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Neurochirurgie, le plein d’espoir

À l’occasion du 20e anniversaire du Service de Neurochirurgie des Cliniques Universitaires Saint-Luc, le Pr Christian Raftopoulos évoque les grandes avancées passées, présentes et futures d’une chirurgie d’autant plus impressionnante que ses principaux domaines d’intervention sont le cerveau, la colonne vertébrale et le système nerveux périphérique.

Il a 38 ans et une tumeur cérébrale. Patiemment, le chirurgien découpe une  » fenêtre  » dans sa boîte crânienne afin d’atteindre son cerveau. Objectif : réaliser une  » exérèse optimalisée « , autrement dit enlever la tumeur – de préférence dans son intégralité – pour permettre au patient de reprendre une vie normale.  » Mais quand on doit ôter une grosse tumeur en passant par un petit trou, on doit être prudent, constate Christian Raftopoulos. Parce qu’on a peur de causer au cerveau des dégâts irrémédiables. Avant, le chirurgien devait terminer l’intervention sans être totalement sûr du résultat obtenu. Et lorsqu’il pouvait enfin vérifier, 48 heures plus tard, par un examen d’imagerie, il découvrait parfois que la tumeur était encore très – trop – présente, et qu’il fallait réopérer…  »

Avant quoi ?  » Avant que la résonance magnétique à 3 Tesla, qui assure une qualité d’image exceptionnelle, n’entre au bloc opératoire. Désormais, grâce à l’imagerie intra-opératoire, le chirurgien peut visualiser l’impact de ses gestes à tout moment, en cours de chirurgie, et donc parfaire son intervention en fonction de ce qu’il voit. Pour le patient, c’est évidemment tout bénéfice, puisqu’il ne doit être opéré qu’une seule fois, et dans des conditions de sécurité maximales.  »

Répétition générale

Grâce à l'imagerie intra-opératoire, le chirurgien peut visualiser l'impact de ses gestes à tout moment, en cours de chirurgie.
Grâce à l’imagerie intra-opératoire, le chirurgien peut visualiser l’impact de ses gestes à tout moment, en cours de chirurgie.© DR

Sécurité également favorisée par le recours à un laboratoire de neurochirurgie virtuelle, qui est une sorte de simulateur de vol, où le pilote serait remplacé par un neurochirurgien.  » L’anatomie du système nerveux central est particulièrement complexe, explique le Professeur Raftopoulos. Même en préparant minutieusement une opération à partir des images en coupe obtenues par scanner et résonance magnétique, on risque toujours une mauvaise surprise. Ici, par contre, le neurochirurgien peut examiner le cerveau du patient en trois dimensions grâce à des lunettes spéciales. Il le voit flotter devant lui dans l’espace, tel qu’il a été reconstitué à partir des images 2D, et il peut le manipuler du bout des doigts de manière à choisir le meilleur itinéraire pour atteindre une tumeur, par exemple, sans léser de zones fonctionnelles.  » Ce système d’imagerie révolutionnaire, qui permet au neurochirurgien de procéder à une répétition générale en 3D dans certains cas de pathologies crâniennes (tumeur cérébrale, méningiome, anévrismes cérébraux) sert également à la formation des jeunes chirurgiens.

Les aveugles voient…

Mais la neurochirurgie ne mise pas seulement sur la sécurité. Dès la fin du XXe siècle, elle a entrepris de rendre la vue aux aveugles.  » J’ai moi-même procédé, en 1998, à l’implantation d’une électrode de stimulation du nerf optique chez une personne devenue aveugle à la suite d’une rétinite pigmentaire. L’idée était de fixer une caméra sur des lunettes, de transformer les signaux obtenus grâce à un processeur externe, porté à la ceinture, et d’envoyer le résultat au cerveau. Au début, la personne ne voyait que des flashes, mais, peu à peu, son cerveau a entrepris de réinterpréter les signaux perçus et elle a commencé à distinguer des ombres. Suffisamment pour pouvoir se déplacer chez elle sans canne…  »

Le neurochirurgien peut examiner le cerveau du patient en trois dimensions grâce à des lunettes spéciales. Il le voit flotter devant lui dans l’espace.

