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Quelques astuces pour manger mieux, très simplement

Le Vif

Bonnes résolutions ou pas, nous ne mangeons pas toujours des aliments de qualité. Au contraire, nous nous tournons souvent vers ce qui est à portée de main. Cette recherche du plaisir rapide et facile n’a pas que des désavantages, car elle peut servir à élaborer de nouvelles stratégies pour nous améliorer.

Il y a deux ans, plus d’une centaine de ministres de la Santé ou leurs représentants ont affirmé solennellement lors de la World Health Assembly à Genève, qu’ils allaient tout faire pour réduire d’un quart, d’ici à 2025, le nombre des décès précoces liés aux quatre plus importantes maladies non transmissibles : le diabète, les maladies cardiovasculaires, les maladies pulmonaires et les cancers. Pour y parvenir, ils doivent trouver des méthodes efficaces pour réduire la consommation de tabac, d’alcool et d’aliments trop caloriques, tout en favorisant fruits, légumes et activité physique.

Motivations inconscientes Des scientifiques de l’Université de Cambridge, dans la revue Science (1), se sont empressés de demander des explications sur la manière dont ils allaient s’y prendre. Car jusque-là, la prévention se limitait souvent à informer et sensibiliser : des campagnes médiatiques et des distributions de brochures étaient censées sensibiliser le public aux risques de santé évitables auxquels la population est – volontairement ou pas – exposée, et l’informer des bénéfices d’une hygiène de vie saine, sans alcool mais avec beaucoup de fruits et de légumes. Comme ces scientifiques l’ont rappelé, des études à grande échelle ont démontré depuis l’inefficacité de ce type d’approche. Chacun sait ce qu’il faut faire ou éviter, mais quant à mettre ces connaissances en pratique, c’est une autre paire de manches.

Une grande partie de nos décisions, notamment sur le plan alimentaire, sont beaucoup moins motivées par une réflexion sérieuse qu’on ne le pensait auparavant. Il s’agit bien plus souvent de la conséquence de processus plus ou moins automatiques qui, sous l’influence de ce que nous observons dans notre entourage (et en bonne partie inconsciemment), éveillent un désir irrésistible ou déclenchent un comportement irréfléchi.

Le priming Ces processus inconscients prennent souvent le dessus lorsque notre attention est détournée : des personnes qui, au cours d’une expérience, doivent retenir une série de nombres préfèrent souvent un morceau de gâteau au chocolat à une salade de fruits au moment de la pause. Le souci d’une bonne alimentation passe manifestement à l’arrière-plan. Ce que nous faisons assis devant la télévision est un autre bon exemple de ce phénomène : si un plateau de biscuits ou un sachet de chips est à notre portée, nous les mangeons parfois jusqu’à ce qu’il n’en reste plus du tout. Et si nous voyons à l’écran une publicité pour une boisson ou une friandise que nous avons « par hasard » chez nous, il est fréquent que nous nous dirigions vers la cuisine pour la tirer avec gourmandise de son armoire.

Les scientifiques parlent de ‘priming’ : des objets, des notions ou des observations que nous faisons activent certains modes de fonctionnement de notre cerveau, qui vont influencer notre comportement. Une étude remarquable réalisée dans les années 90 a montré que des personnes soumises à un priming avec des mots comme « rides » et « gris », qui font penser à la vieillesse, se mettent à marcher plus lentement que d’habitude lorsqu’elles quittent le local de l’expérience-alibi qui leur est proposée. D’autres expériences montrent que c’est probablement le même mécanisme qui amène des personnes à plonger dans l’armoire pendant les publicités télévisées, ou après avoir vu un acteur boire un soda. Ou, encore, les enfants à avaler pratiquement moitié plus de bonbons lorsque des publicités de ce genre sont insérées entre les dessins animés. Mettre un frein à ces pratiques pourrait être très efficace, surtout au cours de cette période souvent bien trop longue que nous passons devant le petit écran.

