Entre mythes et faux espoirs, le casse-tête de l'alimentation actuelle © DR

Mythes alimentaires, peurs et faux espoirs

Même si elles suscitent souvent un grand intérêt, les informations nouvelles qui circulent en matière d’alimentation sont presque toujours trompeuses. « Mieux vaut les ignorer purement et simplement », conseille l’expert en nutrition néerlandais Martijn Katan.

Il ne se passe pas une journée sans que les médias ne relaient l’une ou l’autre nouvelle découverte en matière d’alimentation, et on en viendrait presque à croire que les spécialistes ont perdu les pédales au point de ne plus savoir ce qui est sain ou non ! Pourtant, Martijn Katan, professeur émérite en nutrition à l’Université libre d’Amsterdam, estime que nos connaissances en matière d’alimentation n’ont en réalité quasi pas évolué ces dernières décennies.

Il s’est en effet intéressé aux mythes alimentaires et aux peurs et espoirs qu’ils suscitent dans la population. Il rappelle que la façon dont les médias jonglent avec les nouvelles études tient en première instance à leur fonction : « On attend des journaux qu’ils publient sans cesse des informations nouvelles, ce qui explique que la moindre découverte se trouve immédiatement amplifiée. » Ajoutez à cela l’intérêt bien légitime que nombre de lecteurs portent à leur espérance de vie… et vous comprendrez sans peine pourquoi certains se précipitent au supermarché pour faire des stocks de fruits à coque si on leur affirme qu’une consommation régulière de noix peut retarder la fatale échéance !

Une pomme par jour…

Mythes alimentaires, peurs et faux espoirs
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Martijn Katan lui-même s’investit depuis quatre décennies dans la recherche en nutrition – un champ d’investigation particulièrement complexe, parce qu’il est difficile d’évaluer individuellement les effets d’un produit donné sur la santé. « Pas évident, par exemple, d’établir si le brocoli est plus sain que les pommes de terre », illustre-t-il. On pourrait en effet comparer la santé d’un groupe d’individus friands de pommes de terre à celle d’un groupe d’amateurs de brocoli et, si les seconds vivent un peu plus longtemps, calculer dans quelle mesure ce légume accroît l’espérance de vie. « Malheureusement, ce raisonnement peut être mathématiquement correct sans forcément tenir la route », explique le Pr Katan. Les mangeurs de brocoli pourraient en effet aussi être plus minces, plus sportifs ou moins enclins à fumer, car on ne trouvera jamais deux groupes de personnes rigoureusement identiques à l’exception de leur consommation de légumes. Pour comparer scientifiquement les deux produits, il faudrait donc mettre sur pied une expérience où 10.000 personnes réparties aléatoirement en deux groupes consommeraient pendant 10 ans soit des pommes de terre, soit du brocoli, ce qui est évidemment impossible sur le plan pratique.

Mythes alimentaires, peurs et faux espoirs
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L’expert estime du reste que l’on surestime les bénéfices des fruits et légumes. « On attribue à ces aliments des propriétés quasi magiques, comme par exemple un effet protecteur sur le risque de cancer ou de maladie cardiovasculaire… mais force est bien de constater que les preuves scientifiques en ce sens sont plutôt maigres. » Ils nous apportent simplement quelques vitamines tout en étant peu caloriques, ce qui signifie que les personnes qui en consomment beaucoup sont moins exposées aux problèmes de surpoids. En ce sens, elles adoptent donc un comportement bénéfique pour leur santé mais aussi pour l’environnement, puisqu’elles mangent généralement moins de viande… mais de là à dire que les fruits et légumes peuvent contribuer à prévenir les cancers ou les maladies cardiovasculaires, il y a un pas que le Pr Katan se garde bien de franchir. « La maxime anglo-saxonne qui veut qu’une pomme au quotidien éloigne le médecin ne se vérifie que si vous visez juste », conclut-il en riant.

