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Attention aux nouvelles drogues du Net

Les drogues de synthèses « légales » se répandent sur Internet, fabriquées par d’obscurs chimistes qui contournent les législations. Leur vente échappe à tout contrôle.

Vous connaissez la cocaïne, l’ecstasy, la MDMA? Vous allez maintenant vous familiariser avec leurs petites soeurs. Elles portent les doux noms de « purple bombs », « pink champagne », « miaou ». Elles copient les effets des drogues « traditionnelles ». Et surtout : elles sont légales, en vente libre sur Internet, et à prix discount. La défonce version 2.0.

Selon l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanie, 164 nouvelles substances psychoactives ont été répertoriées entre 2005 et 2011. Ces « euphorisants légaux » constituent un véritable défi pour les autorités : à chaque jour, son lot de découvertes. Les laboratoires qui les fabriquent sont, pour la plupart, basés hors des frontières de l’Europe, en Inde et en Chine, mais il en existe aussi aux Pays-Bas, en République Tchèque, en Autriche. Les chimistes débordent d’imagination pour contourner les législations en vigueur. Dès qu’une nouvelle drogue apparaît sur la liste des substances prohibées, ils en modifient la molécule avec des radicaux (azote, peroxydes…) et ont toujours un train d’avance sur les pouvoirs publics. Direction Internet, le meilleur des fournisseurs: pas de dealer à rencontrer, d’heures à poireauter. Le paiement est anonyme. Le colis arrive à domicile. Emballé, c’est pesé.

Un catalogue varié

Si les champignons hallucinogènes restent en tête du palmarès des substances achetées sur Internet, la nouvelle drogue en vogue s’appelle la méphédrone, ou 4-MMC. Les « headshops » en ligne la vendent comme engrais pour cactus, ou sels de bain, à 10 euros le gramme. Elle a été interdite en France en 2010, mais ses cousines, dérivées de la famille des cathinones, ont déjà pris le relai. « La méphédrone a remplacé en 2006 de la MDMA », explique le médecin généraliste Régis Missonnier, qui s’est penché sur la question à l’occasion de la conférence du Cnam sur la réduction des risques liés aux drogues. « Elle présente plusieurs avantages: plus rapide d’action, elle est vendue sous forme de poudre, contrairement à la MDMA, qui est en cristaux ». La prise est facilitée: on peut la mettre directement dans un verre, en s’épargnant son goût amer. On peut aussi la sniffer ou se l’injecter. « Mais la « descente » est beaucoup plus raide ». De fait, les effets secondaires de cette nouvelle drogue restent encore inconnus, mais on la sait responsable de la mort de plusieurs personnes. Selon Régis Missonnier, « les nouvelles cathinones sont très puissantes; elles peuvent posséder des effets de dépendance dès la première prise ».

La Toile regorge d’autres substances. Poppers, GBL, Chloraéthyle, Ephédrine, Kratom, Chrystal… une liste inépuisable de stupéfiants chimiquement transformés. Tous ont des impacts sur la santé encore difficiles à apprécier- même les acheteurs ne savent pas véritablement ce qu’ils prennent. Mais la demande est soutenue : selon une enquête Gallup, en 2011, 5% des Européens de 15 à 24 ans en ont déjà consommé. L’Irlande arrive en tête (16%), suivie par la Lettonie, la Pologne et le Royaume-Uni (10% chacun).

Des moyens de réponse limités

Face à cet afflux massif des « euphorisants légaux », les autorités tentent de suivre le rythme. Au Royaume-Uni, un service en ligne, « Talk to Frank », a été mis en place pour informer les consommateurs sur les produits en vente. Au niveau européen, le COSI (Comité permanent de coopération Opérationnelle en matière de Sécurité Intérieure) se charge d’homogénéiser les politiques des différents États en matière de traque de ce nouveau business florissant. Mais le travail s’annonce de longue haleine.

Par Marion Guérin, L’Express

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