Des mesures dissuasives

Les auteurs pensent qu’il est également possible de jouer sur ces associations. Ainsi, les cigarettes et les aliments néfastes pour la santé, quand ils sont contenus dans des emballages gris et peu attirants, voient leur consommation baisser considérablement ! Et les producteurs alimentaires qui se disent si sincèrement intéressés par la santé des enfants feraient bien de placer des figures de personnages de dessins animés sur les fruits et les légumes plutôt que sur des aliments bourrés de sucre ou des sodas.

De nombreux autres facteurs environnementaux que ceux délivrés par les stimuli visuels du petit écran nous influencent également, et pour les chercheurs, il y a là aussi matière à amélioration. Certaines de leurs propositions sont de véritables mesures dissuasives. Ils renvoient ainsi à une expérience des années 80, qui montrait que les gens prennent plus souvent l’escalier lorsque les portes d’un ascenseur s’ouvrent ou se ferment très lentement. Il n’en va pas autrement dans une étude qui montre l’influence sur le choix alimentaire qu’entraîne le placement des aliments sains à portée de main et le positionnement des aliments moins sains, reculé de quelques dizaines de centimètres – une stratégie qui se révèle plus efficace que la distribution d’une dizaine de brochures différentes.

Appel à l’autorégulation Nous pourrions décider de ne pas consommer ces snacks trop tentants au cours de nos soirées télé. Ou alors, au minimum, de ne pas les conserver sur la tablette inférieure de la table du salon, mais bien au fond d’une armoire de la cuisine ou, mieux encore, dans l’armoire à provisions du garage. Les autorités publiques devraient suivre le même principe et limiter ou compliquer l’achat des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle.

Une stratégie moins malicieuse mais certainement aussi importante, sinon plus, consiste à introduire des aliments sains dans les distributeurs automatiques. Dans les couloirs de nombreuses entreprises, écoles, gares et autres espaces semi-publics, il n’y a souvent qu’à se baisser pour ramasser les calories superflues, tandis que fruits, légumes et autres fibres sont désespérément aux abonnés absents.

Un vent contraire

Un avantage peut-être accessoire mais non négligeable de telles actions structurelles est qu’elles peuvent répondre aux grandes inégalités de santé qu’on observe entre les différents niveaux socio-économiques : pour nombre d’entre nous, l’information santé dont les médias et nos politiciens nous abreuvent sont du chinois, et une approche plus subtile serait donc la bienvenue. Le directeur d’école, le chef d’entreprise ou le ministre qui souhaiterait vraiment y contribuer devra cependant s’attendre à une forte opposition : pour s’en convaincre, il suffit de penser aux grands débats qu’ont soulevé la volonté d’interdire les sodas dans les distributeurs des écoles… Rendre la nourriture saine plus attirante, c’est certainement une meilleure (et bien plus efficace) manière de convaincre ceux qui s’accrochent à leurs mauvaises habitudes, plutôt que de persister dans les brimades ou d’autres formes de harcèlement plus ou moins affichées.

Par Tim Vernimmen

Pour favoriser une alimentation saine

Ne permettez pas aux bonbons et aux pâtisseries d’entrer chez vous.

Achetez plutôt des en-cas sains et attirants, sans oublier de bien les mettre en vue – comme, par exemple, une corbeille de fruits bien remplie sur la table.

Réorganisez votre réfrigérateur : placez les légumes, les fruits et les produits laitiers maigres à hauteur des yeux.

Préparez une petite assiette d’amuse-bouches sains (par exemple des amandes non-salées, des carottes, une salade de fruits) avant de vous installer devant la télévision.

Mangez régulièrement et ne sautez aucun repas. Vous conserverez ainsi le contrôle de votre comportement alimentaire.

Les potages de légumes peuvent se préparer en un tournemain : les légumes pour la soupe, frais et coupés se vendent en sachets prêts à l’emploi.

Emportez des fruits au travail ou dans la voiture pour les petits creux.

Essayez les smoothies.

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