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Les mystères du ‘syndrome de l’accent étranger’

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Dans de rares cas, les personnes avec des lésions cérébrales ou des troubles psychiatriques peuvent avoir un changement surprenant de leur accent et du ton de leur voix.

En 1941, durant la Seconde Guerre mondiale, une Norvégienne nommée Astrid a été touchée au cerveau par des éclats d’obus pendant un raid. Deux ans plus tard, elle a rencontré le neurologue Georg Herman Monrad-Krohn qui a remarqué immédiatement que malgré son bon norvégien, elle avait « un accent étranger tellement prononcé que j’ai cru qu’elle était Allemande ou Française« , écrit-il. Ce n’est pas le seul à avoir eu cette confusion. Des Allemands occupaient la Norvège depuis 1940 et, même si Astrid n’avait jamais quitté la Norvège, son accent la faisait passer pour une opposante auprès de ses voisins. « Elle se plaignait amèrement d’être prise pour une Allemande dans les magasins, où, par conséquent, on refusait de lui vendre quoi que ce soit« , poursuite Monrad-Krohn.

De Dysprosodie à Syndrome de l’accent étranger

Astrid n’est pas le premier cas enregistré de « syndrome de l’accent étranger » (qui serait un Parisien ayant développé un accent alsacien après un AVC en 1907), mais son cas d’étude a le mérite d’être particulièrement détaillé. Monrad-Krohn a appelé son état « dysprosodie », la prosodie étant les éléments de langage autre que les mots (intonation, rythme, accentuation,…). Astrid avait toujours une prosodie – en effet, son élocution n’était pas monotone – mais elle était différente que celle d’un Norvégien standard.

Le terme « syndrome de l’accent étranger » a été inventé en 1982 par le neurologue Harry Whitaker et est, il est vrai, plus clair que « dysprosodie ». C’est un état rare mais intéressant, qui a connu plus de 100 cas d’étude publiés.

Neurogène ou psychogène ?

Il existe deux types différents de syndrome de l’accent étranger, neurogène pour le premier, psychogène pour le second.

Le syndrome de l’accent étranger neurogène est le plus commun, et arrive après que le cerveau a été endommagé, par un AVC ou par une lésion cérébrale. Le lien entre l’endommagement du cerveau et l’élocution altérée n’a pas encore été formellement expliqué, mais il est souvent situé dans l’artère cérébrale moyenne et dans des régions du cerveau associées au langage, en particulier dans l’hémisphère gauche.

Dans le syndrome de l’accent étranger psychogène, il n’y a pas de détérioration identifiable du cerveau, mais la personne présente des troubles d’ordre psychiatriques, comme la schizophrénie, les troubles bipolaires ou un trouble de conversion, ainsi que l’accent. Dans ce cas, « le nouvel accent persiste pendant l’épisode psychiatrique et peut ensuite disparaître« , écrivent les chercheurs.

Il existe aussi un syndrome de l’accent étranger mixte, qui peut dès lors présenter les caractéristiques des deux.

Symptômes variés

Le syndrome se manifeste de plusieurs manières. On peut remarquer des changements dans différents aspects de la prosodie. De plus, des personnes peuvent entendre différemment les accents d’une même personne (souvenez-vous de Monrad-Krohn qui trouvait que l’accent d’Astrid avait l’air « Allemand ou Français« ). On peut aussi parfois distinguer des traces de l’accent original de la personne dans le nouveau. Les patients peuvent également avoir des difficultés à former des phrases, ou peuvent mettre l’accentuation sur le mauvais mot ou la mauvaise syllabe.

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