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Notre cerveau ne fonctionnerait pas comme on le pensait

Le Vif

Pour la première fois, la vision compartimentée du cerveau est remise en cause grâce aux travaux de Michel Thiebaut de Schotten et de ses collaborateurs à l’ICM.

Une grande partie de nos connaissances sur les fonctions cognitives et les comportements sociaux découlent de la description de cas historiques qui ont contribué au façonnement des neurosciences modernes. Ces cas ont renforcé l’idée que les fonctions cognitives sont liées à l’activité de régions du cerveau très localisées. Pour la première fois, cette vision compartimentée du cerveau est remise en cause grâce aux travaux de Michel Thiebaut de Schotten et de ses collaborateurs à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière. En analysant avec de nouveaux outils trois cas historiques, ils suggèrent que le comportement social, le langage et la mémoire, loin d’être cantonnés à une région précise, dépendent de l’activité coordonnée de différentes régions. Cette étude est publiée dans la revue Cerebral Cortex. Les neurosciences modernes sont fondées sur l’idée que la plupart des fonctions cognitives sont liées à l’activité de régions très localisées du cerveau. Michel Thiebaut de Schotten et ses collaborateurs sont revenus sur l’analyse des trois patients les plus connus de la neurologie comportementale en étudiant les dommages de leurs connexions cérébrales, grâce à la reconstitution en trois dimensions des lésions.

Phineas Gage, contremaître des chemins de fer, a le cerveau transpercé par une barre à mine le 13 septembre 1848, ce qui provoque des dommages du lobe frontal gauche. Malgré la gravité apparente de la blessure, il survit. Cependant, depuis cet accident, « il n’est plus lui-même » et présente des troubles du comportement: de sérieux et attentionné, il devient instable, asocial, irrationnel et incapable de ressentir des émotions. Depuis l’étude de ce cas, les émotions et le contrôle du comportement sont associés au cortex orbito-frontal.

Louis Victor Leborgne perd la capacité de parler à l’âge de 30 ans et ne peut prononcer que la syllabe « tan ». C’est en pratiquant son autopsie que son médecin, Paul Broca, découvre une lésion dans le cortex frontal inférieur gauche, siège de la région cérébrale responsable baptisée aire de Broca.

Enfin, Henry Molaison devient amnésique à la suite d’une intervention chirurgicale consistant à lui retirer une large portion des deux hippocampes. Il est incapable de mémoriser de nouveaux évènements. Ainsi, la mémoire déclarative a été associée avec des structures du lobe temporal médian.

Pour la première fois, Michel Thiebaut de Schotten et ses collaborateurs ont pu explorer les grandes connexions cérébrales qui ont été endommagées chez ces patients. Ils ont reconstitué leurs lésions et ont cartographié les connexions entre les différentes régions en se référant à un atlas du cerveau humain en trois dimensions.

Les résultats obtenus par une technique d’imagerie des connexions cérébrales (tractographie IRM) dans la reconstitution des cerveaux de ces trois patients, amènent à une révision essentielle de notre compréhension du cerveau. Ils indiquent que les fonctions affectées chez ces 3 patients n’étaient probablement pas seulement dues à la lésion initialement rapportée mais également à l’interruption de certaines connexions cérébrales profondes provoquant des dysfonctionnements cérébraux à distance de la lésion. Le dysfonctionnement du réseau cérébral est donc un dénominateur commun aux désordres cérébraux étudiés.

Ainsi les résultats de ces chercheurs suggèrent que le comportement social, le langage et la mémoire dépendent de l’activité coordonnée de différentes régions du cerveau plutôt que de zones circonscrites dans les lobes frontaux ou temporaux.

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