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Sexisme: le cerveau n’a pas de genre

Le Vif

Catherine Vidal, directrice de recherche à l’Institut Pasteur, le répète: le cerveau humain n’a pas de genre.

Les cerveaux féminin et masculin sont-ils différents? Non. Si vous regardez un cerveau, les sillons du cortex, ses circonvolutions sont uniques, vous n’avez aucun moyen de dire s’il s’agit d’un cerveau féminin ou masculin. La fabrication du cerveau est profondément marquée par l’histoire vécue propre à chaque individu. Deux femmes peuvent avoir des cerveaux bien plus différents qu’un homme et une femme.

Vous voulez dire que nos expériences personnelles modifient la structure de notre cerveau?

Exactement. On appelle cela la plasticité cérébrale. Des études par IRM chez des pianistes montrent que les zones du cortex qui contrôlent les doigts et l’audition sont plus épaisses que chez la moyenne des êtres humains. Cet épaississement est même proportionnel à la durée de la pratique du piano pendant l’enfance.
Le cerveau n’est donc pas un produit fini à la naissance, il se structure pendant l’enfance… … et à l’âge adulte.

Le même type d’étude par IRM chez des chercheurs en mathématiques a montré un épaississement cortical proportionnel aux années de pratique dans les zones de représentation des nombres et de la géométrie.

A quoi sont dus ces épaississements du cortex?

Ils correspondent à une augmentation de connexions neuronales due à l’apprentissage. Par exemple, on a demandé à des étudiants d’apprendre à jongler. Il a suffi de trois mois pour observer un épaississement cortical des zones concernées. Cet épaississement se réduit si l’étudiant arrête de jongler. Le cerveau est bien plus malléable qu’on le croyait auparavant.

Il existe pourtant des études montrant des différences entre hommes et femmes, notamment dans les aires du langage. Seraient-elles fausses?

Elles sont surtout anciennes et contiennent des biais méthodologiques. En 1995, une première étude par IRM sur vingt personnes avait montré des différences entre les sexes. Depuis, des méta-analyses rassemblant les données de toutes les études par IRM sur le langage, soit plus de 2000 sujets, ont été réalisées. On observe des différences entre tous les individus et les traitements statistiques ne montrent pas de différences spécifiques entre les sexes.

Observe-t-on des différences à la naissance, quand le cerveau n’a pas encore été soumis à l’expérience?

Il n’est pas réalisable, éthiquement, d’étudier des bébés dans par IRM! En revanche, on peut effectuer des études de comportement. Une méta-analyse du développement comportemental des bébés de la naissance à trois ans montre que les différences entre les sexes, en termes de préférence de jouet ou de vocalisation, apparaissent tardivement, à partir d’un an et demi. À cet âge, le comportement de l’enfant est largement influencé par l’environnement familial et social.

Quand vient la puberté, les hormones entrent en action. Elles auraient donc moins d’influence que nos expériences vécues?

Il existe énormément d’études sur les relations entre les hormones sexuelles et les capacités cognitives. Leurs résultats sont très contradictoires. Il y a des biais dans les interprétations, auxquels il faut être attentif. Le premier concerne le rôle attribué aux hormones. Des liens de corrélation, et pas de causalité, peuvent être établis, mais dans des conditions pathologiques qui sont éloignées des conditions physiologiques normales. Le deuxième biais est l’extrapolation à l’humain des études animales. Les comportements sexuels, comme le rut, sont déclenchés par les hormones chez les animaux, mais pas chez les humains. L’Homo sapiens a un cortex cérébral unique en son genre, qui instaure un « filtre culturel » de ses instincts. Ainsi, l’être l’humain est-il capable de faire une grève de la faim, en ignorant le déterminisme biologique basique de la faim.

Propos recueillis par Olivier Monod,

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