Star Wars, épisode 8, la science-fiction est aussi une caricature de notre monde réel. © sdp

À quoi sert la science-fiction ?

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Divertissement ou laboratoire d’idées ? Alors que le 8e opus de Star Wars, la plus célèbre saga du genre, triomphe en salle, se pose la question du rôle de la SF dans notre société dopée à la technologie.

 » T’as de beaux yeux, tu sais  » : dans un monde de science- fiction, la célèbre réplique de Jean Gabin à Michèle Morgan pourrait parfaitement être échangée entre Einstein et Yoda. De fait, dans la saga Star Wars, le regard du fameux maître Jedi a été calqué sur celui du génie de la relativité. L’anecdote est amusante. Elle illustre peut-être aussi le fait qu’il ne faut pas forcément être grave, pour mener des expériences de pensée sérieuses.

C’est là, probablement, la grande force de la SF : malicieuse et maligne, elle fonctionne, en réalité, en permanence sur l’ironie. Populaire, divertissante aussi, elle ne se confine pas dans l’arrogance des hautes sphères intellectuelles. Elle ne se limite plus, non plus, à une seule réflexion sur la science, toute intriquée qu’elle est dans les grands questionnements de notre époque. Ainsi, le souvent mal compris Soumission de Michel Houellebecq, débordant d’ironie, peut-il absolument être considéré comme de la SF et non comme une poisseuse propagande droitière antimusulmane.  » C’est une caricature de notre monde réel « , confirme le chercheur suisse Nicolas Nova, cofondateur du Near Future Laboratory, agence de recherche sur les futurs.

La SF, ce n’est pas le futur, mais le présent

Si la science-fiction a poussé ses premiers vagissements sur l’autel de la science, au xixe siècle, elle dépasse aujourd’hui largement cette dimension, pour se fondre dans la culture, voire dans la critique sociale. Mouvante, elle s’engouffre dans le présent, partout où fourmillent les grandes interrogations. Ainsi, pour l’auteure française Irène Langlet,  » la SF de 2017 n’est plus celle de Fritz Lang, comme la SF de l’afro-américaine N.K. Jemisin n’est pas celle d’Asimov. Elle évolue ! « 

La science-fiction n’est pas faite pour nous exposer ce qui va se passer demain. Elle nous dit : regardez ce qui se passe aujourd’hui. Agissez. Ainsi, pour Marc Atallah, le directeur de la Maison d’ailleurs, de l’utopie et des voyages extraordinaires, en Suisse, le seul musée de science-fiction d’Europe,  » si vous abordez une histoire de robots au premier degré, vous serez déçu. La SF nous explique que le futur est déjà là. C’est vous le robot. Vous êtes déjà instrumentalisé par la société. Réfléchissez.  »

La SF, c’est surtout un genre artistique. Or, le but premier de toute littérature, de tout art est de susciter une émotion qui pourra mener à une réflexion, voire à une action.  » Le lecteur de Madame Bovary va éprouver de l’empathie pour cette fille qui ne tombe que sur des tocards « , note ainsi Marc Atallah.  » Il va se dire : Mais, Emma, tu pensais vraiment que l’amour, c’est comme dans les livres ? Ohlalala, tu te plantes ! Et il réfléchira à l’amour. La SF, c’est pareil.  » Ainsi, elle devrait continuer à faire crépiter longtemps encore nos imaginaires de lumières éclectiques, là où d’aucuns se contentent d’un paresseux nonchaloir, calfeutrés dans l’hyper-nuit ignorante du monde.

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