Sultan Kösen, l'homme le plus grand du monde © Xinhua

Pourquoi certains sont-ils grands et d’autres pas?

Les personnes de grande taille peuvent littéralement contempler le monde par-dessus la tête de leurs voisins. Mais leur quotidien n’en est pas qu’avantagé, et il existe beaucoup d’idées fausses sur l’effet que la taille peut avoir sur la santé. Le point sur ce qui détermine la taille de chacun car tout n’est pas qu’une question de génétique.

Les personnes de grande taille bénéficient d’un horizon plus étendu : elles peuvent littéralement contempler le monde par-dessus la tête de leurs voisins. Mais leur quotidien n’en est pas qu’avantagé, et il existe beaucoup d’idées fausses sur l’effet que la taille peut avoir sur la santé.

C’est dans l’utérus que les êtres humains grandissent le plus vite : entre 1 et 1,5 mm par jour. Une vitesse qui ne sera plus jamais atteinte par la suite. Au cours des 3 premières années de vie, la croissance est encore très rapide, avec un gain annuel moyen de 25, 12 et 8 cm. Ensuite, la croissance se poursuit au rythme de 6 à 7 cm par an, avec une poussée de 8 à 14 cm par an au cours de la puberté. Si pendant la grossesse, la croissance du foetus dépend surtout de la taille de la mère, de son alimentation et de sa santé (poids, diabète éventuel, tabagisme, etc), lorsque l’enfant est né, c’est alors la prédisposition héréditaire qui prend le dessus.

Traiter ? Le moins possible !

De nombreuses filles pubères qui grandissent au point de dépasser toutes leurs amies, tannent souvent leur mère jusqu’à ce qu’elle les emmène chez le médecin pour voir « s’il n’y a rien à faire ». En général, ce n’est pas nécessaire et l’inquiétude disparaît au même rythme que se produit la croissance des amies. Les personnes exceptionnellement grandes (autrement dit, les « géants ») sont en effet très rares. La taille moyenne actuelle de l’homme belge est de 1m78,5 et celle de la femme de 1m65. Une moyenne qui est en Flandre d’un petit centimètre plus élevée (1). Les hommes ne sont que 3 % à dépasser 1m93, autant que les femmes dépassant 1m78.

En principe, un traitement inhibiteur de la croissance peut être envisagé si la taille prédite pour un garçon atteint les 2m et 1m85 pour une fille. Le traitement peut consister en l’administration de hautes doses d’hormones masculines ou féminines, qui fermeront les cartilages de croissance des grands os et arrêteront ainsi la croissance. Mais l’effet de ce type de traitement n’est pas toujours concluant. Si les meilleurs résultats permettent d’éviter de prendre environ 6 cm chez les filles et 15 cm chez les garçons, la moyenne de cette limitation de la croissance n’est que de 2,5 cm chez les filles et moins d’un centimètre chez les garçons (2).

L’étude Tall girls

En pratique, les traitements inhibiteurs de la croissance sont peu réalisés, car ils entraînent de nombreux effets indésirables, comme nous l’apprend l’étude Tall girls consacrée aux femmes australiennes qui ont été traitées dans les années 50 (3). Pendant leur traitement, ces femmes pouvaient notamment souffrir de prise de poids, de cycles irréguliers, de nausées, de crampes nocturnes ou de douleurs osseuses. Il s’est avéré plus tard qu’elles souffraient beaucoup plus de problèmes d’infertilité que dans la population globale. En cause, un vieillissement accéléré des ovaires qui freinait leur capacité à être enceinte et obligeait plus souvent à suivre des traitements pour la fertilité. Les problèmes étaient d’autant plus marqués que le traitement inhibiteur de croissance avait été administré longtemps. 58 % seulement des femmes traitées se déclaraient heureuses d’avoir suivi un tel traitement.

Quant aux femmes non traitées, environ 99 % se déclaraient satisfaites de leur sort, quelle que soit la taille atteinte. Ce qui n’a rien d’étonnant, dans la mesure où la taille moyenne a depuis lors augmenté de 1 cm par décennie dans de nombreux pays, atténuant ainsi la différence avec le reste de la population. À titre d’illustration, la limite pour envisager un traitement était à cette époque, en Australie et dans de nombreux autres pays, de 173 cm. Actuellement, près de 20 % des jeunes Flamandes dépassent cette taille (1).

Il n’existe pas d’étude approfondie sur les problèmes éventuels qu’auraient posés les traitements à hautes doses de testostérone chez les hommes, mais leur fertilité n’a manifestement pas baissé (4).

Plus de cancers, moins d’infarctus ?

La grande taille a néanmoins ses côtés sombres pour la santé. Les grandes femmes semblent avoir, par tranche de 10cm supplémentaires, une augmentation moyenne de 13 à 16 % de leur risque de souffrir d’un cancer du sein, de l’ovaire et de l’intestin, notamment (5, 6). Les causes exactes ne sont pas encore clairement élucidées. La grande taille augmente aussi le risque de thrombose au niveau du réseau veineux des jambes (7).

