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Les clés d’une relation amoureuse durable

« L’amour, c’est ce qu’il y a de plus beau et de plus difficile ! » C’est en tout cas l’opinion du thérapeute de couple Lieven Migerode.

La Belgique bat des records en matière de divorces… Pourtant, parallèlement, le mariage a connu un regain d’intérêt cette année. En dépit d’expériences et de ruptures douloureuses, nous continuons tous à croire en l’amour, de préférence en une relation amoureuse durable. Mais pourquoi est-ce donc si difficile d’y parvenir ? Nous avons interrogé Lieven Migerode, psychologue et thérapeute relationnel à la KULeuven depuis 30 ans.

Se rapprocher sans s’envahir…

L’amour implique un « nous », sans pour autant faire disparaître le « je » et le « tu ». « Dans une relation amoureuse, on s’adapte en effet continuellement l’un à l’autre, explique Lieven Migerode. Nous sommes toujours en quête du juste milieu. Nous ne cessons de nous trouver et de nous perdre. L’amour, c’est quelque chose de vivant, que nous devons nourrir et entretenir. »

Tenter chaque jour de maintenir l’équilibre entre « union » (le « nous ») et « individualités » (le « je  » et le « tu »), c’est l’essence même du verbe aimer. Mais cette recherche d’équilibre est sujette à bien des tensions… Parfois, le  » nous » l’emporte et nous aspirons à un peu plus de « je » ; parfois, c’est le contraire. L’amour est dès lors appelé à renaître chaque jour, ce qui exige quelques efforts, parfois agréables… parfois moins ! « Il arrive que des gens me disent : ‘Nous sommes mariés, à quoi bon continuer à chercher à s’adapter à l’autre ?’ Comme si on avait un jour fini de s’ajuster l’un à l’autre ! Avec les jeunes enfants, nous trouvons évident de constamment nous en préoccuper : est-il heureux, stressé, fatigué… ? Pour les relations amoureuses, cela va moins de soi : pouvoir ‘lire’ en l’autre et le rencontrer, c’est aussi essentiel.  »

Bienveillance, disponibilité et implication

 » Certaines personnes sont faites l’une pour l’autre et n’ont pas beaucoup d’efforts à consentir pour trouver cet équilibre. Mais si tout coule trop naturellement, cet effort pour l’autre qui procure une tension dynamisante fait alors défaut. À l’opposé, d’autres couples ont plus de mal, avec des tensions plus fortes à la clé, mais une relation d’autant plus passionnante. »

Qu’est-ce qui fait alors qu’un couple garde le cap alors qu’un autre échouera ? Lieven Migerode le résume en trois mots : bienveillance, disponibilité et implication.  » Les couples doivent avoir la volonté d’être là l’un pour l’autre (bienveillance), pouvoir compter l’un sur l’autre en cas de besoin (disponibilité) et de ces deux caractéristiques découle naturellement la troisième : l’implication, explique-t-il. Mais attention, ces trois notions forment un idéal, que nous n’atteindrons jamais tout à fait ; nous serons toujours en train de tenter de l’atteindre. Et le fait d’être deux pour le chercher, voilà l’essence même de l’amour. »

Agences matrimoniales et sites de rencontre

Si la science fait de louables tentatives pour prédire quels couples ont plus de chances de « réussir », le thérapeute est quant à lui parfois bien surpris de ce qu’il voit dans sa pratique. « Certains couples vont très loin pour se trouver, ils s’investissent énormément pour leur amour. D’autres au contraire jettent vite le gant. Tout cela est difficile à expliquer scientifiquement. »

