© Max Tilgenkamp/Stripmax

Pour votre santé, domptez vos émotions

Agréables ou déplaisantes, nos émotions sont toujours utiles. A condition de savoir les gérer. Sinon, c’est la santé qui en pâtit. Leçons de « compétences émotionnelles ».

Selon une étude récente coordonnée par Moïra Mikolajczak à l’UCL (1), avec la Mutualité chrétienne, notre état de santé varie considérablement en fonction de nos « compétences émotionnelles ». Plus notre « intelligence émotionnelle » est élevée, moins nous tombons malades. Mieux : les « compétences émotionnelles » ont davantage d’influence sur la santé que l’âge, le support social ou l’hygiène de vie (manger cinq fruits et légumes par jour, pratiquer un sport…) !

Les chercheurs ont analysé l’historique médical de 1 300 patients de la Mutualité chrétienne, sur une période de dix ans, à travers le prisme de leurs « compétences émotionnelles » (mesurées à l’aide d’un questionnaire), en plus des facteurs habituellement pris en compte par la mutuelle (l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, l’hygiène de vie, le niveau socio-culturel etc.). Résultats : le nombre d’admissions à l’hôpital, la moyenne des dépenses à charge de l’Inami, la dose moyenne de médicaments et le nombre de consultations chez un médecin diminuent à mesure que les « compétences émotionnelles » des patients sont élevées. Bref, ces affiliés-là coûtent moins cher à la mutuelle.

Hervé Avalosse, directeur de la cellule recherche et développement de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes ne cache pas l’importance des enjeux : « Autant nous sommes capables d’identifier les soins nécessaires aux maladies mentales – elles sont prises en charge par les psychothérapeutes – autant le stress est une immense zone grise où émergent des maladies, un mal-être, un burn-out, une dépression pour lesquels nous n’avons pas encore défini de réponses appropriées. » Les résultats de cette étude serviront davantage à titre préventif, dans le cadre des actions d’éducation à la santé, que dans le traitement des fiches signalétiques des affiliés. « Le but est de développer des outils pédagogiques ou des programmes d’animation pour sensibiliser la population sur l’importance de gérer ses émotions, explique France Gérard, responsable du service Info Santé de la Mutualité chrétienne. L’autre objectif est de répondre à des besoins liés au stress. Nous remboursons déjà, par exemple, l’inscription à un club de sport. »

Gérer ses émotions, cela s’apprend

Les docteurs Moïra Mikolajczak et Martin Desseilles dressent, dans Vivre mieux avec ses émotions (éditions Odile Jacob, sorti début de ce mois), une liste de petits « trucs », véritables stratégies personnelles pour gérer ses émotions. « Mis bout à bout, ils finissent par améliorer notre intelligence émotionnelle, insiste Moïra Mikolajczak. Il est plus facile de modifier nos « compétences émotionnelles » que de changer d’âge ! » Toutes ces recommandations puisent leur fondement dans une série de prises de conscience, car nous avons l’habitude de réguler nos émotions de manière automatique, ce qui les rend souvent inadaptées, voire délétères. « On oublie les aspects contextuels de nos émotions, qui sont en fait d’ordre physiologique », précise l’auteur.

Etes-vous « du soir » ou « du matin » ? D’un tempérament optimiste ou pessimiste ? Quel type de lien entretenez-vous avec votre conjoint, avec vos amis : « sécurisé », « évitant », « ambivalent » ?… Ces caractéristiques montrent nos inégalités face aux divers états émotionnels. C’est dû à notre éducation, à « l’attachement » (la qualité du lien avec nos parents), mais aussi à nos gènes qui expliquent 40 % de notre « profil émotionnel » ! Et cela influence notre perception de la réalité. Vous voyez la vie plutôt en noir, vous dirigez systématiquement votre attention sur des éléments négatifs ? Votre cerveau donne naturellement la priorité aux stimuli qui représentent une menace potentielle pour vous : un graffiti sur le mur, une trappe au sol, une écharpe rouge… Ce biais de perception se manifeste d’autant plus que vous êtes en situation de stress. Donc, vous forcer à regarder des détails réjouissants ou même neutres pourra améliorer votre état d’esprit ! Et consacrer une minute par jour à réfléchir à votre part de chance suffira à améliorer votre humeur, votre sommeil et votre santé à long terme.

Vous êtes un « couche-tard » ? Pas de chance ! Vous avez une plus grande réactivité au stress, une moins grande stabilité émotionnelle et davantage de difficulté à vous autoréguler… Bref, vous avez intérêt à connaître votre chronotype (votre préférence diurne ou nocturne) et votre rythme biologique pour mieux répondre à vos besoins physiologiques. Car aller à l’encontre de ceux-ci déclenche automatiquement des émotions négatives ! Bon à savoir aussi : il vaut mieux avoir le ventre plein avant d’aborder des sujets qui fâchent car le manque de sucre dans le sang ne fait qu’accroître notre sensibilité ou notre irritabilité.

« En même temps, nous ne voulons pas créer l’illusion que tout le monde peut être heureux et que tout ira mieux, prévient Moïra Mikolaczjak. D’ailleurs, notre espèce n’a pas intérêt à se débarrasser des émotions négatives car elles favorisent la détection du danger, des problèmes ou des opportunités. L’espèce humaine a besoin des optimistes et des pessimistes pour survivre ! » Ce livre nous apprend donc que si le bonheur est une utopie, chacun peut augmenter « sa ligne de base », moyennant un travail sur soi. Dans une mesure qui lui est propre.

(1) Laboratoire de psychologie des émotions.

GHIZLANE KOUNDA GODIN

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