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Le sport serait-il néfaste pour l’immunité ?

Un entraînement trop lourd ne protège pas contre les pathogènes. Il faut donc pouvoir raison garder.

Les cyclistes Mark Cavendish il y a quelques mois et Tiesj Benoot l’année dernière, les joueurs de tennis Roger Federer, Andy Murray, Jelena Dokic ou Marion Bartoli ont un point commun : ils ont dû arrêter leur sport un bon moment suite à une mononucléose, infection provoquée par le virus Epstein-Barr. L’explication est toujours la même : les sportifs de haut niveau seraient ultra-sensibles aux infections et devraient donc faire extrêmement attention à ne pas se laisser contaminer par d’autres. Mythe ou réalité ?

Une notion très répandue parmi les sportifs et les médecins qui les encadrent est celle de la  » fenêtre ouverte  » aux germes. Un effort important peut en effet rapidement réduire le nombre de certaines cellules immunitaires de 30 à 40 %, laissant le champ libre à divers pathogènes qui profitent de ce relâchement pour se réactiver. Notre corps abrite en effet des milliards d’organismes minuscules (bactéries, virus, champignons…) ; si la majorité d’entre eux sont nécessaires, voire indispensables, à notre survie, d’autres sont clairement indésirables (comme par exemple les divers virus herpès). Nos défenses ne sont pas toujours en mesure de les éradiquer complètement, mais elles parviennent généralement à les maîtriser. Dès lors, lorsque l’immunité faiblit, ils peuvent reprendre le dessus et faire des ravages.

Bouton de fièvre

Chez les athlètes de haut niveau, les problèmes se manifestent typiquement pendant ou après une période chargée, avec des entraînements intensifs et des compétitions, et trop peu de temps pour récupérer. Une infection est alors souvent un signal d’alarme indiquant que la limite est dépassée : les rhumes et les infections des voies urinaires sont alors fréquents. C’est aussi le cas de la mononucléose, particulièrement éprouvante pour les athlètes car elle les force au repos pendant des mois.

Le cytomégalovirus peut aussi frapper fort, tout comme le zona (provoqué par le virus herpès zoster). Les boutons de fièvre dus à l’herpès simplex, eux, sont largement bénins mais extrêmement ennuyeux. Tous ces pathogènes appartiennent à la famille des virus herpès, largement répandue dans la population… Et comme nous sommes pratiquement tous porteurs, une contamination est à peu près impossible à éviter.

L’apparition de boutons de fièvre n’est toutefois pas l’apanage exclusif des grands athlètes. Ce signal d’alarme se rencontre également chez les amateurs qui font des efforts trop lourds et trop prolongés et qui ne laissent pas le temps à leur organisme de récupérer, ou chez des sujets peu sportifs qui dépassent leurs limites.

En général, le sport est un stimulant majeur pour l’immunité. Lorsque les muscles travaillent, ils favorisent la production de globules blancs par la moelle osseuse. Il s’agit d’une mobilisation massive, puisqu’elle concerne plusieurs centaines de millions de cellules. Certains, comme les neutrophiles (des cellules de défense parmi les plus nombreuses), augmenteraient de plus de 7 millions par millilitres de sang immédiatement après l’effort (1), soit 42 milliards de cellules supplémentaires au total. L’équivalent de ce qui se passe en cas d’infection bactérienne.

En patrouille

L’impact en apparence contradictoire du sport sur nos défenses – positif en cas d’effort supportable, négatif en cas de forte surcharge – laisse perplexes les scientifiques qui se demandent combien de temps il faut à la fameuse  » fenêtre ouverte  » pour se refermer. Quelques heures ? Plusieurs jours ? Que deviennent les cohortes de cellules immunitaires qui disparaissent du sang lors d’un effort important ? On suppose généralement qu’elles deviennent défectueuses ou à tout le moins incapables d’assurer leur travail de défense, mais il n’y a là non plus aucune certitude. À peine 1 à 2 % des cellules immunitaires seraient en effet détruites et évacuées. Le reste serait envoyé  » en patrouille  » aux endroits où le risque d’infection est le plus grand, notamment dans l’intestin et les voies respiratoires. Elles y seraient même accueillies dans des  » salles d’attente « , prêtes à intervenir rapidement face à tout indésirable.

Cette mobilisation massive entraîne également un remplacement accéléré des cellules immunitaires vieillissantes dont le fonctionnement n’est plus optimal, par une jeune génération plus prompte à réagir.

L’effort physique comporte donc une limite qu’il vaut mieux ne pas franchir, mais qu’il est difficile de fixer avec précision. En effet, d’autres facteurs entrent en jeu comme le repos, l’alimentation, le stress, le sommeil, l’effort intellectuel, etc. La limite est en outre individuelle.

Suppléments ?

Nombre de sportifs consomment allègrement minéraux, vitamines, extraits végétaux ou suppléments divers, convaincus qu’ils favoriseront leur rétablissement et les aideront à améliorer leurs prestations. Mais force est de constater que ces effets positifs semblent exister surtout dans leur esprit. Ce n’est du reste pas sans importance, la confiance étant essentielle aux prestations sportives… mais il n’en reste pas moins que les preuves tangibles reposant sur des études bien conçues font cruellement défaut.

Le seul groupe alimentaire qui semble avoir un réel bénéfice est celui des glucides, qui absorbent une partie des hormones du stress libérées en grandes quantités lors d’efforts physiques importants. Ce constat ne s’applique toutefois qu’aux efforts prolongés : un entraînement de moins d’une heure ne suffit normalement pas à épuiser les réserves de glucides. Les sportifs amateurs qui se limitent à un effort léger à modéré n’auront par ailleurs besoin que d’eau pour étancher leur soif : les boissons sportives ou de récupération risquent de leur apporter plus d’énergie qu’ils n’en auront consommé, ce qui n’est généralement pas le but.

JAN ETIENNE

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