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Qui était vraiment Françoise Dolto ?

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Dans Françoise Dolto. La déraison pure, Didier Pleux, directeur de l’Institut français de thérapie cognitive, parcourt la vie de la psychanalyste pour en dresser un portrait sans concession.

Qui était vraiment Françoise Dolto ? Plus de vingt ans après sa mort, tout n’aurait pas été dit sur cette figure emblématique de la psychanalyse de l’enfance. « Elle est devenue une icône inattaquable. Pourtant, il serait juste de dire la vérité sur son histoire ! » déclare Didier Pleux, docteur en psychologie du développement et psychologue clinicien, qui a ainsi confronté la vie de Françoise Dolto, ses autobiographies, sa correspondance privée, sa théorie, sa pratique ainsi que ses prises de position. Le but ? Retourner aux sources des théories doltoïennes et, partant, démythifier la psy présentée jusqu’ici comme irréprochable. Pour laisser apparaître une femme pleine de contradictions et d’énigmes.

Entre Freud et Pétain

Née en 1908 à Paris, Françoise Marette est une enfant gâtée, élevée par des parents aisés, catholiques et d’extrême droite (son père, puis elle, lisent le quotidien nationaliste L’Action française). La jeune fille passe des vacances chez des amis de Charles Maurras, théoricien nationaliste, rencontre le polémiste Léon Daudet de L’Action française qu’elle trouve spirituel. Elle profite aussi de la résidence secondaire familiale à Deauville, voyage au Maroc, en Grèce, dispose d’une automobile (un fait rare à l’époque), joue au tennis… A l’opposé de ce qu’elle rapporte de son enfance, qu’elle juge malheureuse, et de cette « période de difficultés matérielles et de véritable « rationnement » ». Didier Pleux n’a pas non plus trouvé de trace d’une « fâcherie de quasiment huit années » avec sa mère Suzanne, que Dolto évoque dans ses récits.

Dans un autre registre, l’auteur rappelle un événement peu connu de la spécialiste : sous l’occupant nazi, elle a travaillé pour la fondation d’Alexis Carrel, un centre pétainiste recourant à des procédés eugénistes. Elle a également été en analyse chez René Laforgue, son mentor et psychanalyste dont l’objectif était d’implanter à Paris un centre de psychologie aryanisée (qui militait contre la « psychanalyse juive »). « Que s’est-il vraiment passé ? Ses accointances avec l’extrême droite méritent d’être étudiées par les historiens », souligne Didier Pleux, qui juge la femme très opportuniste. « D’abord femme de droite, elle se dira trotskyste à la Libération, puis prendra le vent de Mai 68. »

La mère Dolto, elle, se montre négligente, laissant par exemple son fils Carlos se mettre en danger. Le « fougueux » gamin deviendra artiste à l’âge adulte. « Que serait devenu Carlos s’il n’avait pas été intégré dans le bon réseau et épanoui sa liberté ailleurs qu’au Quartier Latin ? » s’interroge Didier Pleux. En clair, sa thèse est la suivante : les préceptes éducatifs développés par Françoise Dolto ne répondraient qu’à névroses et seraient le résultat d’une analyse ratée.

Françoise Dolto. La déraison pure, par Didier Pleux Editions Autrement, 192 p.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, les extraits du livre :

Les traumatismes de Françoise Dolto Mère toxique ou itinéraire d’une enfant gâtée ? Françoise Dolto maman L’autorité de Boris Dolto Une lettre de juin 1940 Chez l’eugéniste Alexis-Carrel Psychanalyse avec René Laforgue Virage à 360 degrés Auto conditionnement d’une théorie Une psychanalyse ratée

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