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Les Etats-Unis confrontés à une nouvelle explosion des overdoses

Le Vif

Un bébé sur six naît dépendant aux opiacés dans le comté de Cabell. Et dix ans après le début d’une épidémie qui a déjà tué des centaines de milliers de consommateurs dépendants, les Etats-Unis cherchent toujours la parade contre cette crise.

Dans cette juridiction de Virginie occidentale, ce sont ainsi 500 bébés qui ont dû être sevrés en 2016 dès leur venue au monde, sur 2.900 naissances. Dans l’Etat voisin de l’Ohio, les autorités sont obligées de louer des camions réfrigérants, normalement réservés au transport alimentaire, afin de stocker le nombre croissant de cadavres des victimes d’overdoses. Les hôpitaux du New Hampshire ont tellement de patients dépendants aux opiacés qu’ils doivent les traiter dans les blocs opératoires et les salles normalement dédiées aux nouveaux-nés.

Et à Palm Beach, en Floride, où Donald Trump passe ses week-ends, dix personnes sont mortes d’overdoses pour la seule journée de vendredi, probablement après la consommation d’héroïne mélangée à du fentanyl, un opiacé de synthèse extrêmement puissant qui augmente sensiblement le risque de surdose. Le chanteur Prince avait d’ailleurs succombé en avril 2016 à une overdose de ce même fentanyl, réputé être 80 fois plus puissant que la morphine.

Depuis que l’administration Barack Obama a décidé en septembre 2016 de se lancer dans la lutte contre la trop grande consommation d’antidouleurs, en demandant une réduction de la distribution des opiacés sur ordonnance, les toxicomanes se tournent vers l’héroïne mexicaine.

Alors qu’il y a six ans, 80% des morts par overdose étaient dues à la prescription de médicaments opiacés, près de la moitié sont désormais dues à une prise d’héroïne et de fentanyl.

Plus de 33.000 personnes sont mortes aux Etats-Unis en 2015 à la suite d’overdoses d’opiacés, chiffre en hausse de 15,5% par rapport à 2014. Ce nombre record de 10 décès par overdose pour 100.000 habitants est 10 fois plus important que celui de 1971, lorsque Washington avait déclaré « la guerre aux drogues » après une épidémie d’overdoses.

« Les médecins doivent bercer ces bébés 24 heures sur 24 alors qu’ils hurlent leur dépendance », confie Paul Farrell, avocat dans le comté de Cabell en Virginie occidentale, l’Etat américain le plus touché par cette crise.

« Ici, on meurt chaque jour », poursuit M. Farrell, qui a intenté une action dans les comtés voisins de Cabell et de Kanawha contre plusieurs groupes pharmaceutiques, coupables selon lui de distribuer une quantité massive d’opiacés, alimentant la dépendance de leurs habitants.

Quelque 780 millions d’antidouleurs ont été vendus en Virginie occidentale entre 2007 et 2012, soit 421 pilules par tête. C’est ce qui ressort d’une enquête de la DEA, l’agence anti-drogue américaine, dévoilée par le journal Charleston Gazette-Mail. Les producteurs et les distributeurs d’opiacés sont soupçonnés d’avoir alimenté la crise.

Le gouverneur de l’Etat du Maryland, Larry Hogan, a lui décrété « l’état d’urgence » le 1er mars devant cette crise sans précédent. Cette décision lui permet de débloquer des fonds spéciaux normalement réservés aux catastrophes naturelles.

Le maire de New York, Bill de Blasio, a lancé il y a deux semaines une nouvelle campagne visant à combattre la dépendance. Dans sa ville, 1.075 personnes sont mortes par overdose en 2016.

Pour Paul Farrell, il va y avoir « une explosion encore jamais vue de l’abus d’héroïne dans les cinq prochaines années ».

Pour recueillir des fonds, des villes et des comtés poursuivent en justice les fabricants, comme Purdue Pharma, qui produit l’OxyContin, l’antidouleur le plus vendu au monde. Mais également les grossistes et les exploitants de pharmacies, comme la chaîne de grande distribution Walmart.

« Nous avons eu 450 décès par overdose l’an dernier », a déclaré à l’AFP le procureur général adjoint du New Hampshire, James Boffetti, dénonçant « le marketing » de ces sociétés qui « a exacerbé ce problème de dépendance ». Dans cet Etat d’1,3 million d’habitants, les décès par overdose sont trois fois plus nombreux que par arme à feux, selon un rapport du Violence Policy Center.

Ces comportements « rappellent ceux de malfaiteurs et font penser à du racket », déclare Paul Hanly, dont le cabinet d’avocats Simmons Hanly Conroy LLC poursuit 11 distributeurs et fabricants d’opiacés.

Mais les grandes sociétés pharmaceutiques font front commun et réfutent ces accusations. L’une d’elle, Cardinal Health, a déclaré à l’AFP que ces « procès ne font pas avancer le travail nécessaire pour résoudre la crise d’abus d’antidouleurs, une épidémie entraînée par la dépendance, la demande et le détournement de médicaments pour un usage interdit ».

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