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Une « chirurgie chimique » pour corriger les mutations génétiques

Le Vif

Des chercheurs ont créé une « machine moléculaire » qui permet de réécrire le génome à la lettre près, une avancée qui pourrait servir un jour aux traitements de nombreuses maladies génétiques dues à une mutation ponctuelle comme certaines formes de cécité, de surdité et de maladies sanguines.

Le Pr David Liu de Harvard et ses collègues décrivent dans la dernière livraison de la revue scientifique Nature le développement de leur machine moléculaire qui permet de réaliser cette chirurgie chimique de précision. « Créer une machine qui apporte la modification génétique dont vous avez besoin pour traiter une maladie est un pas en avant important », relève le Pr Liu. Mais « une énorme quantité de travail est encore nécessaire avant que ces machines moléculaires puissent être utilisées pour traiter des patients », avertit le chercheur.

Cette technique, une sorte de « crayon » génomique pour réécrire les lettres de base de l’ADN, est « plus efficace et plus propre » que celle des « ciseaux moléculaires » (surnom de l’édition du génome avec la technique Crispr-Cas9) quand le but est simplement de corriger une mutation ponctuelle », selon le Pr Liu.

Quelles mutations sont concernées ?

En pratique, les chercheurs ont introduit dans les cellules les instructions, portées par du matériel génétique, afin qu’elles construisent elles-mêmes ce nouvel éditeur de base pour réparer leurs propres mutations, en l’occurrence pour convertir dans leur génome une paire de lettres A-T en G-C.

L’ADN est le support de notre patrimoine génétique, qui dépend de l’ordre dans lequel se succèdent quatre bases chimiques ou « lettres ». L’adénine (A) se couple à la thymine (T) et la guanine (G) à la cytosine (C) pour former des paires. Jusque-là, les chercheurs avaient pu convertir les paires de bases G-C en paires de bases T-A. Une modification qui n’intéresserait qu’environ 15% des maladies associées à une mutation ponctuelle, selon le chercheur Liu.

Or dans la moitié des maladies liées à des mutations ponctuelles, l’anomalie provient d’une paire de bases G-C qui s’est transformée en une paire A-T. Le nouveau système de rédacteur ou d' »éditeur de base » d’adénine de l’équipe Liu, qui supprime cette mutation, en transformant la paire de lettres A-T en G-C , offre donc la possibilité de corriger de nombreuses mutations. Les chercheurs l’ont testé sur des cellules d’un malade atteint d’hémochromatose, une surcharge en fer héréditaire qui nécessite des saignées pour la contrôler.

Progrès dans l’édition du génome

Ils ont également utilisé ce crayon pointu pour inscrire dans des cellules une mutation bénéfique qui entraîne la persistance de l’hémoglobine foetale chez l’adulte. Cette mutation est connue pour protéger contre certaines pathologies sanguines comme la drépanocytose. La possibilité de modifier directement les paires de bases « avec une telle spécificité ajoute plus de munitions à l’artillerie de l’édition du génome » selon le Dr Helen O’Neill de l’University College London (UCL).

Cette généticienne salue également la parution dans la revue Science d’un travail qui « montre une édition efficace de l’ARN », une molécule qui joue un rôle essentiel dans la synthèse des protéines, et dont la manipulation ne serait pas forcément permanente. Ces articles soulignent le « rythme rapide et les améliorations constantes apportées à l’édition du génome, le rapprochant de plus en plus de l’application clinique », se réjouit-elle.

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