Lola Dewaere a tiré sa force et son équilibre de ses grands-parents. © Julien Daniel pour Le Vif/L'Express

Lola Dewaere, après la mort tragique de son père : « Je n’ai jamais baissé les bras »

Elle avait 2 ans et demi quand son père, Patrick Dewaere, s’est suicidé. Elle en a aujourd’hui 36 et s’enorgueillit d’avoir un tempérament de feu, heureuse de vivre enfin de son métier – actrice. Ses traumas, elle les a remisés. Mais pas oubliés…

Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ?

Je me souviens d’une période chaotique. J’ai toujours su que mon père était célèbre. Et le suicide, ma mère m’en a parlé sans détours, en me répétant :  » Il s’est tiré une balle dans la tête.  » Elle ne me l’a peut-être pas dit aussi clairement, mais je suppose que je lui ai posé des questions car j’ai toujours su qu’un fusil était entré dans sa bouche, que le coup était parti, que quelque chose était monté à son cerveau et que ça l’avait explosé. Je n’ai pas grandi avec ce discours, genre  » ton papa est parti au ciel, il est avec les anges « . Et cela ne m’a pas traumatisée.

Qu’est-ce qui vous a traumatisée ?

Les séparations d’avec ma mère. Je ne comprenais pas pourquoi elle m’abandonnait et pourquoi je devais vivre avec mes grands-parents maternels. Je ne comprenais pas pourquoi je ne menais pas, comme mes copines, une vie normale. Pendant les vacances, je voyais ma mère, et ensuite elle repartait. Je me souviens de sa voiture qui s’éloignait sur un grand chemin, je courais après comme une folle, jusqu’à tomber et m’écorcher les genoux. C’était l’enfer. A tel point que, après, mes grands-parents lui demandaient de partir dans la nuit, pendant que je dormais.

Quels ont été vos appuis pour vous construire ?

Ma force et mon équilibre, que j’ai tirés de mes grands-parents. Nos engueulades ont forgé mon caractère. De toute façon, j’ai toujours entretenu des relations conflictuelles avec mon entourage. Un peu moins, maintenant. Ma mère m’a prise avec elle à mon entrée en cinquième. Là, je me suis aperçue qu’elle était complètement déséquilibrée. Je m’en suis rendu compte en me comparant avec mes copines chez qui j’allais faire mes devoirs, puisque ma mère était incapable de m’aider. Elles dînaient à heure fixe, quand moi je passais à table à minuit parce que ma mère faisait des pauses en préparant le repas, à fumer une clope ou à piquer une sieste… C’était le chaos total.

Vous avez connu des problèmes de boulimie. A quel âge ?

A 7 ans. Je me suis mise à entretenir un rapport bizarre avec la nourriture. L’expression d’un manque qui me poussait à me remplir, me remplir et me remplir encore. Normalement, quand une fille a des problèmes de poids, sa mère s’en occupe. La mienne ne m’a jamais inscrite à aucun sport. Elle s’en foutait. Mais quand les garçons m’ont trouvé du charme, elle est devenue jalouse de moi. Il y a douze ans, j’ai eu un gros clash avec elle – je ne l’ai pas revue depuis -, et mon problème s’est aggravé. Je suis passée à la boulimie vomitive. Trois fois par jour, j’allais aux toilettes après des repas gargantuesques.

Vous n’avez connu aucun moment de répit ?

Si. Entre 17 et 22 ans. Je me rendais compte que je plaisais et, du coup, je n’avais plus besoin de me remplir. Je croyais aller mieux. C’était un leurre. Et puis, j’ai eu mon accident de voiture. J’étais follement amoureuse d’un mec, on sortait de boîte, et il s’est encastré dans un pylône. Il est mort quelques jours après, tandis que moi, après deux arrêts cardiaques, j’ai dû rester trois mois à l’hôpital. Or, la voiture était volée, mon mec n’avait pas son permis… Bref, pas d’assurance.

Vous pouviez dire adieu à vos rêves de comédienne…

Mais je n’ai jamais baissé les bras. Un mois après ma sortie de l’hôpital, avec corset et rééducation à la clé, ma mère m’annonce que les huissiers vont nous mettre à la rue. Ce fut un vrai trauma. Encore aujourd’hui, mon cauchemar récurrent est de ne plus avoir de toit. Du coup, j’ai arrêté de fréquenter des voyous et je me suis mise à bosser. Tout le temps. Fille de Patrick Dewaere ou pas, je devais me retrousser les manches et tout accepter : hôtesse d’accueil, standardiste, agent immobilier… Au bout de sept ans, grâce aux implants et greffes que j’étais enfin en mesure de me payer, tout a été réparé. Je pouvais à nouveau devenir comédienne.

Par Christophe Carrière et Claire Chartier.

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