© Istock

Le bonheur est-il plus accessible qu’on ne le pense ?

Nous vivons dans une culture de la victimisation : victimes de violence sexuelle, de licenciement, de divorce, de harcèlement, de catastrophes naturelles, etc. Et si le bonheur venait de la capacité d’aimer la vie au lieu de se plaindre et d’exiger ?

« Ce qui est surtout traumatisant, ce sont ces jérémiades à propos des éventuels risques et conséquences d’événements qui nous sont arrivés », explique le psychiatre Gerbert Bakx, fondateur de l’Academie voor Levenskunst et organisateur de la Journée du Bonheur à Leuven, le 18 avril dernier.

« L’impact de certains événements sur le bonheur individuel dépend plutôt de la manière dont on les appréhende », affirme-t-il. C’est particulièrement important chez les enfants et les jeunes. « La manière dont l’entourage nomme les événements a souvent un plus grand impact sur notre bonheur personnel que les événements proprement dits. »

Des hauts et des bas

Cette académie de l’art de vivre entend nous inciter à réfléchir au bonheur et au malheur, à l’amour et à la souffrance et aux valeurs dans la vie. « C’est donc toujours en nous que le bonheur trouve sa source », poursuit le psychiatre. Comment dès lors se rendre plus heureux ? « Le bonheur est un art de vivre. La science ne nous est d’aucun recours en la matière, pas même la science médicale. Pas plus que la science n’aide un artiste à réaliser une oeuvre d’art. La vie, c’est un peu comme réaliser une oeuvre d’art. Cela nécessite inspiration et passion mais aussi la motivation de persévérer. On n’atteint jamais la perfection, ce qui n’empêche pas de continuer. » La vie est pleine de changements et de surprises, mais il est toujours possible d’apprendre et de recommencer : c’est ce qu’on appelle la résilience. C’est ce que l’être humain a toujours fait : vivre avec des hauts et des bas. « Mais qui a donc inventé le mot ‘échec’ ?, se demande Gerbert Bakx. Un enfant apprend à marcher en tombant. Si cet enfant avait peur de tomber, il n’apprendrait jamais à marcher. La peur paralyse. Et la ‘peur de l’échec’ par conséquent aussi. » Ces concepts nous pompent toute notre force, nous immobilisent.

Le bonheur, c’est comme une relation

Le bonheur est une expérience comparable à l’amour. « Quand on est amoureux, on voit la vie du bon côté, on est plein d’enthousiasme. Ce bonheur vient du plus profond de soi, estime-t-il. Le bonheur n’a rien à voir avec le plaisir et l’amusement, mais avec la manière dont on regarde la vie. Le bonheur, c’est continuer à s’émerveiller de la vie, rester enthousiaste… » Imaginez que votre relation s’éteigne après un certain temps, que vous n’y trouviez plus rien. Cette personne dont vous étiez amoureux, elle vous agace désormais. C’est cela, être malheureux. Et cela vient aussi de vous. « Le contraire de l’amour, c’est la dépression. Un homme heureux est un homme amoureux. Un homme malheureux est comme quelqu’un dans une relation éteinte, qui a perdu le goût de vivre, qui n’a plus le coeur à rien. »

Pleurs et grincements de dents

Savourer les choses dites « simples » de la vie, c’est le chemin le plus sûr vers le bonheur. Mais cette gratitude, on la conditionne souvent à trop de choses : les gens se plaignent, exigent, considèrent comme évident le fait d’être en bonne santé, de posséder une maison, d’avoir assez à manger, d’avoir un enfant, que leur train arrive à l’heure. Mais lorsque quelque chose ne va pas comme ils le souhaitent ou « disparaît », ils se sentent rapidement « victimes ». Se réjouir d’être en bonne santé, se rendre compte qu’un enfant est un cadeau, que nous avons la chance de pouvoir prendre un train, c’est apprendre à regarder le monde avec gratitude et joie. « Les patients dépressifs me disent que la vie ne leur dit plus rien, qu’elle n’a plus de sens. Ils ne se réjouissent plus des petits bonheurs quotidiens de la vie. Ils ne sont plus reconnaissants, émerveillés ou enthousiastes. Selon moi, c’est là l’essence même de la dépression et pas seulement une de ses conséquences. » Le docteur Bakx essaie de faire comprendre à ses patients qu’ils doivent (re)prendre les rênes de leur vie pour sortir de leur dépression.

Force ou sagesse ?

Il ne faut pas nécessairement être « fort » pour regarder la réalité d’une manière positive. « On a besoin de force pour faire la guerre. Pour vivre heureux, c’est de sagesse qu’on a besoin, affirme le psy. La sagesse, on l’apprend dans le meilleur des cas de ses parents et de la société dans son ensemble. Les adultes doivent transmettre des valeurs. » Un enfant vit guidé par ses émotions, un adulte vit en principe guidé par des valeurs. « Les adultes se comportent pourtant fréquemment comme des enfants. Ils pourchassent le plaisir et pensent surtout à eux-mêmes, soucieux de confort avant tout. » Les choses matérielles ont pris une place telle dans la vie des adultes qu’ils en oublient de prêter attention aux valeurs. Nos grands-parents devaient encore se préoccuper de survivre. Aujourd’hui, nous n’avons plus ce souci. « Ce que l’on obtient sans avoir travaillé pour l’obtenir pourrit l’esprit. Gandhi l’avait déjà bien compris. Quelle image de la vie donnons-nous aux jeunes ? Une société hérite des enfants qu’elle produit elle-même. Lorsque des jeunes ont des problèmes, nous, adultes, y avons contribué collectivement. Lorsque les enfants pensent que les biens matériels et le plaisir forment l’essentiel dans la vie, ils y aspireront sans cesse et penseront que cela les rendra heureux. »

Changeons notre langage

Vivre de manière plus consciente, c’est possible en utilisant tout d’abord le langage de manière plus consciente. Notre langue maternelle, les mots que nous prononçons ont un effet hypnotique sur notre humeur et notre ressenti. Les mots que nous avons appris enfant refont spontanément surface. « Ce travail est difficile » donne un autre ressenti que « ce travail est un défi » ou « ce travail est intéressant. » On peut s’exercer à apprendre à parler un autre langage. On peut aussi rendre les autres plus conscients des mots qu’ils utilisent. On peut s’encourager mutuellement à voir et à parler des choses autrement. « Échouer est un mot que nous devrions effacer de notre dictionnaire de toute urgence. Surtout vis-à-vis des enfants. » On anéantit un enfant en lui collant une étiquette. Dire que quelqu’un a une dépression suggère que cette personne est malade, et qu’elle nécessite donc un traitement. Cela mine sa faculté de réagir. Rien de plus décourageant !

Par Marleen Finoulst

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire