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Voici ce qui se passe dans notre corps quand on travaille sans arrêt

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Certains métiers exigent une certaine flexibilité et, parfois, la prestation d’heures supplémentaires. Mais travailler (beaucoup) trop serait en fait contre-productif et (très) mauvais pour la santé. Explications.

Selon les dernières statistiques de l’Organisation internationale du Travail, plus de 400 millions de personnes à travers le monde travaillent 49 heures ou plus par semaine. Récemment, même le charismatique PDG de Tesla, Elon Musk, a fait état d’un épuisement et de stress. « Ce n’est pas si bon pour ma santé. Je suis déjà venu voir des amis qui sont vraiment inquiets pour moi », avait-il alors déclaré. Si pour certains, c’est le signe du succès, il serait dangereux de considérer l’épuisement professionnel comme badge d’honneur, juge la BBC, qui consacre un article à ce sujet. Travailler sans relâche durant de longues heures et même les week-ends est devenu un élément-clé dans la culture des start-up de la Silicon Valley. Et ses pratiques se répandent et touchent d’autres régions et d’autres secteurs d’activité.

Travailler davantage serait donc la clé pour que plus de travail soit abattu ? Pas sûr, quand on sait que de nombreuses études ont démontré que le fait de faire des heures supplémentaires réduisait la productivité et pouvait avoir un impact négatif sur la santé. Cela nous rend également plus susceptibles de développer toute une gamme de maladies. Ce qui n’empêche pas des millions de travailleurs de se retrouver dans ce genre de système. Quelles en sont vraiment les conséquences ?

État d’ébriété

Une personne qui travaille (beaucoup) trop peut être surmenée, fatiguée et la baisse de son attention peut avoir des conséquences, comme un accident de travail par exemple. Mais prouver ce lien de cause à effet dans la réalité est compliqué. Selon une étude, « le fait de faire un travail qui comporte des heures supplémentaires était associé à un taux de risque de blessures supérieur de 61% par rapport aux emplois sans heures supplémentaires ». Cette étude ne dit pas de manière spécifique que la fatigue en est la principale cause, mais il existe de nombreuses peuvent suggérant que cela pourrait être le cas.

Le journaliste de la BBC prend un exemple concret en comparant le ressenti à un certain état d’ébriété : « Si vous vous êtes réveillé à 8 heures et que vous êtes encore éveillé à 1 heure du matin (c’est-à-dire debout depuis 17 heures d’affilée), votre performance physique sera pire que si votre taux d’alcoolémie était de 0,05%. C’est le niveau qu’un homme moyen de 73kg aurait s’il avait bu deux canettes de bière. Vous êtes saoul en heures supplémentaires ». Si vous êtes éveillé jusque 5 heures du matin, cela correspondra à plus que limite légale autorisée dans de nombreux pays.

Une nuit blanche réduit donc autant les performances physiques (temps de réaction, concentration…) que si vous êtes trop ivre pour conduire. « Et si vous ne pouvez pas conduire, pouvez-vous travailler en toute sécurité et de manière compétente ? », se demande le journaliste. Si taper à l’ordinateur ne présente pas de grands dangers, la question mérite en tout cas d’être étudiée de plus près pour les travaux manuels, physiques et ceux qui demandent un souci particulier du détail.

Piégés

On pourrait être tenté d’éviter de faire ce type d’horaires, mais beaucoup y sont en réalité piégés. Par un travail passionnant, mais trop exigeant, ou par nécessité pour joindre les deux bouts. Certains doivent même travailler de nuit, par exemple si leurs clients vivent dans un autre fuseau horaire.

Alex J. Wood (Oxford) pointe notamment du doigt les entreprises, d’intérim par exemple, qui travaillent avec des algorithmes qui attribuent des tâches aux travailleurs les plus performants, via un système de classement. Pour être bien positionnés, et avoir une chance d’être plus souvent embauchés, les travailleurs doivent se plier en quatre pour les clients, quelles que soient les conditions (disponibles à n’importe quelle heure, travail de nuit, délai très court…), au risque de recevoir une mauvaise appréciation. Un cercle vicieux qui amène à un surmenage continu et durable. Si le travailleur est mal classé, il se sent alors sous pression, redouble d’efforts et va même jusqu’à casser ses prix pour être embauché. Un modèle épuisant qui touche de nombreux domaines d’activité. Au Royaume-Uni, Uber a d’ailleurs imposé à ses chauffeurs une limite de 10 heures d’affilée.

Disponible en permanence

On se dirige de plus en plus vers la fin des horaires de bureau, où le travail s’arrête après avoir franchi les portes de l’entreprise. Nombreux sont les employés qui échangent encore des mails professionnels en dehors de leurs heures « officielles ». Et les technologies mobiles accroissent davantage les attentes vis-à-vis de la disponibilité des travailleurs. Ainsi, une étude de 2016 a révélé que, chez les personnes qui doivent se montrer disponibles, le niveau de cortisol, hormone qui joue un rôle dans le stress, augmente plus vite le matin que chez les autres. Si cette hormone doit connaitre un pic au réveil puis diminuer durant la journée, elle est altérée par les facteurs de stress quotidiens. Elle augmente plus rapidement si vous vous attendez à une journée stressante, restée plus élevée que la normale si vous souffrez de stress chronique et n’augmente pas si vous souffrez d’un burn-out. Le fait d’être « disponible » augmente également le niveau de stress général, car le travailleur n’a pas la pleine sensation de profiter de son temps libre, voué au repos, aux loisirs et à la famille.

La BBC conclut en donnant quelques conseils : « Si vous pouvez éviter de travailler plusieurs jours de suite, faites-le », car travailler sans arrêt n’a d’effet positif ni sur la santé, ni sur le bien-être, ni sur le travail. « Même si vous pensez que vous êtes une exception, vous ne l’êtes très probablement pas », ce que nous apprend par ailleurs l’histoire d’un PDG comme Elon Musk, dont les actions ont chuté de 8,8% peu après ses confidences médiatiques.

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