Mais il y a également des effets positifs importants à signaler, comme une diminution de 15 % du risque d’infarctus et de 13 % du risque d’accident vasculaire cérébral par 4 à 5 cm supplémentaires (8,9). D’une manière générale, les personnes de grande taille sont nettement moins touchées par la démence et les femmes subissent moins de césariennes (10). Comme on meurt toujours plus de maladies cardiovasculaires que de cancers, les avantages de la grande taille sont donc supérieurs à ses inconvénients.

Un choix restreint

Autre conséquence importante de la grande taille : le choix du partenaire. Et les femmes en sont d’ailleurs bien conscientes (11,12). Les hommes s’intéressent moins à la taille des femmes, mais les couples dont l’homme est nettement plus petit que sa partenaire sont rares. Par contre, les petits hommes choisissent généralement une partenaire dont la taille diffère peu de la leur, et il en est de même pour les grandes femmes : l’homme peut être un peu plus petit, mais de préférence pas trop.

Un indicateur positif

L’augmentation de la taille moyenne d’une population est un indicateur positif de son état de santé général. « La taille reflète le niveau de bien-être d’une société », affirme Mathieu Roelants, du service Santé des Jeunes de la KUL (Louvain). Plus le niveau de bien-être est élevé, plus les gens ont un accès aisé à l’alimentation, et moins ils contractent des infections – grâce à la vaccination, aux antibiotiques et à une bonne hygiène. C’est dans un tel contexte favorable que le potentiel génétique de croissance des individus d’une population donnée est au plus haut. Les Belges ont grandi de 10 à 15 cm au cours du siècle écoulé : chaque décennie a donc apporté un bon centimètre de plus. Nous n’allons cependant pas grandir éternellement, car notre posture de bipède ne pourrait pas y résister : plus nous sommes grands, et plus notre dos doit supporter une charge lourde.

Différences sociales

L’alimentation et les infections ont un effet direct sur la croissance. La crise économique actuelle et la flambée de certaines maladies infectieuses sont cependant trop peu prononcées pour avoir un effet visible sur la taille. D’ailleurs, en général, nous avons toujours accès à une nourriture suffisante.

La pauvreté exerce cependant un effet indirect. « Auparavant, les différences de taille étaient flagrantes entre les différentes classes sociales, rapporte Mathieu Roelants. Dans les années 40, un universitaire était en moyenne 5 cm plus grand qu’un jeune soldat. » Les spécialistes s’attendaient à ce que ces différences sociales disparaissent progressivement mais elles existent encore actuellement, bien que plus subtile. « Même le niveau de formation de la mère est corrélé à la taille de son enfant, précise Roelants. Plus elle aura bénéficié d’un bon niveau d’éducation, et plus ses enfants seront grands. L’éducation des enfants, précisément, joue également un rôle : les élèves de l’enseignement secondaire général sont globalement un peu plus grands que ceux de l’enseignement technique, eux-mêmes un peu plus grands que ceux de l’enseignement spécial. »

Il ne faut par ailleurs pas oublier qu’il ne s’agit jamais que de moyennes. Les enfants uniques sont (toujours en moyenne) 2 cm plus grands que ceux appartenant à des familles nombreuses, dont l’aîné est en moyenne 0,5 cm plus grand que le benjamin.

Prédictions

Mais c’est l’hérédité qui joue le rôle le plus déterminant : l’enfant dont les parents sont grands a toutes les chances de le devenir aussi. La formule populaire de Havlicek, qui prédit la taille à l’âge adulte (taille du père + taille de la mère x facteur de correction pour le sexe, divisé par 2) peut donner un chiffre qui sera frappé d’une erreur allant jusqu’à 8 cm, et elle n’est donc pas utilisable à titre individuel. « Ce qui est nettement plus pertinent, c’est la courbe de croissance à partir de l’âge de 2 ans environ, ajoute Mathieu Roelants. Ainsi, un jeune enfant qui se trouve au percentile 75 a toutes les chances, dans des conditions de vie normales, de se trouver au même percentile à l’âge adulte. »

Poussée de croissance

À la puberté, certains enfants bénéficient d’une forte poussée de croissance : en peu de temps, ils dépassent leurs camarades de la tête et des épaules. Il est fréquent que cela se produise plus tôt chez les filles que chez les garçons. Lorsque cette poussée est précoce, elle se caractérise toujours par sa vitesse élevée. C’est tout le contraire si elle est plus tardive : elle est alors également plus lente. Ce qui ne change pas grand-chose au final, comme l’explique Mathieu Roelants : « Le timing de la poussée de croissance pubertaire n’a pas d’influence sur la taille définitive. »

Enfin, si nous continuons à grandir pendant quelques années après notre vingtième anniversaire, ce reliquat de croissance est très lent et n’atteint que quelques millimètres. Qu’on se le dise !

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