Le médicament en question : le Truvada, commercialisé par la firme Gilead Sciences. © Belga

Sida: une firme pharmaceutique veut imposer un médicament aux personnes… non-infectées

Stagiaire Le Vif

Après le succès de son médicament, le Truvada, auprès des séropositifs, la firme pharmaceutique Gilead Sciences souhaite le commercialiser au sein d’un marché bien plus vaste : la population non-infectée par le VIH. Pour ce faire, la firme pharmaceutique use d’un marketing indirect, qualifié de « lâche ». Explications.

Après le succès de son médicament, le Truvada, auprès des séropositifs, la firme pharmaceutique Gilead Sciences souhaite le commercialiser au sein d’un marché bien plus vaste encore: la population non-infectée par le VIH. Pour ce faire, la firme pharmaceutique use d’un marketing indirect, qualifié de « lâche ». Explications.

Dans le jargon scientifique, on les qualifie de « séronégatifs », ce sont toutes les personnes non-infectées par le VIH. Aujourd’hui, pour éviter la contamination, elles utilisent des préservatifs. Demain, il leur suffira d’absorber, avant chaque rapport, une pilule : le Truvada.

C’est en tout cas l’espoir de Gilead Sciences, qui commercialise depuis 10 ans ce médicament à destination des séropositifs. Avec un succès certain, puisque cela lui aurait rapporté 3 milliards de dollars. Désormais, la firme américaine se tourne vers un marché encore plus prometteur : les séronégatifs. Faire de la prévention, donc. Mais, toujours, à l’aide du Truvada.

Voilà un parfait exemple de ce que Quentin Ravelli nommait, dans Le Monde Diplomatique de janvier, « la nature versatile de la marchandise médicale », c’est-à-dire détourner un médicament de sa fonction première afin d’atteindre une autre clientèle. Pourtant, Gilead Sciences ne fait aucune publicité directe quant à l’usage préventif du Truvada, une étude ayant pourtant prouvé son efficacité en la matière.

« Si Gilead Sciences faisait des campagnes pour inciter les gens, notamment la communauté gay, à utiliser le Truvada en prévention d’un rapport, en lieu et place d’un préservatif, ce serait vu comme une incitation aux relations non protégées. Ils seraient alors critiqués de toutes parts », éclaire Sean Strub, membre d’une association qui vient en aide aux séropositifs.

« Il s’agit d’un outil de santé publique et non une opportunité commerciale », tente de justifier le porte-parole de la marque. « Il ne faut pas tomber dans l’angélisme : les laboratoires pharmaceutiques cherchent par-dessus tout à faire du fric », rectifie toutefois WARNING, un organisme de santé communautaire français. Pour contourner l’obstacle éthique, Gilead Sciences use d’un marketing indirect, plus discret, qualifié de « lâche » par une séropositive londonienne rencontrée par Seronet.net. Objectif : imposer le Truvada comme (seule) thérapie de prévention du VIH.

Afin d’y parvenir, aucun dollar (ou presque) n’est dépensé en campagne publicitaire ou représentant médical, comme c’est souvent le cas : Gilead préfère donner de l’argent à des associations, soutenir des projets d’éducation et de sensibilisation à l’utilisation… du Truvada, relève le Bloomberg Business.

Cibler directement le client. Tout en visant à le rendre accessible aux patients sans assurances ou ne pouvant se le permettre, sans diminuer son prix (520 euros les 30 comprimés), grâce à un lobbying intense auprès des pouvoirs publics, afin qu’il soit remboursé par la Sécurité Sociale. Gilead a également mis en place des programmes d’accès à la pilule à moindre coût, avec le concours de centres de santé communautaire aux États-Unis.

A la place d'un marketing
A la place d’un marketing « traditionnel », Gilead préfère donner de l’argent à des associations, soutenir des projets d’éducation et de sensibilisation à l’utilisation… du Truvada.© iStock Photos

En résumé, il semblerait que Gilead Sciences veuille amener ses futurs clients à, eux-mêmes, réclamer du Truvada.

Une technique qui paraît, déjà, porter ses fruits : le Truvada est la première thérapeutique préventive du SIDA approuvée par l’agence américaine du médicament (FDA) et certains pays, comme le Brésil ou l’Afrique du Sud, passent directement commande à l’entreprise pour qu’elle le commercialise en nombre sur leurs terres. Des médecins généralistes seraient même surpris par des demandes de prescriptions d’un médicament qu’ils ne connaissent pas. (A.V.)

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