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Smartwatches et autres applis fitness: une bonne idée de cadeau ?

Les technologies portables et autres applications fitness foisonnent, et tentent beaucoup de sportifs. Mieux vaut toutefois y réfléchir à deux fois avant de desserrer les cordons de la bourse pour les offrir à Noël.

Pour commencer, comment faire un choix dans cette offre surabondante et pas toujours très claire ? La terminologie à elle seule prête déjà à confusion : les moniteurs d’activité, bracelets connectés, dispositifs portables, smartwatches et autres applis fitness se présentent tous sous des qualificatifs différents… Fondamentalement, ces produits ont tous en commun de collecter des données afin d’inciter leurs utilisateurs à bouger davantage. Si les plus simples se bornent à compter les pas ou les foulées, les plus pointus sont capables d’effectuer des mesures : distances, différences d’altitude, durée d’activité, consommation énergétique, pouls, fréquence de pédalage, tension, température du corps et de l’environnement, durée et qualité du sommeil… rien ne leur échappe ! Sur base de ces données, leurs producteurs proposent en outre des programmes motivationnels assortis de rappels, d’encouragements, d’astuces, de conseils pour se fixer des objectifs – bref, de toutes les aides possibles et imaginables pour vous astreindre à tenir le cap.

Trophées et médailles

Ces outils présentent certes d’indéniables avantages, mais on peut se demander si tout ce bataclan incite vraiment à bouger mieux ou davantage. Ce n’est généralement pas le cas chez les mordus du sport, qui n’ont pas besoin de cela, tant l’effort leur procure un réel plaisir. Pourtant, ces passionnés s’intéressent beaucoup aux dispositifs portables, et ce pour deux raisons. La première est que la possibilité d’enregistrer précisément des résultats et valeurs essentielles représente une preuve tangible de leurs prestations, une sorte d’armoire à trophées virtuelle ( » Vous avez vu mon temps au marathon de Berlin ? « ). La seconde est qu’ils y trouvent une source d’informations qui les aideront à adapter leur programme d’entrainement.

Ceux et celles qui recherchent surtout ce soutien technique s’orienteront de préférence vers des outils professionnels offrant toutes les garanties requises en termes de qualité et de prestations, ce qui limite déjà sensiblement le choix. La possibilité de comparer immédiatement ses résultats à ceux de ses proches ou concurrents partout dans le monde est une autre option séduisante pour ce groupe extrêmement compétitif.

Les applications et dispositifs portables censés calculer vos dépenses énergétiques manquent aussi d'exactitude.
Les applications et dispositifs portables censés calculer vos dépenses énergétiques manquent aussi d’exactitude. © ISTOCK

Pour les nombreux amateurs enthousiastes qui font surtout du sport  » à l’instinct « , ces chiffres n’apportent en outre pas grand-chose et un appareil multifonctionnel risque donc fort de finir au fond d’une armoire.

Je voudrais bien…

Et puis il y a ceux qui veulent se motiver à bouger. Ceux qui n’ont besoin que d’un petit coup de pouce pourront généralement se contenter d’un système simple qui leur rappelle de temps en temps leurs bonnes résolutions… Par contre, pour ceux qui se forcent à avoir une activité physique, c’est une autre paire de manches : ils ont davantage besoin d’un soutien systématique pour les aider à surmonter leur manque d’enthousiasme et même leurs doutes. Et c’est malheureusement là qu’à peu près tous les programmes motivationnels qui accompagnent les applications et moniteurs d’activité se heurtent à leurs limites (1-2).

Ces produits ne sont pas franchement fiables en conditions réelles, même s’ils fonctionnent probablement très bien dans un cadre expérimental.

Alors que le plaisir que nous procure une activité reste clairement le meilleur des stimulants, ces programmes ont en effet tendance à mettre l’accent sur des objectifs très concrets (comme un certain nombre de pas ou de minutes d’activité quotidiennes). Cette stratégie est malheureusement rarement efficace dans la durée. Si l’utilisateur parvient à faire ses 6000 pas, ses bonnes intentions risquent en effet d’être rapidement sabotées par les imprévus du quotidien. Chaque objectif raté provoquera d’abord un sentiment de culpabilité puis, à mesure que ces échecs s’accumuleront, une frustration et une impression que le sport n’est qu’une corvée supplémentaire dans des journées déjà bien remplies. Même les messages d’encouragement ( » Vous y êtes presque, mais il vous reste encore ceci ou cela à faire « ) finissent par être ressentis comme des critiques, et la tentation est grande d’éteindre purement et simplement l’appareil ou de l' » oublier  » définitivement au fond d’un tiroir.

Ce n’est pourtant pas faute, pour les producteurs, d’enrichir sans cesse leur offre de nouvelles techniques de motivation, car ils ont bien conscience que la vente à elle seule ne suffit pas à garantir leur avenir (3-4) et qu’il devient de plus en plus important de fidéliser les utilisateurs. C’est le principe qui a fait le succès de tant de jeux, qui utilisent habilement les récompenses pour s’assurer de l’assiduité du joueur. S’agissant de l’exercice physique, non seulement il faut d’abord faire des efforts bien plus lourds que dans la majorité des jeux, mais le plaisir est nettement moins immédiat.