Moins de vingt ans après cette première mondiale, plusieurs modèles de rétine artificielle sont expérimentés à travers le monde, le dernier en date, le dispositif IRIS II, ayant été implanté au CHU de Nantes au début de cette année.  » Dans l’état actuel de la recherche, le patient ne retrouve pas une vision normale, insiste le Professeur Raftopoulos. Il doit en quelque sorte réapprendre à voir. Mais pour tous ceux qui ont perdu la vue alors que leur nerf optique est intact, comme c’est le cas dans la rétinite pigmentaire, mais aussi dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge, ces nouveaux implants sont un formidable espoir !  »

… et les paralysés boivent !

Autre  » miracle  » récent de la neurochirurgie : une neuroprothèse implantée dans le cerveau d’un tétraplégique de 34 ans lui permet désormais d’actionner un bras artificiel par la seule force de sa pensée. Les journaux télévisés du monde entier l’ont montré saisissant un verre de bière et le portant à sa bouche par ses propres moyens, pour la première fois depuis 13 ans.  » Ce que l’on sait moins, remarque Christian Raftopoulos, c’est qu’il lui a fallu un an et demi d’entraînement, à raison de deux séances par semaine, pour en arriver là, et que les ingénieurs doivent constamment s’adapter aux réinterprétations de son cerveau. La patience est donc de rigueur !  »

Endormi, c’est mieux

Si ces techniques de pointe sont encore loin d’être accessibles à tous, il en va tout autrement pour la chirurgie de l’épilepsie, qui permet d’enlever le foyer épileptogène – tumeur, malformation vasculaire, cicatrice… – ou de déconnecter le groupe de neurones responsables des crises, une nouvelle technique de transsections radiaires évitant le risque le plus important de cette intervention : l’oedème cérébral. Déjà disponible également, ce que le Professeur Raftopoulos appelle  » le Parkinson endormi « .  » Après échec des médicaments, la maladie de Parkinson peut être traitée par stimulation cérébrale profonde, technique neurochirurgicale qui consiste à implanter des électrodes de neurostimulation dans les structures profondes du cerveau. Auparavant, il fallait vérifier régulièrement la position des électrodes au moyen de tests de stimulation et d’enregistrements des activités neuronales, ce qui obligeait le patient à rester éveillé pendant toute la durée de l’intervention. Aujourd’hui, cet inconfort lui est épargné grâce au robot Zeego, qui permet au chirurgien de contrôler l’implantation des électrodes au cours de l’opération. Le patient est endormi, ce qui est beaucoup plus confortable pour lui, et l’intervention, au lieu de durer quatre ou cinq heures, n’en prend que deux !  »

Fusion osseuse

Mal au dos ? Si la responsabilité en revient à vos disques intervertébraux, ils pourront bientôt être réparés à l’aide de cellules souches tirées… de vos propres tissus graisseux.  » Plusieurs patients ont déjà bénéficié de cette technique, avec d’excellents résultats et sans complication, affirme Christian Raftopoulos. Une fois la graisse prélevée chez le patient, les cellules souches sont identifiées, multipliées, puis encouragées, grâce à un cocktail de protéines, à devenir des ostéoblastes, c’est-à-dire des cellules qui font de l’os. Elles sont ensuite implantées entre les corps vertébraux pour déclencher la fusion osseuse. Et, comme ce matériel vient du patient lui-même, il n’y a pas de risque de rejet !  »

L’utilisation des cellules souches est appelée à se développer :  » Nous les utilisons aujourd’hui dans la colonne vertébrale… mais qui sait si, en implantant dans le cerveau des cellules souches qui produisent de l’acétylcholine, nous ne parviendrons pas un jour à inhiber la dégradation propre à la maladie d’Alzheimer ?  »

Enfin, l’optogénétique, qui vise à introduire dans les neurones des protéines sensibles à la lumière, ouvre des perspectives quasi illimitées.  » Une fois activées par un faisceau lumineux, ces protéines devraient donner des résultats similaires à la stimulation profonde aujourd’hui. Et donc permettre de traiter de manière innovante non seulement des maladies neurologiques comme le Parkinson, mais aussi la dépression et même les troubles de l’alimentation…  »

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