Selon Johann Hari, l'addiction est provoquée par l'environnement social de l'individu. © iStock Photos

Mécanisme de l’addiction : pourquoi on a plus de chance d’être accro

Stagiaire Le Vif

Un journaliste britannique pense avoir découvert les vrais mécanismes de l’addiction.

Dans son dernier livre, « Chasing The Scream : The First And Last Days of the War on Drugs », dont le Huffington Post a publié des extraits, le journaliste et écrivain britannique Johann Hari affirme que la dépendance à la drogue ne serait en rien le résultat de processus chimiques. Sa thèse, motivée par trois années de recherches aux quatre coins du monde, est la suivante : la base du développement d’une addiction chez l’individu s’avère en réalité être son environnement social.

« Nous éprouvons tous un besoin viscéral de créer du lien. C’est ce qui nous comble », explique-t-il, citant le professeur Peter Cohen, sociologue et membre du Centre de recherche sur les drogues de l’Université d’Amsterdam. « Quand c’est impossible, nous prenons ce que nous avons sous la main : le ronronnement d’une roulette de casino ou la piqûre d’une seringue. Faute de pouvoir nouer des liens, on se connecte à la drogue. »

Pour appuyer ses dires, Johann Hari se base sur trois exemples distincts qui arrivent pourtant à des conclusions semblables.

Le premier provient d’une expérience réalisée dans les années 70, par le psychologue canadien Bruce Alexander. Ce dernier avait alors installé des rats dans des cages très différentes: l’une vaste, confortable, et pleine de congénères, l’autre bien moins agréable, où l’animal ne disposait d’aucune distraction. Pour chacune, deux biberons : le premier rempli d’eau pure, le second contenant un mélange avec de l’héroïne. « Pour la plupart, les rats qui menaient la belle vie n’étaient pas attirés par l’eau additionnée d’héroïne. Ils buvaient en moyenne un quart de ce que les sujets isolés consommaient, et ne développaient pas de dépendance. Aucun ne succombait. A l’inverse, les rats isolés, malheureux, devenaient rapidement accros », relate ainsi Johann Hari.

La qualité de l'environnement des rats influe sur leurs chances de devenir accro, ou non.
La qualité de l’environnement des rats influe sur leurs chances de devenir accro, ou non.© iStock Photos

Le deuxième exemple cité par ce natif de Glasgow (Écosse) reprend une étude menée après la guerre du Vietnam, lors de laquelle pas moins de 20% des soldats américains consommaient quotidiennement de l’héroïne. De retour au pays, une large majorité d’entre eux (95%) avait toutefois rapidement décroché, sans pour autant passer par une cure de désintoxication.

Le dernier exemple est celui des malades dans les hôpitaux. « Certains se voient administrer de la morphine, c’est-à-dire de l’héroïne bien plus pure et plus puissante que celle vendue par les dealers. Selon la théorie admise sur les addictions, à savoir qu’elles sont la conséquence d’une accoutumance à la drogue qui évolue vers un besoin physiologique, tout patient chercherait à s’approvisionner dès sa sortie de l’hôpital. Or, ce n’est quasiment jamais le cas. » Une même drogue va transformer les « isolés » de la rue en junkies, tandis qu’elle n’affecte nullement les patients sortis des hôpitaux qui retrouvent leur vie « normale ».

Selon Johann Hari, nos relations et notre milieu social diminueraient donc fortement la probabilité de sombrer. C’est pourquoi il conviendrait de parler de « connexion » plutôt que d' »addiction ». Une idée également suggérée par le professeur Peter Cohen.

Sortir de la guerre contre la drogue

Pour Johann Hari, il faut absolument arrêter de stigmatiser les toxicomanes et sortir de la lutte contre ces substances jugées illicites, car « la lutte et la propagande contre la drogue sont un échec… ». Pour y parvenir, il suggère quelques alternatives: « Mettre en place un système dont le but est de permettre aux toxicomanes de renouer avec le monde. Cela a été expérimenté au Portugal voici une quinzaine d’années. Les autorités y ont dépensé des sommes importantes pour reconnecter les camés avec la société : logement, emploi subventionné, prêt bancaire,… Les résultats furent sans appel : la consommation a chuté de 50%. »

Pour faire barrage à la toxicomanie, tisser des liens et briser l’isolement notoire de notre société contemporaine seraient donc la méthode la plus efficace selon le journaliste.

Une opinion qui fait totalement fi de versions dites « scientifiques », selon lesquelles des facteurs génétiques voire une anomalie au niveau des lobes frontaux du cerveau joueraient un rôle prépondérant dans le processus menant à l’addiction. (A.V.)

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