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Cette maladie rare qui permet à une personne de se souvenir de chaque jour de sa vie

Stagiaire Le Vif

L’hyperthymésie désigne une capacité exceptionnellement supérieure à accéder à des souvenirs autobiographiques. Cette  » maladie  » ne concerne environ que 30 personnes dans le monde.

Joey DeGrandis fait partie des rares personnes atteintes d’hyperthymesie. C’est en 2010, âgé de 26 ans que le jeune Américain s’en est rendu compte, raconte The Independent. Lorsqu’il regardait un reportage de l’émission 60 Minutes Inside dédié aux individus souffrant d’hyperthymésie, il se reconnaît immédiatement dans les témoignages des patients qui présentaient des similitudes avec ce qu’il vivait.

James McGaugh, professeur en neurobiologie à l’Université de Californie à Irvine, était invité dans l’émission pour exposer ses découvertes sur le syndrome et en débattre. Suite à cela, il a reçu plus de 600 mails et appels de personnes pensant être atteintes de la maladie, dont celui de Joey. Après consultation avec le professeur, celui-ci confirme que Joey est bel et bien atteint du syndrome d’hyperthymésie.

Le terme, du grec huper, avec excès, et thymesis, se souvenir, désigne une capacité exceptionnellement supérieure à accéder à des souvenirs autobiographiques. Ces souvenirs se produisent sans le moindre effort conscient.

Le tout premier cas d’hyperthymésie a été diagnostiqué en 2006, lorsqu’une femme nommée Jill Pirce contacte James McGaugh pour un « problème de mémoire ». Les chercheurs découvrent alors que Jill Price pouvait se souvenir de n’importe quel jour de sa vie.

Ann Kato, professeure en neuroscience de l’Université de Genève, explique, qu’à 48 ans, l’actrice peut se rappeler tous les détails de sa vie depuis l’âge de 11 ans. « Elle se souvient littéralement de tout ce qui lui est arrivé, tout ce qui passait à la télévision mais aussi les grands événements mondiaux« 

Des capacités supérieures ?

Toutefois, le professeur en neurobiologie précise dans The Guardian que les gens à la mémoire autobiographique surdéveloppée ne sont pas pour autant des ordinateurs vivants. « Leurs souvenirs sont bien plus détaillés que les nôtres et s’étendent sur une plus longue période, mais ne sont pas plus des enregistrements vidéo « .

Ce syndrome est considéré comme pathologique car la personne souffrant d’hyperthymésie se plaint de ne pouvoir oublier ses souvenirs. Un autre élément caractéristique du syndrome réside dans le fait que le patient consacre une proportion anormalement élevée de son temps d’éveil à penser à son passé. Étonnamment, les personnes atteintes ne sont pas caractérisées par une mémoire supérieure pour d’autres choses. Ces personnes ont souvent des difficultés à l’école parce qu’elles sont incapables d’appliquer leurs compétences de mémoire sur d’autres tâches ordinaires. De plus, Ann Kato explique dans Le Temps que les personnes atteintes de ce talent ont souvent des difficultés relationnelles, car elles sont toujours correctes sur les détails, les conversations et les événements qui ont eu lieu.

Les côtés sombres de ce don

Cela peut paraître amusant de pouvoir sans arrêt feuilleter le livre de sa vie, mais en réalité cela suppose aussi que lorsqu’un événement négatif survient, il est bien plus difficile de tourner la page. Joey explique : « Jusqu’à présent, je me considère chanceux d’avoir eu une belle vie, j’ai surtout beaucoup de souvenirs joyeux et agréables auxquels je peux penser« . Il ajoute : « Mais j’ai tendance à m’attarder plus longuement sur certaines choses que la plupart des gens, et quand quelque chose de douloureux se produit, comme une rupture ou la perte d’un membre de la famille, je n’oublie pas ces sentiments. »

Pour Jill, le premier cas diagnostiqué, c’est un peu plus compliqué. Elle trouve son incapacité à oublier les choses épuisantes. « C’est comme si votre vie se déroulait sur un écran divisé en deux. D’un côté, le présent, de l’autre, jusqu’à dix fois par jour, vous êtes à nouveau confronté au passé, à cause d’une chanson, d’une odeur… De bons moments ou de mauvais. Au fil des années, mon passé a pris possession de moi.  »

Il est donc difficile pour ces personnes d’arrêter l’écoulement de souvenirs. Des dates ou des conversations sur un événement passé déclenchent souvent une cascade de souvenirs qui maintiennent la personne enfermée dans le passé. La santé mentale est fortement influencée par la capacité à oublier, car c’est une compétence que l’on développe pour rendre l’esprit moins encombré. Par conséquent, une mémoire saine implique un équilibre délicat entre la rétention de l’information et la capacité de l’écarter, expose Ann Kato dans Le Temps.

Les neuroscientifiques sont très intrigués par cette forme de mémoire. Les analyses par imagerie ont montré que deux parties du cerveau sont disproportionnellement plus grandes que la normale (l’hippocampe et une partie du lobe temporal). Ces résultats suggèrent que ces deux zones du cerveau peuvent fonctionner ensemble pour effectuer le rappel de mémoire personnelle et sont donc accentuées chez les personnes atteintes de ce syndrome.

Beaucoup de recherches sont en cours pour comprendre ce nouveau type de mémoire. Joey DeGrandis, devenu un véritable cas d’étude, se dit ravi de pouvoir « prêter » son cerveau à la science. Les chercheurs ont encore un long chemin à parcourir pour bien comprendre la maladie. Les mécanismes et les causes restent encore inconnues. Une meilleure compréhension de la pathologie pourrait même conduire à des percées dans la lutte contre les maladies liées à la mémoire, comme la maladie d’Alzheimer.

Amaurine Plat

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