© Thinkstock

Un poisson servi sur trois n’est pas celui mentionné sur le menu

Les étiquetages trompeurs de poissons n’épargnent pas les assiettes des décideurs européens: près d’un poisson sur trois servi à Bruxelles n’est pas celui qu’il devrait être, selon une ONG qui a poussé son enquête jusque dans les cantines de l’Union européenne.

Pangasius (du delta du Mekong) présenté comme du cabillaud ou de la sole, thon exotique plutôt que thon rouge: des tests ADN menés par l’organisme environnemental Oceana en collaboration avec l’Université catholique de Louvain ont montré que près de 32% des poissons examinés dans la capitale belge étaient mal étiquetés.

Sur cinq espèces testées au cours de 280 repas servis dans 150 restaurants et les cantines de la Commission européenne et du Parlement, Oceana a en fait identifié 36 espèces différentes, peut-être même 37.

« Nous n’essayons pas de donner une preuve statistique mais de pointer le doigt sur quelque chose qui va de travers », a souligné Lasse Gustavsson, directeur exécutif d’Oceana, qui a publié son étude mardi.

La fraude la plus répandue concerne le thon: dans 95% des cas, il ne s’agit pas vraiment du thon rouge dont il est fait publicité. Il est remplacé la plupart du temps par du thon albacore, plus commun et de moindre valeur, ou par du thon obèse, « pourtant surexploité », précise Oceana.

La différence de prix entre le poisson annoncé et celui réellement servi peut monter jusqu’à 40%.

Si l’étude de l’ONG n’enquête pas sur le maillon de la chaîne de distribution défaillant qui permet ce genre de fraude, elle vise à attirer l’attention des consommateurs et des régulateurs.

Quelque 40% des poissons testés dans les cantines européennes ne correspondaient pas aux indications; toutefois, il ne semble pas que ce soit une question d’économies.

« C’est le chaos total. Ils remplacent du poisson bon marché par des espèces plus chères », comme du cabillaud au lieu du merlu, a malicieusement souligné Lasse Gustavsson.

« Les dirigeants européens doivent s’assurer que les poissons sont bien étiquetés et étendre » les renseignements à préciser, a-t-il plus sérieusement lancé.

« Un océan bien géré peut nourrir jusqu’à un milliard de personnes », a-t-il ajouté, rappelant que près de 50% des stocks sont surexploités dans l’Atlantique Nord, et plus de 90% en Méditerranée.

Le SPF Economie prendra des actions si nécessaire

Cette fraude économique n’est pas sans conséquence pour la santé et pour l’environnement, puisqu’elle encourage la pêche illégale. Le SPF Economie passera au crible ce rapport, et prendra des actions si nécessaire, a indiqué sa porte-parole.

Interrogée sur la présence de poisson frauduleux dans ses cuisines, la Commission européenne a souligné que trois entreprises belges étaient responsables de la sous-traitance des cantines des institutions européennes, et que leur contrôle dépendait de l’AFSCA. L’Agence renvoie quant à elle la balle au SPF Economie, responsable des fraudes économiques.

Le Service public fédéral « analysera le rapport et prendra des actions si nécessaire », a réagi sa porte-parole, Chantal De Pauw. L’Inspection Economique a mené 264 enquêtes en 2013 et 2014, débouchant sur 20 procès-verbaux d’avertissement et trois citations à comparaître.

Le contrôle se concentre sur les supermarchés, les commerces en gros et les marchands de poissons. Peu de plaintes concernent les restaurants, et ceux-ci ne doivent pas nécessairement afficher le type de poisson, en annonçant par exemple le « poisson du chef », a expliqué la porte-parole.

Contenu partenaire