Smartwatches et autres applis fitness: une bonne idée de cadeau ?
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Les programmes visant à stimuler l’activité physique ciblent en outre un public beaucoup plus étendu et plus diversifié que la plupart des jeux, ce qui exige une offre plus large et plus personnalisée… que personne ne parvient encore vraiment à développer.

La fréquence cardiaque ? Pas fiable !

Comme de nombreuses études l’ont démonté au cours des dernières années, ces produits ne sont pas franchement fiables en conditions réelles, même s’ils fonctionnent probablement très bien dans un cadre expérimental (5). La fréquence cardiaque, par exemple, est un excellent indicateur pour organiser ses entraînements… à condition de disposer d’un appareil de mesure qui ne se trompe pas régulièrement de plusieurs dizaines de battements ! Soulignons que la technique d’enregistrement est, en soi, parfaitement fiable ; on l’utilise d’ailleurs dans les hôpitaux du monde entier sous la forme d’une pince à placer au niveau du doigt ou de l’oreille, où elle enregistrera les subtiles variations de la couleur de la peau à chaque dilatation des capillaires. Appliquée aux dispositifs portables, elle livre toutefois des résultats beaucoup plus aléatoires, par exemple parce que le capteur bouge, parce qu’il est trop serré et empêche la dilatation des vaisseaux, parce que la mesure est entravée par un tatouage ou une pilosité excessive, etc.

Les seuls cardiofréquencemètres sportifs qui livrent des données réellement fiables sont ceux qui mesurent l’activité électrique du coeur à l’aide d’une ceinture thoracique (5). Avec les autres modèles, vous en serez réduit à éplucher la littérature scientifique – sans garantie d’être plus avancé pour autant – ou à vous fier à votre bonne étoile…

La consommation énergétique ? De l’à-peu-près !

Les applications et dispositifs portables censés calculer vos dépenses énergétiques manquent aussi d’exactitude. Sachant que la mesure professionnelle de ce paramètre est déjà extrêmement compliquée, on se doute en effet qu’un programme pour smartphone ou un bracelet ne peut pas faire de miracles.

Le principal problème réside toutefois dans les mesures à introduire par l’utilisateur lui-même, comme par exemple la longueur de ses enjambées. La plupart des gens se bornent à choisir un peu au hasard une valeur approximative. S’ajoute à cela que la longueur des foulées dépend aussi du terrain : le sable, la neige, une boue bien gluante, une dénivellation, la pluie et le vent ont tous leur influence, sans compter que rares sont les podomètres qui ne  » ratent  » jamais un pas.

Le calcul des dépenses énergétiques repose donc sur des bases extrêmement peu fiables, comme l’ont d’ailleurs confirmé toutes les études scientifiques consacrées à la question. Mieux vaut donc ne pas trop s’y fier, d’autant que nombre d’amateurs affichent déjà des apports caloriques excessifs à force de consommer des boissons sportives à tort et à travers…

La masse grasse ? Une estimation méritoire

Même si elle est en fin de compte assez peu importante, arrêtons-nous sur l’évaluation de la masse adipeuse. À l’instar des balances à impédancemètre intégré, les capteurs évaluent en effet cette valeur sur la base de la résistance que rencontre un courant électrique imperceptible en traversant l’organisme, le principe étant que la graisse est un moins bon conducteur que l’eau.

Le système portable repose sur deux points de contacts, l’un situé sous le bracelet, l’autre dans un bouton de métal à sa surface ; elle s’effectue en posant sur ce dernier un doigt de la main opposée pour  » boucler la boucle « … Le problème est que, comme le courant emprunte normalement la voie la plus courte, cette technique tend à mesurer la résistance dans les bras et le torse plutôt que dans l’abdomen et les cuisses. Sa relative imprécision n’est toutefois pas réellement problématique, puisqu’elle vous donnera malgré tout une idée de votre évolution (que vous auriez probablement pu jauger tout aussi efficacement au travers de votre garde-robe…). Cela dit, pour un résultat moins approximatif, demandez plutôt à un médecin ou nutritionniste de mesurer l’épaisseur des plis cutanés.

Pas de garde-fou

Une dernière réflexion pour conclure. Pousser de manière inconsidérée les gens à faire toujours plus d’exercice a en effet aussi son revers, sous la forme des blessures et autres lésions qu’ils peuvent ainsi encourir. Fondamentalement, les programmes de motivation utilisés par les applications mobiles et dispositifs portables ne sont rien de plus qu’une version numérique du fameux start-to-run, dont le succès a contribué à accroître sensiblement le nombre de joggeurs dans la population. Sur le fond, on ne peut évidemment que s’en féliciter… si ce n’est que nombre de débutants ont aussi été victimes de graves lésions de surcharge qu’ils ont parfois traînées pendant plusieurs années. Il existe heureusement des recommandations pour la prévention de ce problème, que les fabricants de gadgets électroniques destinés à stimuler l’activité physique devraient mettre un point d’honneur à intégrer à leurs programmes d’accompagnement !

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