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Le Bio est-il vraiment meilleur pour la santé?

À en croire leurs inconditionnels, les produits bio sont plus nutritifs que les autres. Même si cette réputation n’a jamais été confirmée par les chiffres, le bio, ce n’est pas seulement une question de vitamines et de minéraux.

L’alimentation bio n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements : la conscience des risques liés aux techniques modernes d’agriculture et d’élevage ne s’est fait jour que dans les années 1960-1970. Après des siècles de misère, de famine et de guerres destructrices, l’agriculture et l’horticulture maraîchère ont entamé un processus d’industrialisation caractérisé par un recours massif aux machines, aux engrais chimiques et aux pesticides. La production a explosé et le secteur de l’alimentation n’a pas craint de parler de révolution verte. Mais les inconvénients n’ont pas tardé à se manifester. Tandis que l’espoir naïf d’une croissance illimitée et d’une production alimentaire susceptible de nourrir le monde entier marquait le pas, le grand public a commencé à se rendre compte que les pesticides étaient dangereux aussi pour les êtres humains. Dès 1970, les premiers paysans bio se sont convertis à des modes de culture plus sains. Le secteur a connu un essor progressif , avec l’aide de scandales ponctuels, dont la tristement célèbre crise de la dioxine dans l’élevage.

Premiers pas

Mais quel est l’impact de ce mode de culture ? La réponse à la premier question qui vient, à savoir « l’alimentation bio est-elle vraiment plus saine ? », se heurte évidemment à la relative jeunesse du secteur. À l’origine, celui-ci était à la fois trop marginal et trop exigu pour attirer l’attention des scientifiques. Les premières études relatives à l’alimentation bio datent de 15 à 20 ans à peine et sont encore entachées de nombreux défauts. Depuis lors, la qualité des recherches n’a cessé de s’améliorer, mais les études n’ayant pas encore atteint leur plein développement, il serait préférable de ne pas sauter aux conclusions. Pourtant, cette recommandation de bon sens n’est que peu ou pas respectée. En 2012, la professeur Crystal Smith-Spangler de l’université de Stanford en Californie constate que, faute de preuves, il n’est pas possible d’affirmer la supériorité nutritive de l’alimentation bio sur l’alimentation normale. De cette remarque modérée, l’opinion publique a tôt fait de déduire que « l’alimentation bio n’est pas plus saine » que l’alimentation classique. Pour un peu, elle aurait été balayée d’un revers de main, avant même d’avoir été soumise à des études dignes de ce nom. Or, absence de preuves ne signifie pas absence d’effets. Mais comme ces effets n’ont encore été ni démontrés ni réfutés, ils échappent à toute certitude : tous les cas de figure restent possibles.

Crystal Smith-Spangler elle-même n’a d’ailleurs pas été épargnée par la critique. Notamment par rapport au risque lié aux pesticides. D’après son étude, pour les légumes bio, ce risque n’est que de 30 % inférieur à celui des légumes ordinaires, 30 représentant la différence entre 5 et 35 %. Calcul évidemment douteux, puisqu’une diminution de 35 % à 5 % aboutit à un risque 7 fois – ou 85 % – inférieur.

Plus nutritif quand même, le bio ?

En réaction, une autre équipe a réalisé une étude plus minutieuse, dont les résultats ont été publiés en septembre 2014 (3). Selon ces chercheurs, les récoltes organiques seraient 18 à 69 % plus riches en antioxydants et autres substances bioactives. Passer au bio permettrait donc de consommer 20 à 40 % d’antioxydants en plus, ce qui équivaut plus ou moins à 2 portions supplémentaires de fruits et légumes par jour, mais sans addition de calories. Mais malgré les pourcentages encourageants mis en évidence par cette étude, la première à évaluer avec autant d’optimisme les qualités de l’alimentation bio, la prudence reste de mise.

Les meilleures performances des récoltes organiques dépendent apparemment du mode de culture. Dans l’agriculture classique, les végétaux sont stimulés par des engrais et protégés par des pesticides qui leur assurent une croissance rapide, à l’abri des perturbations. Il en résulte une importante production de sucre et d’amidon, au détriment d’autres substances bioactives qui préservent les plantes des maladies, insectes et dangers divers. Les végétaux de culture organique prennent davantage leur propre protection en charge, par le biais de substances bioactives généralement considérées comme étant également utiles pour notre santé, notamment pour la prévention des maladies cardiovasculaires et de certains cancers.

