La transplantation fécale : mode ou véritable traitement ?

Muriel Lefevre

De plus en plus de gens se transplanteraient de la matière fécale pour se soigner contre le Clostridium difficile, une bactérie qui provoque la diarrhée chronique. Pourquoi le font-ils et est-ce bien utile ? Le point avec Michel Delmée, Chef du Département de Biologie et d’Anatomie pathologique des Cliniques universitaires Saint-Luc.

La bactérie Clostridium difficile (C.diff) est très fréquente dans les intestins et ne pose pas le moindre problème si elle est maintenue sous contrôle par d’autres bactéries. Ceux-ci surviennent lorsque les bonnes bactéries sont attaquées par des antibiotiques laissant du même coup le champ libre pour une prolifération de la C. diff. Avec pour conséquence une diarrhée chronique ou d’autres complications. Les personnes contaminées le sont souvent dans des homes ou en milieu hospitalier. En effet, les spores de cette bactérie peuvent persister et rester actives durant des semaines. Même si les consignes d’hygiènes sont strictes, il existe un risque important de contamination.

Le problème n’est pas neuf, puisque l’on connait cette maladie depuis 30 ans. Elle est à la base des principales causes de diarrhée à l’hôpital et fait globalement l’objet d’une bonne prise en charge. Bien que la maladie est aggravée par les antibiotiques, le traitement consiste à donner d’autres antibiotiques, principalement la vancomycine et métronidazole. « Ce traitement est efficace dans 80% des cas. Pour les 20 % restant, il y a effectivement récidive, car les antibiotiques perturbent la flore intestinale. Mais seul 1% de ces 20% devient chronique et il faut dès lors trouver un autre traitement. Pour donner un ordre d’idée : sur 1000 lits d’hôpital, 100 souffrent de diarrhée. Sur ces 100 cas, 20 font une récidive et seul un cas va devenir chronique. » nous précise le professeur Delmée.

La C.diff est surtout dangereuse pour les personnes très âgées. Aux États-Unis, cette bactérie serait à l’origine de 14.000 décès par an. Si une étude canadienne annonce que cela peut atteindre un taux de mortalité de 30%, le professeur Delmée trouve ce chiffre fortement exagéré et ne s’applique en tous les cas pas à la Belgique. « Le taux de mortalité le plus élevé que l’on ait constaté se trouvait chez des personnes de plus de 90 ans et avec des souches de C.Diff particulièrement virulentes. Et même dans ce cas cela dépassait la plupart du temps à peine les 10%, avec un pic absolu à 14% ».

La transplantation fécale

Si des études pour un traitement existent et seraient sur le point d’aboutir, comme les anticorps monoclonaux humanisés (soit des anticorps produits à partir de cellule souche et reconnus par le corps), cela coûte très cher puisque cela ne touche qu’une infime partie de la population.

Une des manières de traiter cette maladie serait la transplantation fécale. Cela consiste à ingérer, d’une façon ou d’une autre, des selles de quelqu’un d’autre à titre thérapeutique. Une transplantation permettrait en effet de rétablir le taux de bonne bactérie et de maintenir la Clostridium difficile sous contrôle. Si elle est psychologiquement pas évidente, cette manière de traiter la maladie serait particulièrement efficace. Une étude publiée dans New England Journal of Medicine démontre que 94% des patients traités de cette manière ont été guéris.

Cette forme de médication n’étant encore que peu prescrite par les médecins américains, une nouvelle mode aux États-Unis pousse les malades à le faire eux-mêmes, de manière artisanale, peu ragoutante et particulièrement odorante. Le procédé consiste à mixer dans un blender de la matière fécale avec une solution salée pour ensuite l’introduire à l’aide d’une poire. De quoi donner des hauts le coeur aux plus aguerris des patients. Cette tendance a même son site attitré, The Power of Poop, que l’on pourrait traduire par la force de la crotte, véritable mine d’or pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le sujet.

Pour le professeur Delmée, la transplantation fécale faite maison est une très mauvaise idée. Car « si la technique de transplantation fécale existe dans plusieurs hôpitaux belges et a prouvé son efficacité, elle fait l’objet d’un protocole strict sur les conditions d’administration, quelles selles utiliser ou encore les quantités à ingérer ». Pour le professeur, toute initiative personnelle en dehors des hôpitaux pourrait se révéler très incommodante et pas seulement pour d’évidents problèmes logistiques. Les selles sont composées de 100 à 1000 milliards de germes par gramme. Si tous ne sont pas forcément dangereux, il peut y avoir des virus ou des parasites. De quoi appeler largement à la prudence.

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