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Nous prenons trop de pilules: « la plupart des médicaments sont inefficaces »

Interrogé par nos confrères de Knack, le médecin et épidémiologiste néerlandais Dick Bijl met en garde contre l’accès accéléré de médicaments au marché européen, en prenant trop peu en compte les risques et les effets secondaires.

Les médecins partent du principe que les médicaments sont efficaces. Ils ne savent presque rien de l’étude qui est réalisée pour étayer l’efficacité de tous ces remèdes. Mais de nombreuses études présentent des défaillances, affirme Dick Bijl, qui étudie pourquoi tant de personnes avalent des pilules inefficaces et qui ne les soulagent pas. Ou qui sont efficaces, mais ne soulagent pas.

Pilule contre placébo

Bijl prend l’exemple de l’antidépresseur. « Pour savoir si un antidépresseur est efficace « , explique-t-il, « il faut le comparer à une fausse pilule ou un placébo. Un antidépresseur fait baisser le score de 20 à 12 sur l’échelle de dépression de Hamilton, mais un placébo baisse ce score jusqu’à 13 : donc un point de différence. Si on reprend suffisamment de patients dans l’étude, ce point a un effet statistique significatif. Et donc on conclut que l’antidépresseur est efficacé. « En réalité, le patient ne sent pas du tout de différence. Et pourtant les médecins prescrivent facilement des antidépresseurs.

On ne risque rien à essayer, non ? « Si », rétorque Bijl. « Les antidépresseurs causent des effets secondaires négatifs, tels qu’une prise de poids, une perte de libido et même des tendances suicidaires. Et le pire c’est qu’on ne peut arrêter les antidépresseurs du jour au lendemain. Il faut arrêter progressivement, sinon on va à nouveau se sentir mal. À la longue, beaucoup de gens ne peuvent plus s’en passer. » Ces dernières décennies, le diagnostic de dépression a été fort élargi. « Il faut remplir de moins en moins de critères pour recevoir le diagnostic, affirme Bijl.

Médicaments me too

Les médicaments rapportent le plus de bénéfices tant que le brevet est en cours. « Une astuce connue pour étirer ces bénéfices est d’apporter une petite modification chimique à la molécule et puis de demander un nouveau brevet », affirme Dick Bijl. « On appelle ça les médicaments me too. » Ils ne sont pas sans danger, car une petite modification peut entraîner plus d’effets secondaires. « Les pilules contraceptives de troisième et quatrième génération », affirme Bijl, « présentent un risque un peu plus élevé de thrombose. »

Produits d’automédication

De nombreux troubles d’estomac sont liés au mode de vie : la consommation excessive de nourriture, le stress et l’alcool causent des maux d’estomac. Au lieu d’adapter nos habitudes, on achète des antiacides – pour lesquels avant il fallait une prescription. Dick Bijl : « Le marketing et la publicité donnent l’impression aux gens qu’il existe une pilule pour chaque problème et que ces remèdes sont innocents. « Les antiacides ne le sont pas du tout. Dès qu’on arrête, l’estomac produit plus d’antiacides – ce qui fait qu’on prend encore des comprimés. « Les pharmaciens mettent trop peu en garde contre ce danger. »

Cobayes

« L’état n’est pas de taille à lutter contre le pouvoir et le marketing de l’industrie pharmaceutique. Les fabricants arrivent à accélérer la commercialisation de certains médicaments », explique Dick Bijl. « Cela semble peut-être noble, mais ces pilules sont avalées sans bien étudier les effets secondaires. » Les gens sont dégradés au rang de cobayes.

Pharma.be réagit

Pharma.be, qui regroupe plus de 130 entreprises pharmaceutiques en Belgique, réagit vivement : « Aucun médicament n’est mis sur le marché avant qu’un comité indépendant n’ait étudié les risques et les profits, sur base d’une évidence clinique » souligne le porte-parole Stefaan Fiers. « Tous les médicaments, même sans prescription, sont suivis en continu. »

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