© Nicolas Loran/Getty Images

Votre profil génomique pour 1000 euros

La séquence complète du génome d’un individu sera possible dans un avenir très proche pour un prix raisonnable. Cette grande avancée ouvre d’extraordinaires possibilités thérapeutiques et soulève des questions d’ordre scientifique, médical, éthique et juridique… Les 6 grandes universités belges y travaillent, ensemble.

C’est un exemple remarquable de collaboration entre des chercheurs issus des six principales universités belges. Réunis au sein du Réseau belge de génomique médicale (Belgian Medical Genomics Initiative ou BeMGI), pôle d’attraction interuniversitaire financé par le gouvernement fédéral, ils se lancent dans un vaste programme d’information et de communication sur les conséquences de l’entrée prochaine de la génomique dans la pratique médicale. La grande question qui se pose est : comment les informations contenues dans la séquence pourront-elles être exploitées par les médecins ? Plusieurs pays s’attaquent à l’introduction en clinique de cette base de données colossale. L’objectif du BeMGI consiste à accompagner cette évolution en Belgique.

Pour faire simple, le génome est le programme biologique qui conditionne la manière dont notre corps fonctionne. Une sorte d’Encyclopedia Britannica réunissant 23 énormes volumes qui sont les chromosomes. A la naissance, nous recevons cette encyclopédie en deux exemplaires, l’un provenant de la mère, l’autre du père. Chaque volume comporte environ 22 000 « recettes » ou gènes. Ça fait du monde. Une copie du génome se trouve dans chaque cellule et détermine son mode d’emploi. Quand celle-ci se prépare à se diviser, elle fait une photocopie du génome et la transmet à la cellule « fille ».

Le projet « Génome humain », achevé en 2003, a permis d’identifier nos 22 000 gènes. La connaissance du génome de chaque individu ne se contente pas de pointer un gène défectueux, à l’origine d’une maladie monogénétique héréditaire, mais permet de voir l’ensemble, d’obtenir une lecture complète de nos gènes et de déterminer, éventuellement, les risques de « maladies complexes », telles le diabète II, les maladies cardiovasculaires, les affections inflammatoires ou l’Alzheimer… Dans un avenir très proche, il sera donc possible, pour un prix raisonnable (environ 1 000 euros), d’obtenir son profil génomique.

Si la lecture d’un génome est possible, cela ne veut pas dire que l’on pourra guérir ces maladies. Mais il est raisonnable de penser que le fait d’avoir lu le génome permettra au médecin d’adapter le traitement pour augmenter son efficacité et en diminuer les risques. Autrement dit, la pharmacogénomique permettra d’utiliser l’information génomique pour prédire le dosage, l’efficacité ou les effets indésirables des médicaments. L’identification de mutations génétiques qui influencent la prédisposition aux « maladies complexes » fournit des informations précieuses pour mettre au point de nouvelles cibles thérapeutiques et développer des outils diagnostiques personnalisés prédictifs. La lecture d’un génome pourrait aussi apporter des informations sur l’évolution d’une pathologie et permettrait d’établir ses sous-groupes. La maladie de Crohn, par exemple, peut évoluer de façon fulgurante. Si le médecin pouvait différencier les patients, il adapterait son intervention sur mesure.

La lutte contre le cancer

Le séquençage du génome des cellules tumorales est une autre percée remarquable et pourrait changer la donne dans la prise en charge des cancers. Dans plus de 90 % des cas, le cancer est une maladie de l’ADN qui est acquise (seuls 5 à 10 % des cancers sont héréditaires). Les scientifiques savent désormais qu’il n’y a pas un gène du cancer mais une multitude de variants qui diffèrent en fonction des patients. Chaque cancer est ainsi une maladie unique. L’approche génétique permettra d’affiner les diagnostics et d’optimiser les stratégies thérapeutiques avec des thérapies sur mesure. En diagnostiquant le type de tumeur, on pourra mettre au point un traitement ciblé qui évitera au patient des effets secondaires inutiles et à la société des frais sans intérêt. Mettre au point des thérapies ciblées suppose de bien comprendre les mécanismes de la transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse, pour déterminer de nouvelles cibles et développer des médicaments spécifiques. Les progrès devraient nous permettre de disposer du « livre » du génome des cellules cancéreuses. Mais posséder un texte et le comprendre (notamment en perçant les mécanismes de la transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse), ce n’est pas tout à fait pareil. Selon certains spécialistes, les thérapies personnalisées contre le cancer ne pourront être mises au point avant au moins vingt ans.

Si le mouvement engagé vers une médecine personnalisée rendue possible grâce au séquençage du génome semble irréversible, il soulève une multitude de questions et non des moindres. Qui pourra réaliser la séquence ? A partir de quel âge ? A qui appartiendra l’information ? Comment gérer l’accès à cette information, comment l’encadrer et comment l’utiliser ? Comment accompagner le patient ? Le coût de ces thérapies ciblées pose également un immense problème pour nos pays en crise. Les organismes de protection sociale devront négocier avec l’industrie pharmaceutique pour garantir une large diffusion de médicaments ciblés et pointus. Cette révolution génomique suppose une autre organisation des soins. Le colloque organisé ce 18 juin au Campus Gasthuisberg de Leuven par BeMGI cible les décideurs politiques et les professions médicales et a pour objectif de susciter la réflexion sur ces nouvelles questions médicales et sociétales qui ne cesseront de surgir.

Barbara Witkowska

Conférences en anglais à l’attention d’un public averti.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire