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Senior, le nouvel âge d’or

Généralement, les personnes âgées sont plus heureuses que leurs cadets… Pourtant, c’est rarement avec plaisir que nous voyons approcher nos vieux jours.

On dit souvent que tout le monde veut vivre vieux, mais que personne ne veut l’être. Nous avons en effet tous peur de nos vieux jours : peur de ne plus être dans le coup, de voir notre état se détériorer, de la maladie et du deuil, de voir nos enfants s’envoler pour d’autres cieux, de perdre notre statut, notre prestige, notre attrait…  » Ces craintes sont pourtant largement infondées « , affirme Mark Nelissen, professeur émérite en biologie de l’évolution et du comportement à l’université d’Anvers, qui a déjà lui-même atteint un âge respectable. Il adopte pour sa part une perspective darwiniste pour mettre en avant les beaux côtés de la vieillesse, les rôles importants que les seniors peuvent jouer dans la société et les moyens de profiter au maximum du bel automne de la vie.

Des êtres sociaux

Vieillir implique inévitablement un certain nombre de deuils, et les affronter s’apprend.  » Il est important de faire preuve de souplesse et de s’adapter aux circonstances. Perdre son conjoint dans sa vieillesse est évidemment une épreuve difficile, mais rien ne vous empêche alors de nouer des contacts sociaux dans votre quartier, de vous investir dans la vie associative ou le bénévolat, etc. Face à un deuil, il est souhaitable de développer d’autres centres d’intérêt qui compenseront quelque peu cette perte – un exercice qui réussit souvent mieux aux femmes, plus douées pour les contacts sociaux « , commente Mark Nelissen.

En vieillissant, les nombreux quadras célibataires d’aujourd’hui deviendront des seniors isolés, qui devront extrêmement bien s’occuper d’eux-mêmes. Alors que l’être humain a besoin de contacts sociaux pour se sentir bien, plus encore que d’autres animaux hypersociables, la solitude est en effet dans notre société un phénomène extrêmement courant.  » Le rôle de baby-sitter qu’assument de nombreux grands-parents est dès lors aussi important pour eux que pour leurs enfants qui travaillent et leurs petits-enfants « , souligne le Pr Nelissen, lui-même père et grand-père.

Fini de tout faire vite, vite, vite

Jusqu’à un certain âge, nous sommes en permanence pris par notre carrière, nos enfants, nos hobbys, nos activités sportives – une période que Mark Nelissen appelle  » la première phase de la vie « , et qui s’étale jusqu’à environ 50 ans. Au cours de la seconde phase de la vie, nous atteignons tout doucement l’âge de la retraite, notre carrière se termine et nombre d’activités s’allègent ou disparaissent. Contrairement à la première phase de l’existence, clairement dominée d’un point de vue biologique par la fonction reproductive, la seconde est, d’après l’expert,  » davantage axée sur la cohésion sociale « . Cette phase est encore passablement récente d’un point de vue évolutionnaire, puisqu’elle n’est apparue qu’il y a quarante mille ans environ.  » Les personnes d’un certain âge endossent aujourd’hui des fonctions importantes : veiller à ce que la société continue à fonctionner correctement, contribuer à prendre soin de leurs enfants et petits-enfants…  » Le même phénomène s’observe – fût-ce dans une bien moindre mesure – chez les orques, les femelles âgées se chargeant par exemple de guider le groupe vers la nourriture. Chez l’homme, cette seconde phase de la vie est toutefois encore bien plus développée et plus complexe.

Des hommes en transition

 » Pour les hommes, la première phase de la vie est synonyme d’une certaine agressivité, d’une quête de statut social, d’une volonté d’impressionner – autant d’aspects auxquels ils doivent renoncer dans la seconde, ce qui est loin d’être une évidence. Leur rôle se concentre alors davantage sur la politique, l’art, la vie associative, etc., qui peuvent également être pour eux une source de prestige « , observe le darwiniste. Malheureusement, certains s’accrochent à la première phase de l’existence ou cherchent à la revivre avec une compagne plus jeune, puisqu’ils sont évidemment en mesure de continuer à avoir des enfants beaucoup plus longtemps que les femmes.

D’un point de vue évolutionnaire, ils sont programmés pour transmettre leur patrimoine génétique tout autant que leurs homologues de l’autre sexe, mais ils tendent à s’occuper un peu moins des enfants – un état de fait qui, dans notre culture actuelle, est en contradiction totale avec les attentes de nombre de jeunes femmes. Certains hommes riches et puissants conservent aussi longtemps un attrait considérable pour l’autre sexe en dépit de la différence d’âge, ce qui leur permet de s’attarder dans la première phase ( » Que l’on songe par exemple à un personnage comme Berlusconi « , illustre l’expert). Là encore, il s’agit d’un phénomène évolutionnaire : les femmes fertiles sont spontanément attirées par des partenaires riches et puissants qui sont (ou du moins étaient dans le passé) en mesure de mieux protéger leurs enfants, et ce peu importe que ce ne soit plus nécessaire à l’heure actuelle et qu’il ne soit plus forcément question de fonder une famille. Inversement, l’homme vieillissant est confirmé dans sa virilité par la conquête d’une compagne jeune et jolie… C’est en tout cas la théorie du darwiniste…

Lâcher prise est particulièrement difficile pour les hommes ayant accédé à une position élevée dans la société. Chez la majorité d’entre eux, les comportements typiquement masculins s’estompent toutefois progressivement passé la cinquantaine : ils sont heureux de voir le rythme effréné se ralentir et profitent davantage de la vie.  » La retraite est vraiment pour les hommes un moment charnière. Il est important de réfléchir à l’avance à ‘l’après’ « , souligne Mark Nelissen.

Les femmes après la ménopause

 » Les femmes ont souvent la vieillesse plus facile parce qu’elles jouent d’un point de vue développemental un rôle important en tant que grand-mères, poursuit le Pr Nelissen. Chez certaines espèces animales, cette position des femelles âgées s’observe de façon très claire. Les femmes conservent souvent la fonction soignante qu’elles avaient étant plus jeunes et nouent aussi plus facilement des contacts sociaux, ce qui représente un très grand avantage à un âge avancé. Reste que, pour elles aussi, avoir des perspectives est important pour une vieillesse heureuse : continuer à faire des projets, avoir des buts dans la vie, pratiquer un hobby avec passion…  » Il faut pouvoir se sentir utile, que l’on s’occupe de ses petits-enfants, de sa vieille voisine ou du potager de la maison de repos. La tendance des établissements pour personnes âgées classiques à tout faire pour et à la place des résidents n’est donc absolument pas bénéfique.  » Privez les gens de toute possibilité de participation et vous les verrez reculer à toute vitesse, souligne Mark Nelissen. Il est évident que personne n’a envie de finir ainsi et il est donc grand temps de revoir notre approche. Les perspectives sont toutefois prometteuses… « 

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