Il n’empêche que les sites de rencontre et les agences matrimoniales tentent d’accorder des personnes à partir de connaissances scientifiques : « Il existe évidemment des fondements rationnels à une relation : certains cherchent leur semblable, par exemple, et il y a donc de fortes chances pour qu’ils rencontrent une personne aux goûts similaires. Mais il est impossible de prédire si le déclic se fera ou pas. Et c’est bien heureux ! C’est justement ce qui rend l’amour si mystérieux. » Il ne nie cependant pas l’utilité des sites de rencontre et agences matrimoniales : « De nombreux célibataires sont en quête d’un(e) partenaire et ne savent pas où le/la trouver. Ceux qui, pour une raison ou une autre, ratent la ‘période propice’, généralement pendant les études, ont beaucoup plus de mal à entrer en contact avec des personnes qui partagent les mêmes goûts, valeurs, etc. Les plateformes en ligne et les agences matrimoniales comblent alors manifestement une lacune. »

Des conseils à l’envi

Pour ceux qui ne voudraient pas passer par ces canaux, peuvent-ils fier aux conseils qui abondent dans les ouvrages sur l’amour ? « Je n’y crois pas. On veut appliquer ces conseils de manière rationnelle, alors que l’amour est affaire d’émotion… » On pourrait comparer cela à de l’improvisation, où il y a une base théorique, mais ensuite, c’est à nous de jouer : d’abord mettre l’autre en valeur et faire en sorte qu’il occupe le centre de l’attention, et ensuite penser à soi-même… C’est ce qui fait avancer le jeu. « Les couples qui partent du principe qu’une relation sera bonne si chacun de ses membres est heureux n’ont pas compris grand-chose à l’amour. » Et si la comparaison avec le théâtre d’impro ne vous parle pas vraiment, comparez l’amour à un sport d’équipe. « On ne peut gagner un match que lorsque les joueurs coordonnent leur action, qu’ils se soucient de l’ensemble du jeu et évitent de jouer cavalier seul. »

Parler ou être ensemble ?

Lieven Migerode coupe aussi les ailes à un canard en affirmant qu’il n’est pas nécessaire de parler de ses émotions. Étonnant quand on sait qu’il s’agit là d’un conseil courant… « Se promener ensemble, se blottir l’un contre l’autre sur le canapé, échanger un sourire, se prendre la main, préparer un repas ensemble, s’embrasser, faire l’amour… sont autant de choses qui unissent bien plus. Un sourire quand on se voit, un regard empli de tendresse, être vu comme une personne. Et surtout : continuer à se regarder l’un l’autre. » Les couples qui mettent cela en pratique ne sont pas nécessairement de grands parleurs. « Ce qui les caractérise en revanche, c’est qu’ils évoquent parfois leurs émotions, de manière inopinée, et cela leur donne un fort sentiment d’union. »

Conflits

Un versant inévitable dans le couple est… les conflits. « Ils font simplement partie de la relation amoureuse ! Il est bon de se répéter alors qu’on ne peut pas toujours avoir raison. »

Environ 70 % des conflits sont provoqués par des différences qui étaient présentes dès le début. Or, on aplanit rarement les différences : la plupart persistent. « Mieux vaut les accueillir et chercher des manières de les gérer « , propose Lieven Migerode. Cela se fait en différentes étapes : cernez d’abord la différence, décidez si elle est importante pour vous, parlez-en à votre partenaire, examinez si elle exige une solution rapide. Pour de petits conflits, solution simple : vous n’êtes pas d’accord sur la destination de vacances ? Jetez une pièce en l’air et pliez-vous au résultat !

Par contre, les conflits plus fondamentaux exigent évidemment une autre approche. Imaginons : vous trouvez que vous vous investissez beaucoup plus dans la relation que votre partenaire ; vous faites tout ce que vous pouvez pour le lui faire comprendre mais vous vous heurtez à un mur et votre partenaire réagit en disant que vous l’agacez. Il y a là manifestement manque de bienveillance, de disponibilité et d’implication : l’amour est alors en danger. « Résoudre un gros conflit de ce genre demande du temps, le temps en tout cas d’un bon entretien ! À la fin d’un tel entretien, il est essentiel d’arriver à un compromis. »

