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La perte d’efficacité des antibiotiques, une urgence mondiale

Stagiaire Le Vif

Aux Etats-Unis, une super-bactérie résistante à toutes les formes d’antibiotiques existantes vient d’être repérée sur une patiente. Une découverte alarmante qui rappelle que l’inefficacité croissante des antibiotiques devient une urgence pour la santé publique mondiale.

L’augmentation de la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques commence à prendre une allure menaçante. « Sans action urgente et coordonnée, le monde se dirige vers une ère post-antibiotique, dans laquelle des infections banales ou des blessures mineures, qui ont été soignables pendant des décennies, pourraient à nouveau tuer », déclarait un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) l’année dernière. Le terme de « tsunami silencieux » est parfois utilisé pour décrire ce phénomène. La raison majeure de cette résurgence : un usage inapproprié des médicaments antibiotiques, principalement dans les pays développés.

Aux Etats-Unis, le Département de la Défense vient de sortir un rapport détaillé sur le premier cas national de super-bactérie résistante aux antibiotiques. La patiente, une femme de 49 ans affectée par une forme rare d’infection E. Coli, présente une résistance au Colistin, un antibiotique souvent utilisé en dernier recours, rapporte CNN. La bactérie en question aurait été repérée en dehors des Etats-Unis, notamment en Europe, au Canada, et en Chine. Un rapport suggère qu’elle pourrait provoquer la mort d’un patient infecté sur deux.

Un problème déjà bien présent

Comme le rappelait le quotidien anglais The Guardian la semaine dernière, la résistance aux antibiotiques n’est pas un problème du futur. Il est déjà bien présent. Rien qu’en Europe et aux Etats-Unis, 50.000 personnes meurent déjà chaque année à l’inefficacité de ces médicaments, estime Sally Davies, conseillère médicale en chef du gouvernement britannique. Selon un rapport dirigé par l’économiste britannique Jim O’Neill, la résistance aux antibiotiques pourrait coûter la vie à 10 millions de personnes en 2050, et dépasser les cancers comme première cause de mortalité. Avec un coût de 100 trillions de dollars à l’échelle mondiale.

David Cameron, le Premier ministre britannique, a tenu à rappeler ces chiffres alarmants lors du G7 qui se tient actuellement au Japon. Il a profité de l’occasion pour révéler son plan d’action, visant à réduire par deux le nombre de prescriptions médicales inappropriées d’ici 2020. L’année dernière, les prescriptions d’antibiotiques ont diminué de 7,3% dans le pays, rapporte le Guardian. Il veillera aussi à réduire par deux les risques d’infections aux bactéries comme l’E. Coli, qui s’attrape généralement dans les hôpitaux. Le plan prévoit également une diminution de l’usage des antibiotiques dans les élevages destinés à la production de viande ou de poisson. Car ces pratiques contribuent aussi au développement de nouvelles formes d’antibiorésistance.

Et en Belgique ?

Face à ce problème, la Belgique mise avant tout sur la sensibilisation. Nous en sommes actuellement au 15e round de campagnes préventives, une méthode qui semble avoir porté ses fruits. En 1990, notre pays était un des trois plus gros consommateurs au niveau européen, rapporte la Commission belge de coordination de la politique antibiotique (BAPCOC). En 2010, cette consommation avait diminué d’un tiers. Mais le niveau reste relativement élevé comparé aux autres pays européens.

« En 2020, on voudrait un maximum 600 prescriptions d’antibiotiques pour 1000 Belges, par an. Et pour 2025, il faudrait que ce chiffre diminue à 400. En sachant que pour le moment, nous sommes à 800 prescriptions d’antibiotiques pour 1000 Belges par an », explique Els Cleemput, porte-parole de la ministre de la Santé Maggie De Block. Favoriser un bon usage des antibiotiques reste donc la priorité en matière de la lutte contre les résistances. Mais est-ce suffisant ?

L’importance de la recherche

Dans la lutte contre la perte d’efficacité contre les antibiotiques, la recherche également joue un rôle capital. Et c’est là que le bât blesse. Selon le rapport O’Neill, moins de 5% du capital investit dans la recherche pharmaceutique entre 2003 et 2013 a servi au développement de nouvelles formes d’antibiotiques. Dans son rapport, Mr O’Neill prône la méthode dite du « pay or play ». Autrement dit, soit les entreprises pharmaceutiques recherchent et développent elles-mêmes de nouvelles formes d’antibiotiques, soit elles devront aider financièrement les entreprises qui contribuent à ces recherches. Une proposition directement rejetée par l’association de l’industrie pharmaceutique britannique (ABPI), qui estime en faire assez.

Cela peut surprendre, mais depuis 1987, aucune nouvelle classe d’antibiotiques n’a été découverte et développée. Néanmoins, les recherches prometteuses sur le « teixobactin », annoncé en 2015, suscitent un peu d’espoir. Cette nouvelle molécule pourrait s’avérer efficace contre des bactéries comme le staphylocoque doré ou celles à l’origine de la tuberculose. Mais son développement et sa mise sur le marché devraient prendre en cinq et six ans, a déclaré le Professeur Kim Lewis, chercheur dépositaire du brevet pour cette molécule.

Par A.Se.

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