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La pilule fait-elle grossir?

Le Vif

Professeur en gynécologie à la VUB, Hendrik Cammu revient sur le fonctionnement de la pilule et ses effets secondaires.

Quand on prononce le mot « pilule », chacun sait immédiatement de quoi il s’agit. Aujourd’hui, la « pilule » est synonyme de contraception. C’est bien la preuve de la popularité de la « pilule ». Début 2007, les lecteurs du prestigieux British Medical Journal ont classé « la pilule » parmi les 15 principaux accomplissements de ces 150 dernières années (parmi l’eau propre, les vaccins, les antibiotiques, l’anesthésie, etc.) C’est le biologiste américain Gregory Pincus (1903-1967) qui a mis la première pilule contraceptive Enovid sur le marché en 1957, non comme contraceptif, mais comme remède contre les règles douloureuses.

La pilule de Fincus contenait d’importantes doses d’hormones et était mal supportée. Le gynécologue belge Ferdinand Peeters (1918-1998) a conçu une pilule au dosage beaucoup moins élevé et qui était tout aussi efficace. Peeters s’est associé à la firme allemande Schering AG à Berlin et le 1er janvier 1961 Schering a sorti la pilule ANOVLAR sur le marché belge. Malgré l’anathème de l’encyclique papal ‘Humanae Vitae (1968) lancé contre la pilule, la majorité des médecins belges s’en moquent. La pilule est un succès, et encore davantage quand apparaît le frottis du col de l’utérus.

Les femmes se rendaient chez le gynécologue pour le frottis et la pilule. La pilule a fait énormément pour l’émancipation de la femme. La pilule fait disparaître la crainte d’une grossesse non désirée et permet à la femme de faire ses études avant d’avoir d’enfants. Grâce à la pilule, la sexualité est dissociée pour la première fois de la reproduction. C’est pourquoi c’est probablement l’un des médicaments les plus connus de tous les temps. Et à juste titre, car la pilule est le premier médicament pris par des millions de femmes en bonne santé. Par conséquent, la sécurité a toujours été une priorité absolue.

Comment fonctionne la pilule?

Chaque pilule contient deux hormones féminines qui jouent un rôle dans le cycle naturel : l’oestrogène et le progestatif. En résume, le cycle naturel a lieu comme suit : au cours de la première moitié du cycle, les hormones du cerveau inciteront l’ovaire à fabriquer l’hormone oestrogène et à mûrir un ovocyte. À mi-chemin du cycle, une deuxième hormone du cerveau chassera l’ovocyte mûr de l’ovaire : c’est l’ovulation. Dès lors, l’ovaire produit une deuxième hormone féminine, le progestatif, dans le but de « préparer » l’utérus à éventuellement recevoir une grossesse. Quand une femme avale la pilule, l’ovaire ne doit plus produire d’hormone.

La pilule met l’ovaire au repos. Par conséquent, la stimulation supplémentaire depuis le cerveau de forcer une ovulation disparaît. C’est son fonctionnement principal : la pilule freine l’ovulation. Mais il n’y a pas que ça : la « préparation » de l’intérieur de l’utérus disparaît également quand on prend la pilule. S’il y a avait tout de même une ovulation (improbable) et une fécondation, la grossesse ne pourrait pas s’installer et sera sécrétée. La pilule est très efficace quand on la prend correctement. C’est là aussi le point faible de la pilule : l’observance thérapeutique laisse souvent à désirer. Beaucoup de femmes oublient régulièrement de prendre leur pilule.

La pilule combinée

La pilule contient donc un oestrogène (éthinylestradiol = EE) et un progestatif. Depuis le début des années soixante, on baisse le dosage des oestrogènes (de 50 microgrammes ® 30 ® 20). Les progestatifs dans la pilule ont changé, à présent ils ont moins d’effets secondaires « masculins » comme l’acné ou les cheveux gras.

Pour les moins de 21 ans, certaines pilules sont tout à fait gratuites. Une plaquette contient 21 pilules : il faut prendre une pilule par jour pendant 21 jours consécutifs. Ensuite, arrêter durant sept jours consécutifs. En principe, les règles s’enclenchent deux à quatre jours après la prise de la dernière pilule. Après quelque temps, la femme remarquera que la quantité de menstruations baisse, et c’est pour cette raison qu’on prescrit la pilule aux femmes qui souffrent de menstrues intenses ou douloureuses. On les appelle les avantages « non-contraceptifs » de la pilule. Les femmes qui souffrent de seins douloureux peuvent également tirer profit de la pilule, un autre avantage « non-contraceptif ». Cependant, la pilule présente aussi des inconvénients et ceux-ci font généralement la une de l’actualité. La pilule favorise-t-elle le cancer et les thromboses ? Fait-elle grossir et fait-elle baisser la libido?

C’est toujours de la faute de la pilule

Certaines femmes sensibles au progestatif dans la pilule grossiront de 1 à 3 kilos, essentiellement parce que le progestatif augmente la sensation de faim. Cela touche environ 10% des utilisatrices de la pilule. Si on n’arrive pas à perdre ces kilos, mieux vaut changer de contraception. Même chose pour la baisse de la libido. Entre 10 et 15% des femmes s’en plaignent, et là aussi il faut changer de contraception. Il est étonnant qu’il n’y ait pas plus de femmes qui se plaignent de perte de libido, car le désir sexuel grimpe pendant l’ovulation. Du point de vue de la reproduction, c’est très logique. Et la pilule freine l’ovulation. Chez certains adolescentes, la pilule pourrait augmenter les risques de dépression de 20% au cours des six premiers mois, à cause de la sensibilité de la personne au progestatif. On recommande donc la prudence pour les adolescents à tendance dépressive.

D’une part, il y aurait un risque légèrement plus élevé de cancer du sein: « chaque année la pilule causerait un cas supplémentaire de cancer de sein sur 7690 femmes ». Plus l’utilisation dure longtemps, plus les risques sont élevés. Dix ans après l’arrêt de la pilule, le risque équivaut au cas d’une personne qui n’a jamais pris la pilule. À partir de 40 ans, il vaudrait peut-être mieux chercher une alternative non hormonale. Cependant, il y a aussi une bonne nouvelle : la pilule réduit les risques de cancer des ovaires, de l’utérus et peut-être même du côlon. L’effet net de la pilule, prise pendant cinq ans, ferait même légèrement baisser le risque de cancer, du moins selon certains calculs.

Le risque principal de l’utilisation de la pilule est certainement la thrombose veineuse dans la jambe ou dans le poumon (embolie). Ces dernières années, il y a eu beaucoup d’agitation à ce sujet dans les médias. Une femme âgée entre 15 et 44 ans qui ne prend pas la pilule et qui n’est pas enceinte a 2 risques sur 10 000 par an de faire une thrombose. Les pilules anciennes (par exemple Microgynon) présentent un risque de 5-7/10.000/an. Les pilules plus récentes (Yasmin par exemple) entraînent un risque plus élevé, à savoir 9-12/10.000/an. Mais si on attend un enfant, les risques de thrombose sont cinq fois plus élevés. Pour les femmes obèses ou qui fument, le risque se multiplie par quatre. Et finalement, après un suivi de 36 ans réalisé auprès de 120 000 consommatrices de pilule, les scientifiques ont constaté que la pilule n’avait pas d’influence sur la mortalité. Avec ou sans pilule, l’espérance de vie demeure la même.

Hendrik Cammu

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