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Les employés sont trop gros : « Qui a encore le temps de cuisiner ? »

Jasper Van Loy Rédacteur pour Knack.be

Une étude d’IDEWE, le service externe belge de prévention et de protection au travail, révèle qu’un employé sur six souffre de surpoids. Staf Henderickx, généraliste et auteur, n’est pas étonné : « Le matin, je vois des gens se promener avec un gobelet Starbucks. C’est leur petit-déjeuner ? »

Plus de la moitié des employés et des ouvriers belges (52,8%) présentent un indice de masse corporelle (IMC) trop élevé. Le service a abouti à cette conclusion après avoir analysé les données médicales de 250 000 employés dans neuf secteurs.

IDEWE met en garde contre les risques sérieux de santé encourus par les personnes en surpoids. « Le surpoids entraîne de graves risques pour la santé. Une personne obèse est nettement plus susceptible d’être victime de maladies cardiovasculaires, d’hypertension, de diabète et de problèmes respiratoires durant le sommeil », déclare le porte-parole Lode Godderis, qui plaide en faveur de davantage de campagnes de promotion de santé au travail. .

Staf Henderickx connaît évidemment les risques liés à l’obésité, mais les chiffres ne l’étonnent pas. Il a consacré un chapitre de son livre à paraître sur l’histoire de l’alimentation à l’obésité et reconnaît les causes dans les statistiques d’IDEWE.

Les employés présentent-ils plus de risques de surpoids que d’autres groupes de population?

STAF HENDERICKX: « Il est certain que le rythme quotidien de beaucoup d’employés ne favorise pas un schéma alimentaire sain. Ainsi, l’industrie fonctionne sur base du travail d’équipe. Ce système perturbe le biorythme et le cycle hormonal. Les hormones comme le cortisol et les hormones de stress influencent la leptine et l’insuline, les hormones qui déterminent notre sensation de satiété. Quand ce cycle est perturbé, on a tendance à consommer plus de sucres rapides. »

« Aujourd’hui, la plupart des employés n’ont plus le temps de cuisiner. Autrefois, c’était la femme qui cuisinait. Elle attendait sagement que son mari rentre à la maison. À présent, ce n’est plus le cas – et c’est une bonne chose -, mais en même temps le fast food et les plats préparés ont toujours le vent en poupe. Pour faire ses courses et cuisiner, il faut au moins une heure. Qui en a encore le temps ? À Londres, je vois des jeunes qui se promènent le matin avec un gobelet Starbucks à la main, leur petit-déjeuner, je suppose.

D’après l’étude, le surpoids est le plus fréquent dans le secteur de transport, la construction et l’industrie.

Les chauffeurs de camion ont un métier sédentaire. En plus, ils s’arrêtent souvent dans les restoroutes où les menus proposés sont très riches en calories.

Le travail physique effectué par les ouvriers du bâtiment est beaucoup moins dur qu’autrefois. Un grand nombre d’entre eux actionnent une machine toute la journée. Souvent, ils doivent rouler longtemps pour arriver au chantier. Du coup, ils mangent un repas chaud tard le soir, juste avant d’aller dormir, ce qui augmente aussi les risques de surpoids.

Comparez cette donnée à la célèbre expérience où l’on donne un morceau de lard de la même taille à deux souris. La première reçoit le morceau petit bout par petit bout, l’autre le morceau entier. La seconde grossira plus vite que la première.

Et qu’en est-il des métiers sédentaires? Les gens qui les exercent ont encore moins de possibilités de faire de l’exercice.

La meilleure solution que j’ai vue vient d’une école à Vorselaar. Les élèves sont assis sur des chaises munies de pédales. Ils pédalent calmement en travaillant. Sinon, la position assise reste évidemment la position assise. Je ne vois pas l’intérêt des réunions ambulantes, par exemple.

Il y a deux autres facteurs importants: beaucoup d’études ont démontré que les personnes plus qualifiées mangent plus sainement, tout comme les gens qui perçoivent un revenu plus élevé. Ils achètent de la nourriture plus saine, mais plus chère, là où ceux qui gagnent moins choisissent les produits riches en calories et la viande préparée.

L’alimentation saine est évidemment plus chère.

Depuis quelques années, j’achète un maximum de produits bio et c’est effectivement plus cher. Mais acheter ses produits directement à la ferme ne l’est pas.

Si vous mettez tous les conseils alimentaires dans un sac, vous gardez trois règles et vous aurez votre schéma alimentaire bon marché. Un : mangez le moins possible. Il arrivait que nos ancêtres ne trouvent presque pas de nourriture pendant deux semaines et puis se jetaient sur un cadavre. Deux : mangez varié. Trois : mangez des aliments non traités. Par exemple, ne mangez pas de biscuits aux noix, mais mangez des noix.

Autre constatation de l’étude d’IDEWE: pourquoi les employés masculins sont-ils plus gros que les femmes?

Là, c’est la culture qui joue un rôle. Une femme est plus souvent apostrophée au sujet de son apparence et de sa ligne qu’un homme. Et j’ai constaté que, pendant leurs pauses-café, les infirmières parlaient souvent de régimes. Pourquoi pensez-vous que l’anorexie est plus fréquente chez les filles que les garçons ?

Vous avez écrit un livre sur le stress au travail. Ce facteur influence-t-il le poids de l’employé ?

Tout comme le système d’équipes, le stress influence le système hormonal. Le stress booste votre taux d’adrénaline, ce qui fait brûler plus de sucres. Mais quand ce pic d’adrénaline est passé, vous avez un coup de pompe et votre taux de glycémie baisse, ce qui donne faim. Un en-cas devient un mécanisme de compensation.

Au Royaume-Uni, le National Health Service demande aux généralistes de peser leurs patients et d’attirer leur attention sur leur surpoids. À quel point cette impulsion du généraliste est-elle importante ?

Elle est importante, mais ce n’est pas la panacée. Tout bon conseil a ses limitations, certainement quand il s’agit de surpoids. Les médecins ne font pas le poids face à l’offre et l’omniprésente publicité de malbouffe. C’est David contre Goliath, avec le médecin dans le rôle de David. »

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