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L’effet placebo, ou quand le bisou magique marche vraiment

Le Vif

Le premier médicament du médecin, c’est… le médecin lui-même. L’effet placebo qu’il peut induire est en effet son meilleur allié. Le point sur ce phénomène surprenant.

Quand, affligé d’un terrible mal de crâne, vous avalez deux comprimés d’aspirine, et si vous vous sentez déjà mieux au bout de dix minutes, ce n’est pas parce que l’aspirine fait déjà son effet mais c’est grâce à l’effet placebo (1) « , explique le médecin et écrivain Martin Winckler. Qui précise en outre que l’effet placebo n’est pas uniquement véhiculé par les médicaments : « Quand un parent pose un baiser sur le bobo d’un enfant, si l’enfant cesse vite de pleurer, ce n’est pas la magie du baiser qui l’a soulagé, mais son effet placebo. » Classiquement, en médecine, on définit l’effet placebo comme la différence entre l’effet pharmacologique objectif d’un produit et son effet clinique observé sur un individu. Cette différence peut être positive ou négative : soit l’effet placebo dope l’effet pharmacologique du produit en question, soit il le réduit, l’annule, voire l’inverse. On parle alors d’effet « nocebo ».

Pur ou impur ?

Quels sont les produits qui peuvent exercer l’effet placebo ? Il peut s’agir d’une substance totalement dénuée de principe actif, comme l’eau ou le lactose (on parle alors de placebo « pur »), ou d’un médicament réel dont l’efficacité biologique est prouvée, mais qui est prescrit « à côté de la plaque » – des antibiotiques en cas d’affection virale, par exemple. Pour le Dr Patrick Lemoine, psychiatre et spécialiste du placebo auquel il a consacré un ouvrage qui fait référence en la matière (2), un grand nombre de médicaments disponibles en pharmacie seraient des placebos « impurs » c’est-à-dire des produits actifs qui n’ont pas démontré une efficacité supérieure à celle d’un placebo pur lors d’études cliniques dites en « double aveugle » (ni le médecin ni le patient ne savent si ce qui est administré au patient est le vrai médicament ou le placebo). Ces études contre placebo sont considérées comme le moyen le plus sûr pour évaluer l’efficacité d’un nouveau médicament.

Thermalisme

Rien ni personne n’a jamais apporté la preuve que l’eau de telle source thermale avait la moindre supériorité thérapeutique par rapport à l’eau du robinet, rappelle Patrick Lemoine. Il est pourtant clair que le thermalisme est efficace dans de nombreuses affections généralement fonctionnelles, mais aussi parfois organiques. Mais il est non moins évident que ce qui est prescrit n’est autre que le dépaysement, le changement de vie sociale et de quotidien, des rythmes différents, un peu de plaisir et de luxe, un régime plus sain. »

Le taux d’efficacité d’un placebo est de l’ordre de 30 %. Ce chiffre doit cependant être considéré comme une moyenne : l’effet placebo, par exemple, est nul dans les septicémies (infections généralisées gravissimes) alors qu’il peut atteindre 80 % dans la douleur de l’ulcère duodénal, rappelle le psychiatre et pharmacologue Jean-Jacques Aulas (3), qui précise que la réponse placebo varie de 46 à 73 % pour les maux de tête, de 20 à 58 % pour les migraines, de 3 à 60 % pour les traitements de l’hypertension, de 14 à 84 % pour les douleurs rhumatismales et de 20 à 60 % pour les troubles digestifs.

Mais comment ça marche ?

Attentes du sujet, conditionnement pavlovien, motivation à aller mieux et à coopérer avec le médecin… Différentes théories s’affrontent ou se complètent pour tenter d’expliquer les ressorts de l’effet placebo,  » l’ultime part d’irrationnel en médecine », selon Patrick Lemoine. Sur le plan neurophysiologique, on savait déjà que l’organisme produit des endorphines (antidouleur naturel) lors de la prise d’un placebo  » déguisé  » en antalgique. Comme le résume bien Martin Winckler, « l’effet placebo est la conséquence biochimique d’une suggestion symbolique ».

Des neurologues de l’université du Michiganqui ont identifié par imagerie cérébrale une région du cerveau directement impliquée dans l’effet placebo. Afin de provoquer une légère douleur chez des sujets volontaires, les chercheurs leur ont injecté un peu d’eau salée dans un muscle de la mâchoire. Les volontaires ont ensuite été divisés en deux groupes, les uns recevant un simple placebo, les autres un antidouleur… qui était en réalité aussi un placebo ! Résultat ? Les sujets convaincus d’avoir reçu un antidouleur et qui répondaient le mieux au placebo présentaient des concentrations plus importantes de dopamine dans leur « noyau accumbens ». Cette petite région située au centre du cerveau est notamment impliquée dans les mécanismes de récompense, du plaisir, de la dépendance et de la motivation. « Des récepteurs pour les endorphines et la dopamine sont présents massivement dans le noyau accumbens, précise Jon-Kar Zubieta, un des auteurs de l’étude. Nous pensons donc que nos recherches s’appliquent bien directement aux mécanismes à la base de l’effet placebo. ».

(1) Qu’est-ce que l’effet placebo ?, par le Dr Martin Winckler, Le Cherche Midi, 2003.

(2) Le Mystère du placebo, par le Dr Patrick Lemoine, Odile Jacob, 1996 (réédité en 2006).

(3) Placebo, chronique d’une mise sur le marché, par le Dr Jean-Jacques Aulas, Science Infuse, 2003.

Par D. Leloup

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