Monsanto, producteur de Round'up © Reuters

L’incertitude pèse toujours sur le sort du glyphosate dans l’UE

Le Vif

Le renouvellement de la licence dans l’UE du glyphosate, l’un des herbicides les plus utilisés dans le monde, accusé de provoquer le cancer, fait l’objet d’une féroce bataille à Bruxelles avant que l’autorisation actuelle ne s’achève fin décembre.

Le comité d’experts chargé du dossier, où siègent des représentants des Etats membres, se réunit jeudi et vendredi prochains à Bruxelles.

Aucun vote n’est attendu pour le moment: les positions des Etats membres restent trop floues.

La France est un des seuls pays, avec l’Autriche, à avoir affiché publiquement la sienne, en s’opposant à la proposition de la Commission européenne de renouveler pour dix ans la licence du produit.

Le gouvernement français a tout de même laissé une porte ouverte, en se disant ouvert à une période d’autorisation réduite, à cinq ou sept ans par exemple.

Depuis deux ans, sur fond d’intenses débats sur la dangerosité pour la santé du glyphosate, aucune majorité claire ne se dessine parmi les Etats, ni pour, ni contre une nouvelle autorisation.

‘Blocage’

Au printemps 2016, pour sortir de l’impasse et éviter un vide juridique, la Commission avait temporairement prolongé de 18 mois la licence du glyphosate qui arrivait à expiration et demandé à son Agence de la sécurité alimentaire un nouvel avis scientifique.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu qu’il n’y avait pas de raison de classer le glyphosate comme cancérogène, conduisant la Commission à proposer à nouveau le renouvellement de la licence pour 10 ans.

Mais le débat politique ne s’est pas éteint pour autant sur cet herbicide commun que l’on retrouve dans les produits phares des géants de l’agrochimie, Monsanto (RoundUp) mais aussi Syngenta ou Barclay Chemicals.

« La Commission essaie de trouver une solution qui bénéficie du plus large soutien possible auprès des Etats membres », a expliqué une porte-parole.

Sur 28 Etats membres contactés par l’AFP via leur représentation diplomatique auprès de l’UE, un peu plus de la moitié ont répondu: la plupart pour dire que leur vote n’était pas encore arrêté. Cinq ont indiqué qu’ils soutiendront la proposition de la Commission.

Dans un pays comme l’Allemagne, qui selon des sources concordantes s’est jusqu’à présent abstenue, le gouvernement est divisé.

Face aux atermoiements des Etats membres, la Commission a durci son message.

Le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, a déploré une « situation de blocage institutionnel », tout en notant l’ambiguïté des Etats membres « qui cherchent à amener la Commission à prendre une décision à leur place », selon le procès-verbal d’une réunion de l’exécutif européen de juin 2016.

En cas d’absence de vote, la licence du glyphosate expirera fin décembre. Il sera toutefois encore possible d’y avoir recours pendant un an, le temps d’écouler les stocks.

M. Andriukaitis a rappelé à plusieurs reprises que, même si la substance était autorisée, les Etats membres gardaient la possibilité d’interdire les produits contenant du glyphosate.

En France, par exemple, son utilisation par les collectivités dans les espaces ouverts au public est interdite depuis le 1er janvier 2017 et son emploi par les particuliers va être proscrit à partir de 2019.

Cancérogène ou pas?

La Commission européenne espérait que le rapport de l’EFSA mettrait un terme à la controverse scientifique.

Mais les opposants au glyphosate mettent en doute son indépendance et continuent de s’appuyer sur une étude du Centre de recherche sur le cancer de l’OMS (CIRC) qui a classé la substance « cancérogène probable ».

De son côté, l’industrie phytosanitaire estime au contraire que la Commission aurait dû proposer un renouvellement pour 15 ans, comme le veut la procédure européenne.

Le principal syndicat d’agriculteurs européen, le Copa-Cogeca, abonde dans le même sens, soutenant qu’il n’existe aucune alternative « viable » au glyphosate si l’agriculture européenne veut maintenir ses rendements.

Les opposants sont loin d’avoir dit leur dernier mot et leur campagne de protestation a fait découvrir le sujet au grand public.

Une « initiative citoyenne » pour dire « stop au glyphosate » a recueilli plus de 1,3 million de signatures, un succès inédit pour cet instrument qui permet d’interpeller directement la Commission européenne.

Invité par le Parlement européen à une audition afin de s’expliquer sur ses méthodes visant à influencer le débat public, l’Américain Monsanto a opposé un refus, qui va lui valoir une interdiction d’accès aux locaux de l’assemblée pour ses cadres et lobbyistes.

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