"La tuberculose n'est pas une maladie du passé, mais si le monde coopère pour la combattre, je n'ai aucun doute qu'elle puisse l'être", a tweeté Bill Gates. © iStock

Tuberculose: l’efficacité des nouveaux traitements est fragile

Le Vif

Les nouveaux traitements contre les formes résistantes de tuberculose pourraient à leur tour devenir inefficaces si on les utilise mal, avertit un rapport publié jeudi, à la veille de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose.

Il faut davantage contrôler la façon dont ces médicaments sont prescrits et administrés, sous peine de voir « leur efficacité annulée rapidement », alerte le rapport, publié par The Lancet Respiratory Medicine.

Ces dernières années, trois antibiotiques sont apparus pour traiter la tuberculose: la bédaquiline (commercialisée sous la marque Sirturo par les laboratoires Janssen), le délamanide (Deltyba, du laboratoire Otsuka) et le linézolide (Zyvoxid, de Pfizer, et génériques).

Une bonne nouvelle, car l’arsenal disponible pour lutter contre cette maladie est mis à mal, à mesure que la bactérie responsable de la tuberculose développe de nouvelles résistances. D’autant que depuis les années 1970 et l’apparition de la rifampicine, aucune nouvelle molécule n’avait été mise sur le marché.

Selon des études préliminaires, les nouveaux médicaments « améliorent sensiblement l’efficacité des traitements et donnent un espoir à des patients qui auraient auparavant été considérés comme incurables », salue le rapport.

« Cependant, sans investissements importants pour l’accès à de nouveaux traitements, notamment des traitements plus courts avec moins d’effets secondaires, les médicaments efficaces vont se raréfier à nouveau, à mesure que des résistances aux derniers traitements apparaissent », avertit-il.

La tuberculose, pathologie due à une bactérie qui s’attaque principalement aux poumons, est la maladie contagieuse la plus mortelle, avec 1,8 million de victimes en 2015 et 10,4 millions de personnes atteintes, dont 60% vivent dans six pays: Inde, Indonésie, Chine, Nigeria, Pakistan et Afrique du Sud.

20% de ces cas étaient résistants à au moins un antibiotique et 5% étaient multi-résistants, soit 480.000 cas. La moitié ont été recensés en Inde, Chine et Russie, mais les migrations et le développement du tourisme font que « des souches hautement résistantes de tuberculose sont présentes quasiment partout dans le monde », souligne le rapport.

Cette résistance se développe quand le médicament ne parvient pas à éliminer la bactérie ciblée, parce ce que ce n’est pas la bonne molécule, pas la bonne dose ou parce que le traitement n’est pas correctement suivi. Mais les souches résistantes peuvent aussi se transmettre directement d’une personne à une autre.

Or les formes multirésistantes de tuberculose sont beaucoup plus longues et coûteuses à traiter: alors qu’elles n’ont représenté que 5% des cas en 2015, elles ont mobilisé environ un tiers des ressources disponibles pour lutter contre la maladie.

Le problème prend de l’ampleur en Europe de l’Est, en Russie et au Kazakhstan, où des milliers de travailleurs migrants arrivent chaque année, notamment d’Asie centrale, parfois porteurs de tuberculose non diagnostiquée ou non soignée, souligne Michel Kazatchkine, envoyé spécial des Nations unies pour le VIH/sida en Europe de l’Est et en Asie centrale, qui s’intéresse aussi de près à la tuberculose, premier facteur de mortalité chez les séropositifs.

Pour stopper l’expansion de la maladie, les pays doivent arrêter d’expulser les migrants malades, une pratique « inefficace en termes de santé publique » et qui peut favoriser « les types d’infection résistants aux traitements », souligne-t-il.

David Moore, infectiologue à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, insiste lui sur la nécessité de tester tous les patients à qui on diagnostique la tuberculose pour voir s’il s’agit d’une forme résistante ou non.

Il balaie l’argument d’un coût trop élevé d’une telle généralisation des tests: « La vérité c’est qu’on ne peut pas se permettre de ne pas le faire ».

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