Ne pas placer la barre trop haut

Tous ces efforts peuvent-ils dès lors décourager… Il y a d’ailleurs plus de célibataires que jamais ! Et s’ils avaient peur de se montrer tels qu’ils sont ? « Plus la société se désagrège, plus la vie devient difficile. Nous vivons de manière ‘désunifiée’ : nous nous comportons différemment au travail, au club de sport ou à la sortie de l’école. Il n’y a qu’un endroit où nous pouvons nous réunifier, c’est auprès de notre partenaire. Et cela augmente la pression. »

À quoi vient s’ajouter le rêve de l’amour romantique. « L’idée que nous devons toujours être heureux dans une relation est utopique, insiste Lieven Migerode. Il faut jouir des bons moments et les garder précieusement à l’esprit dans les périodes plus difficiles. »

Il faut aussi se faire une raison : une relation n’est jamais continuellement au top ! Elle comporte des hauts et des bas, des moments intenses, d’autres plus superficiels ; parfois on adore la compagnie de l’autre, parfois on l’apprécie moins. Quiconque accepte cela s’inquiétera moins rapidement et aura davantage confiance en l’amour. « Lorsque quelqu’un dit qu’il n’est plus heureux dans la relation, quelque chose ne tourne pas rond. Même si une relation ne sert pas à rendre les individus plus heureux, mais à rendre le couple plus heureux. »

L’amour peut sauver le monde

Et même lorsqu’une relation amoureuse marche bien depuis longtemps, un autre danger se profile : la négligence. Car l’amour est vulnérable. Quand on pense se connaître parfaitement (ce qui est impossible), que l’on est sûr l’un de l’autre et que l’on n’entend pour ainsi dire plus les demandes du partenaire, l’amour risque de s’étioler. « Quand on se sent trop sûr de l’autre, on a tendance à privilégier le ‘je’ et à négliger le ‘nous’.  » Un peu décourageant, non ? Quand tout va bien, on risque à nouveau de perdre l’amour ! Mais Lieven Migerode rassure :  » C’est bien, justement, d’avoir un peu peur et de se tracasser un peu. L’amour est la chose la plus difficile au monde et c’est comme ça pour tout le monde. En même temps, c’est ce qu’il y a de plus beau. L’amour peut sauver le monde. »

Par Marleen Finoulst

Utilisez un thermomètre relationnel !

Les couples se rendent trop peu compte de l’impact qu’ils ont l’un sur l’autre. Votre humeur change avec celle de votre partenaire et inversement. Le partenaire attentif à cette interaction peut éviter bien des explosions. Cette forme de sagesse s’acquiert en utilisant ce que Lieven Migerode appelle le thermomètre relationnel.

Quand on se retrouve, par exemple après le travail, on demande spontanément : « Comment s’est passée ta journée ? », une manière de « prendre la température » de l’autre. Il vaudrait mieux se demander : « Comment est-ce que je me sens aujourd’hui ? », car notre état d’esprit influence la manière dont on demande à l’autre comment il va, mais aussi notre façon d’interpréter sa réponse. Vous êtes tendu ? Il y a beaucoup de chance pour que vous n’écoutiez pas bien et que vous interprétiez mal sa réponse. La tension se repère à l’attitude corporelle, au regard, à l’intonation. Prenons un exemple : vous rentrez chez vous joyeuse, votre partenaire est assis à son bureau, tendu, et grommelle quelque chose. Votre joie va fondre comme neige au soleil.

À l’inverse, si vous rentrez fatiguée, que votre partenaire est de bonne humeur et vous prend dans ses bras, vous vous sentirez tout de suite beaucoup mieux.

Entretenez votre jardin secret

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Vous ne devez pas tout partager avec votre partenaire. Mieux vaut vous réserver un jardin secret, pas nécessairement un endroit concret, mais un espace où réfléchir à des choses que vous ne voulez pas (encore) partager. L’ouverture totale est mortelle pour une relation, car elle porte atteinte à l’autonomie. Et on a besoin d’autonomie pour pouvoir se sentir « lié ».

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