche, il empêche la « débandaison » trop rapide, en la rendant plus rigide plus longtemps. Mesdames, c’est à vous de bien comprendre la différence. Ce n’est pas en avalant une pilule que le sexe de l’homme va se dresser illico. Il va afficher et garder sa virilité conquérante grâce à l’attitude pro-érection et « bandante » de la partenaire. Quant à l’homme, il est prié de se vider la tête car les scientifiques ont prouvé qu’un cerveau détendu fait tendre le pénis. En cas de fragilité érectile, la pénétration est toujours délicate. Pascal De Sutter conseille de s’initier au tao chinois : « Pour les Chinois anciens, l’activité sexuelle contribuait à la bonne santé. Elle augmentait aussi l’espérance de vie. Dans le tao, philosophie de l’art d’aimer, les hommes devaient apprendre à pénétrer leur partenaire sans érection. C’est un geste indispensable à connaître. Beaucoup d’hommes croient qu’une forte érection précède la pénétration. Or, chez l’homme plus âgé, en moins bonne santé, on peut imaginer que les caresses viennent d’abord. On a du plaisir, on se sent bien et l’érection vient toute seule. C’est une récompense et non le point de départ. »

Asexualité, c’est quoi ?

Ils ont 30, 40 ans. Ils sont séduisants, équilibrés, indépendants mais ils ne font plus l’amour. Ce sont les adeptes de l’abstinence, un choix de plus en plus suivi, notamment sur le site asexuel.org (déclinaison française du forum américain Asexual Visibility and Education Network). Philosophes et écrivains en vogue en rajoutent une couche. Michel Foucault réclame le droit de rejeter l’ « austère monarchie du sexe ». Pour Pascal Bruckner, « le sexe est devenu, au même titre que le salaire, l’apparence physique, un signe extérieur de richesse que les individus ajoutent à leur panoplie sociale ( Le Paradoxe amoureux, chez Grasset). Tandis que le père du loser sexuel dans Interventions de Michel Houellebecq dit que notre époque « met en place un surmoi terrifiant et dur, beaucoup plus impitoyable qu’aucun impératif ayant jamais existé, qui se colle à la peau de l’individu et lui répète sans cesse : Tu dois désirer, tu dois être désirable ». Mais est-il normal de vivre sans sexe ? « Ce mouvement vient en réaction à la démocratisation de la vie sexuelle, analyse Pascal De Sutter. La sexualité est devenue un objet de consommation. Il y a beaucoup de pression, tout le monde doit jouir. C’est une réalité et il y a des gens qui la refusent. Mais la sexualité fait partie intégrante de la santé humaine. Ce n’est pas un produit de consommation comme une voiture. Selon moi, l’asexualité est un choix par la négative. Beaucoup d’hommes et de femmes vivent une véritable misère sexuelle et certains préfèrent revendiquer ce rejet. L’asexualité a un sens quand c’est un choix de pleine conscience, une abstinence saine et un détachement dans la sérénité, comme chez certains bouddhistes, notamment chez Matthieu Ricard. »

BARBARA WITKOWSKA

(1) La mécanique sexuelle des Hommes. 2. Erection, par Catherine Solano et Pascal De Sutter, Chez Robert Laffont, 320 pages.

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