© Getty

Pourquoi prenons-nous souvent de mauvaises décisions?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Les décisions que nous prenons ne sont pas dues au hasard. Elles sont influencées par toute une série de facteurs, souvent inconscients. Et le risque de prendre une mauvaise décision est souvent plus grand quand on pense reconnaitre la situation ou quand on l’a déjà vécue.

Nos décisions ne sont pas toutes réfléchies. Même si l’on croit qu’elles se basent sur des faits tangibles, il arrive quotidiennement que nous soyons influencés, voire dupés, par ce qu’on appelle les biais cognitifs. S’il en existe de toutes sortes, tous ont pour effet de modifier la manière dont nous évaluons une situation et nous empêchent, sans que nous nous en rendions compte, à réfléchir et agir de façon 100% rationnelle. Ce concept a été découvert dans les années 70 par Daniel Kahneman et Amos Tversky, des chercheurs en économie comportementale. Il en existe plus de 100, qui se produisent dans tous les domaines de la société et trompent autant notre jugement que notre raisonnement.

Résultat trompeur

Parmi eux, on retrouve celui qui nous pousse à prendre une mauvaise décision, à commettre une erreur, car on pense déjà connaitre la situation qui se trouve en face de nous, et la manière dont elle finira. C’est ce qu’on appelle « outcome bias » en anglais. Ce biais, qu’on peut traduire par « biais du résultat », réduit notre sentiment de risque et nous masque toute erreur. Des études ont effectivement démontré que nous jugeons souvent la qualité d’une décision ou d’un comportement à la lumière de ses résultats, tout en ignorant les nombreux facteurs atténuants qui ont pu contribuer au succès ou à l’échec.

Ce mécanisme a été observé pour la première fois dans les années 1980. Les participants ont reçu des descriptions de divers scénarios de prise de décision dans le domaine médical, y compris les risques et les avantages des différentes procédures. On leur a ensuite demandé d’évaluer la qualité du jugement des médecins. La conclusion de l’étude montrait que les résultats négatifs amenaient à blâmer quelqu’un (ex. : le médecin) pour des événements qui échappaient clairement à son contrôle (ex. : la mort du patient), même lorsque nous connaissons tous les faits qui justifient sa décision.

Graves conséquences

Mais l’inverse est aussi vrai : un résultat positif peut nous conduire à ignorer des décisions erronées qui n’ont pas influencé in fine le résultat. Ce biais peut par exemple avoir des répercussions sérieuses dans le monde du travail : cela explique comment un échec peut nuire à votre réputation professionnelle même s’il existe des preuves tangibles que vous avez exercé vos tâches à la perfection – et que le mauvais résultat n’est pas de votre ressort, explique encore la BBC.

Dans certains cas, cela peut s’avérer catastrophique, indique la BBC. Elle cite des études qui suggèrent que ces mécanismes cognitifs ont contribué à de nombreuses catastrophes célèbres, comme la marée noire de Deepwater Horizon ou certains crashs aériens. L’implication la plus dangereuse, et ce quel que soit le domaine, est en effet notre perception du risque. Une étude a examiné les évaluations des pilotes d’avion concernant un vol dans des conditions météorologiques périlleuses avec une mauvaise visibilité. Il a constaté que les pilotes étaient plus susceptibles de sous-estimer les dangers du vol s’ils venaient d’apprendre qu’un autre pilote avait réussi à suivre cette même route dans ces mêmes conditions. Alors qu’en réalité, le risque est le même et rien ne garantit qu’ils auront autant de chance que le pilote précédent.

Pour tenter de ne pas se laisser duper, il convient de réfléchir aux circonstances particulières dans lesquelles une situation a eu lieu et de reconnaître les facteurs, y compris le hasard et la chance, qui ont pu contribuer au résultat final.

Quelques exemples de biais cognitifs

Le biais de confirmation : la tendance à ne prendre en considération que les informations qui confirment quelque chose que l’on croit déjà savoir. C’est ce qui incite certaines personnes à croire des théories du complot ou « fake news ».

Le biais des coûts irrécupérables : le fait, par exemple, de finir son dessert au restaurant alors qu’on n’a plus faim, uniquement parce qu’on sait qu’on le paiera de toute façon.

Le biais d’ancrage : le fait de se fier indument à la première information reçue et de la prendre comme référence dans son processus de réflexion.

L’aversion de la dépossession (ou « effet de dotation ») : le fait de donner davantage de valeur à un bien qui nous appartient, indépendamment de sa valeur sur le marché, lorsque l’on vend sa maison par exemple.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire