La Dépakine a des effets secondaires graves pouvant entrainer des handicaps sur le foetus comme des retards psychomoteurs. © ISOPIX

Scandale Dépakine : des milliers d’enfants atteints de troubles neurologiques

Stagiaire Le Vif

Une récente étude a pu chiffrer le nombre d’enfants atteints de troubles cognitifs graves suite à une exposition, in utero, à la Dépakine, un médicament contre l’épilepsie. Cela concernerait plus de 30.000 enfants. Un chiffre alarmant pour la plupart des femmes qui n’avaient pas été informées des dangers que présentait ce médicament.

Entre 16.000 et 30.000, c’est le nombre inquiétant d’enfants exposés à la Dépakine durant ces cinquante dernières années. La plupart d’entre eux pourraient souffrir de troubles mentaux et du comportement. Ce sont l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) qui ont révélé ces chiffres astronomiques, dans une étude parue vendredi.

Cependant, il ne s’agit pas du premier rapport démontrant que la prise de Dépakine durant la grossesse peut avoir de graves conséquences sur le développement de l’embryon et du foetus. La Dépakine est un médicament arrivé sur le marché en 1967 et prescrit, dans un premier temps, pour lutter contre l’épilepsie et les troubles bipolaires. Le médicament a connu un tel succès chez les médecins, qui le trouvaient plus efficace que les autres traitements, qu’il a été étendu à d’autres maladies comme la dépression, les TOC (troubles obsessionnels compulsifs), l’anxiété et les migraines.

Toutefois, il s’agit d’un traitement présentant des effets secondaires graves. Chez la femme enceinte, le risque de développement de malformations congénitales chez le foetus est connu depuis les années 80 et avait été confirmé dans les années 2000. Ce qui pose problème c’est l’acide valproique, une substance contenue dans le médicament. Entre 30 et 40% des enfants exposés au valporate dans le ventre de leur mère présentent un risque de déficit cognitif ou d’autisme important. En France, ce médicament a été prescrit à plus de 16.000 femmes enceintes entre 2007 et 2014.

Un manque de réactivité des autorités sanitaires

Dans un rapport paru en 2016, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait déjà pointé une absence d’informations auprès des patientes. Le rapport dénonçait même un manque de réactivité de la part des autorités sanitaires, et notamment du laboratoire Sanofi, qui avait pourtant demandé une modification de la notice en 2003. « Si le résumé des caractéristiques du produit actuel de l’acide valproïque mentionne d’ores et déjà qu’il ne doit être utilisé qu’en dernière intention chez la femme enceinte et les femmes en âge de procréer, le niveau de connaissance des prescripteurs est très certainement insuffisant« , relevait le groupe de travail « reproduction, grossesse et allaitement » de l’ANSM, en 2014.

Un an plus tard, l’ANSM décrétait officiellement que la Dépakine et tous ses génériques ne devaient plus être prescrits aux femmes enceintes, à moins qu’il n’y ait aucune autre alternative.

En avril dernier, on recensait entre 2 000 et 4 000 enfants victimes de ce médicament. Des chiffres interpellant à l’époque, mais encore bien loin de la quantité de victimes que l’on peut dénombrer aujourd’hui. Les résultats proviennent d’une étude publique de grande ampleur. Elle recense les 1 700 000 enfants nés entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2014. Parmi eux, 8 848 bébés ont été exposés à la Dépakine. Si on tient compte des enfants nés avant 2001 et après 2014, soit entre 1967 et 2016, on arrive à un chiffre total allant de 16 600 à 30 400 enfants concernés.

Des actions en justice

Le médicament est toujours commercialisé sur le marché. Pour les médecins, la Dépakine est indispensable pour lutter contre l’épilepsie, même chez les femmes enceintes, car il s’agit d’une maladie qui peut être mortelle.

En France, l’Apesac, une association qui regroupe les familles d’enfants nés sous Dépakine s’est constituée pour saisir la justice en 2011. Pour l’Apesac, ce nouveau rapport n’est pas une surprise et le laboratoire Sanofi doit prendre ses responsabilités auprès des victimes du médicament. Des expertises sont encore en cours, mais certaines ont révélé un lien certain entre la prise du médicament et les malformations et retards chez les enfants.

En 2015, quatre plaintes pour « tromperie aggravée » et « blessures involontaires » ont été déposées contre X. En novembre 2017, la cour d’appel d’Orléans a condamné le laboratoire Sanofi à verser trois millions d’euros d’indemnités à une femme qui prenait de la Dépakine depuis son enfance. Lors de sa grossesse, aucune information concernant les risques de ce médicament sur la santé de son enfant ne lui avait été fournie.

Aujourd’hui, sa fille présente de graves malformations. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un cas unique. De nombreuses femmes n’ont pas été correctement informées sur la dangerosité du médicament. Pour Sanofi, le rapport de l’ANSM ne repose que sur « des hypothèses invérifiables et vont ajouter de la confusion auprès des patients et des professionnels de la santé ». La bataille juridique ne fait donc que commencer.

Félicia Mauro

Sources: Rapport du SNIIRAM de 2016, Europe 1

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