Composés chimiques

Dans son ouvrage, l’expert s’intéresse aussi aux composés chimiques cancérigènes. « La présence de produits chimiques dans les aliments suscite toujours des résistances, alors qu’il n’y a en réalité aucun souci à se faire. Ces substances sont en effet préalablement testées chez le rat, la dose maximale autorisée chez l’être humain correspondant à un centième de la dose bien tolérée par ces rongeurs. C’est un excellent système qui nous apporte l’assurance que nos aliments sont parfaitement sains, même à fortes doses. »

Mythes alimentaires, peurs et faux espoirs
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Prenons l’exemple de l’aspartame, qui est d’après le Pr Katan une protéine parfaitement inoffensive. « Il n’y a vraiment aucune raison d’en avoir peur, mais ceux qui osent le clamer haut et fort sont immédiatement soupçonnés d’être de mèche avec l’industrie. » Les autres édulcorants aussi ont fait l’objet d’études et de tests poussés et se sont tous avérés sûrs, qu’ils soient naturels ou synthétiques. « Cela dit, il reste évidemment toujours plus sain de se désaltérer avec de l’eau plutôt qu’avec une boisson light dont l’acidité est très mauvaise pour les dents », note encore le spécialiste.

Pour ce qui est des carcinogènes, on les trouve souvent plutôt là où on ne les attendait pas… comme par exemple dans les avions. Le personnel de bord et les voyageurs qui empruntent fréquemment ce moyen de transport se trouvent en effet régulièrement à une altitude de 8 à 10 km, où ils sont exposés à des doses non négligeables de radiations ionisantes (rayonnements cosmiques) qui accroissent légèrement leur risque de cancer.

Naturel et bio

Produits de la ferme à Overijse, près de Bruxelles
Produits de la ferme à Overijse, près de Bruxelles© Belga Image

Les haricots bio sont-ils plus sains que leurs équivalents ordinaires ? Martijn Katan nourrit une grande sympathie pour l’idéalisme du mouvement, mais selon lui, la réponse est malheureusement non. Cela ne veut évidemment pas dire que ce mode de production ne présente pas d’autres avantages, notamment pour l’environnement, car ceux qui appliquent ces principes avec conviction prennent soin de leurs terres et de leurs bêtes. Un aspect qui, précisons-le, n’a aucune valeur légale : n’importe quel aliment peut être estampillé bio dès lors que sa production ne fait intervenir aucun engrais chimique et se tient aux pesticides autorisés.

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En termes de santé, on pourrait même dire que le bio présente un certain nombre de désavantages. « Les pains bio ne sont généralement pas enrichis en iode et les margarines ne contiennent pas de suppléments de vitamine D, alors qu’il existe un risque bien réel de carences pour ces éléments essentiels », illustre le Pr Katan. Tout « ajout » n’est donc pas mauvais par définition. Pour certaines vitamines, mieux vaut même tabler sur une supplémentation que sur les apports alimentaires. C’est notamment le cas de l’acide folique : les femmes qui envisagent de tomber enceintes devraient toujours prendre des suppléments afin de réduire le risque de spina bifida chez le foetus. Dans ce cas spécifique, une alimentation riche en acide folique ne sert pas à grand-chose, car il faudrait consommer une dizaine d’oranges pour obtenir un apport équivalent à celui d’un unique comprimé. Rien ne sert par contre de se bourrer de vitamine C pour se prémunir des infections respiratoires. « Elle ne permet absolument pas de prévenir ces maladies, même s’il est vrai qu’une dose quotidienne de 1 g réduira leur durée d’un demi-jour. Pour l’absorber par des voies naturelles, il vous faudra toutefois consommer 18 oranges chaque jour. »

Les choses à faire

Si tant d’informations de santé sont fausses ou à tout le moins largement exagérées, que faire pour vivre plus longtemps en bonne santé ? « Une foule de choses : ne pas fumer, bouger suffisamment, surveiller son poids, modérer sa consommation de sel pour éviter les problèmes de tension, choisir les bonnes graisses pour maîtriser son taux de cholestérol et manger suffisamment de fibres pour un bon transit intestinal. Mieux vaut également limiter le sucre, qui favorise la prise de poids et est mauvais pour les dents. Quand aux vins, bières et autres boissons alcoolisées, buvez-les pour le plaisir plutôt que pour leur effet supposé sur la santé…  »

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