100 fois moins de pestici

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Un avantage de l’alimentation bio que personne ne songe plus à contester, c’est son apport nettement réduit en pesticides. Si elle n’en est pas totalement exempte, c’est parce que certains pesticides, qui se décomposent très lentement, se sont répandus dans le monde entier, tandis que d’autres peuvent être disséminés par les vents. Il n’en reste pas moins que l’exposition aux pesticides et donc le risque sanitaire sont de 10 à 100 fois moindres avec l’alimentation bio qu’avec une alimentation classique. C’est en tout cas l’avis de Charles Benbrook, responsable du Centre pour l’Agriculture Durable de la Washington State University, qui a participé à l’étude positive récente sur l’alimentation bio.

En Europe occidentale, la plupart des récoltes classiques se situent actuellement au-dessous des normes de sécurité et les pesticides les plus dangereux sont d’ores et déjà interdits. Mais, au niveau des pouvoirs publics, il existe un assez vaste consensus pour affirmer, fût-ce seulement en vertu du principe de précaution, que les pesticides constituent globalement un risque pour la santé, de sorte que l’exposition à ces substances doit être aussi limitée que possible.

Enfants sensibles

Les enfants y semblent particulièrement sensibles, surtout pendant leur vie intra-utérine et leurs premières années d’existence. Une étude a montré que l’alimentation bio peut réduire leur risque d’exposition à des substances nocives. Chez des élèves de l’enseignement primaire, cinq jours d’alimentation bio ont réduit le taux sanguin de pesticides à des niveaux très bas, quasi indétectables. Le retour à une alimentation normale a rapidement ramené les valeurs antérieures. La différence était flagrante, et une autre étude a confirmé cet effet.

Des indices probants semblent d’ailleurs indiquer que, plus tard dans la vie, de nombreuses affections, des maladies respiratoires aux troubles mnésiques en passant par la maladie de Parkinson, des troubles du comportement comme le TDAH ou des malformations congénitales se rattachent à une exposition chronique aux pesticides, même si le lien, évident dans certains cas, est plus sujet à caution dans d’autres. En outre, vu la quantité de pesticides et autres substances chimiques potentiellement dangereuses qui sont en circulation à l’heure actuelle, il n’est pas impossible que leurs effets se renforcent mutuellement. Raison de plus pour faire preuve d’une extrême prudence dans ce domaine.

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ntibiotiques : sans, c’est mieux !

Quant aux éleveurs, ils continuent à recourir massivement aux antibiotiques, moins pour combattre les maladies que pour stimuler la croissance, et cette pratique a des conséquences nocives. À l’examen, 72 à 98 % des volailles vendues dans les supermarchés aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne sont contaminés par des bactéries résistantes, qui pourraient se transmettre à l’être humain par le biais de la chaîne alimentaire. Ces derniers temps, la multiplication des bactéries résistantes fait chaque année des milliers de victimes. L’agriculture biologique pourrait contribuer à résoudre cette problématique, car l’usage des antibiotiques n’y est autorisé que dans le cadre de la lutte contre les infections, ce qui diminue spectaculairement le risque de développement de bactéries résistantes. Cet effet positif indirect sur la santé est loin d’être négligeable.

Et la santé, alors ?

Mesurer le taux de pesticides dans les aliments est assez facile. Comparer la qualité alimentaire des produits bio avec celle des produits classiques est déjà plus difficile, mais cette opération est un jeu d’enfant par rapport à l’étude des effets possibles sur la santé. Non seulement parce que les incertitudes sont légion, mais aussi parce que l’effet global de l’alimentation ne s’affiche probablement qu’après un laps de temps considérable, et que l’alimentation bio est encore jeune. Pour l’instant, les défenseurs et les détracteurs de l’alimentation bio ont donc du mal à se départager. L’alimentation bio assure-t-elle vraiment une vie plus longue et plus saine ? Et la différence est-elle importante ou le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ? Ces questions restent posées. Mais si le doute subsiste, il n’est pas suffisant pour justifier le rejet du bio.

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