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Superbactérie : « la situation est mauvaise et elle est en train d’empirer »

Le Vif

L’ère des antibiotiques est-elle terminée? Des dirigeants du monde entier ont appelé mercredi gouvernements, médecins, industriels et consommateurs à endiguer la menace mortelle des superbactéries résistantes aux antibiotiques.

« La situation est mauvaise et elle est en train d’empirer », « certains scientifiques parlent de tsunami au ralenti », a prévenu la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Chan, à l’ouverture de la première réunion jamais convoquée sur ce sujet à l’Assemblée générale de l’ONU.

« Si on continue comme ça, une banale maladie comme la gonorrhée (maladie sexuellement transmissible, Ndlr) deviendra incurable. Vous irez chez le médecin et le docteur sera obligé de vous dire, +désolé, je ne peux rien faire pour vous+ »

« Les superbactéries hantent déjà les hôpitaux et les unités de soins intensifs du monde entier. Nous connaissons presque tous quelqu’un qui a subi une opération de routine avant de mourir d’une infection contractée à l’hôpital », s’est alarmée Mme Chan.

Le problème vient de la sur-utilisation et l’utilisation à mauvais escient des antibiotiques chez les humains mais aussi dans l’élevage (poissons compris) et dans les cultures. La propagation de résidus de ces médicaments par le biais des ressources en eau, notamment, contribue à aggraver la situation.

La transmission des infections résistantes aux superbactéries depuis les animaux d’élevage à la viande et aux humains qui la consomment a été largement documentée, a rappelé le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.

– une question d’argent –

« La résistance antimicrobienne pose une menace fondamentale sur le long terme à la santé humaine, la production durable de nourriture et au développement », a-t-il résumé. « Nous sommes en train de perdre notre capacité à protéger tant les humains que les animaux d’infections mortelles ».

Les infections résistantes aux antibiotiques tuent déjà plus de 230.000 nouveaux-nés par an actuellement, selon les estimations de l’ONU. Les superbactéries pourraient tuer jusqu’à 10 millions de personnes par an d’ici 2050, soit autant que le cancer, selon une récente étude britannique.

Parmi les exemples de la progression de ce fléau, Ban Ki-moon a cité pêle-mêle une épidémie de typhoïde résistante aux antibiotiques qui se répand actuellement en Afrique, la résistance croissante aux traitements contre le sida, ou encore la progression d’une forme de tuberculose résistante aux antibiotiques enregistrée désormais dans 105 pays.

Les dirigeants réunis à New York ont adopté une déclaration par laquelle ils s’engagent à renforcer l’encadrement des antibiotiques, mieux diffuser la connaissance sur ce phénomène, favoriser la recherche de nouvelles classes d’antibiotiques et à encourager les traitements alternatifs, appelant les gouvernements du monde entier à adopter rapidement des plans d’action nationale.

Ils appellent aussi à mobiliser des fonds publics et privés – sans dire comment ni combien – alors que le problème est aussi économique.

Ainsi, en 50 ans, « seules deux nouvelles classes d’antibiotiques sont apparues sur les marché », car le retour sur investissement pour ce type de médicaments est insuffisant pour les laboratoires, a indiqué Mme Chan.

Il faut trouver « des incitations pour retrouver l’ère prolifique de la découverte des antibiotiques des années 1940 à 1960 », a-t-elle souligné.

L’utilisation massive d’antibiotiques dans l’élevage est aussi une question d’argent, a expliqué Monique Eloit, directrice générale de l’Organisation mondiale pour la santé animale (OIE). Les antibiotiques qui favorisent la croissance, encore utilisés dans de nombreux pays, permettent des gains de productivité.

« On ne peut pas demander (aux éleveurs) d’arrêter du jour au lendemain. Il faut leur montrer qu’une autre façon de faire est faisable et économiquement viable », a-t-elle indiqué.

Mme Chan a rappelé que l’OMS avait adopté l’an dernier un plan d’action mondial face aux superbactéries, qui recommande notamment l’interdiction, dans l’élevage et l’agriculture, de certains antibiotiques cruciaux pour la santé humaine.

Enfin, les consommateurs ont un rôle important à jouer, selon l’OMS.

« Ils doivent cesser de demander des antibiotiques en cas d’infections virales telles rhume ou grippe », parce que cela ne sert à rien, a martelé Mme Chan.

Ils peuvent aussi faire pression sur l’industrie alimentaire et les restaurants en « faisant de la viande sans antibiotique leur premier choix », a-t-elle ajouté.

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