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« L’argent fait le bonheur »

Jan Stevens Journaliste Knack

« L’argent fait-il le bonheur ? », se demande le psychologue néerlandais Ap Dijksterhuis dans un livre du même nom (Maakt geld gelukkig?). Attention, spoiler: la réponse est oui.

Chaleur humaine, fraternité, comfort food, épanouissement personnel: c’est ce qui rend heureux, non?

Peut-être bien, mais « show me the money », estime le psychologue néerlandais, Ap Dijksterhuis. Le cliché que l’argent ne rend pas heureux, console les gens qui n’ont pas gagné au loto. Évidemment que l’argent rend heureux.

« Autrefois, j’étais convaincue aussi que ce n’était pas le cas », admet Dijksterhuis. « Entre-temps, il y a plus d’études scientifiques qui indiquent une cohésion assez forte entre l’argent et le bonheur. Ainsi, on a constaté que les gens issus de pays riches sont en moyenne plus heureux que les gens qui vivent dans un pays pauvre. On a bel et bien étudié l’effet des loteries. Il s’avère que les gagnants d’une somme considérable deviennent plus heureux. Une étude suédoise à grande échelle réalisée parmi des milliers de gagnants du loto révèle qu’ils sont plus satisfaits de leur vie que les joueurs qui n’ont jamais gagné. La conclusion prudente est donc : l’argent rend effectivement heureux. »

Il arrive qu’on entende des histoires de gagnants du loto tombés dans le ruisseau ?

On entend effectivement parfois ces récits « romantiques ». Ce serait peut-être beau si c’était la norme, car alors on saurait immédiatement qu’il ne faut pas prendre la peine de devenir riche (rires). Mais c’est inexact. Les gagnants du loto qui tombent dans le malheur sont l’exception. Les gagnants de grandes loteries bénéficient d’un accompagnement financier. Parfois, les gros montants sont payés en tranches, pour éviter que les gagnants fassent des bêtises. C’est paternaliste, mais cela évite les accidents.

De nombreux économistes taxent les loteries organisées par les pouvoirs publics d' »impôts sur la bêtise ». Si vous mettez 20 euros en jeu à la loterie d’état vous savez que des milliers d’autres feront pareil. Il n’y a qu’un seul qui remportera le gros lot. L’argent restant disparaît dans les poches de l’état. Autrefois aussi, je considérais ça comme un impôt sur la bêtise, mais aujourd’hui je m’en distancie. Évidemment, les chances de gagner sont extrêmement réduites, mais si on gagne, le sentiment de bonheur en sera boosté.

Plus on a de l’argent, plus on sera heureux?

Il n’y a tout simplement pas de preuve de la thèse que d’avoir beaucoup plus d’argent que nécessaire rend moins heureux. Une étude récente allemande affirme que les gens qui gagnent plus de 200 000 euros par an, sont plus heureux en moyenne que quelqu’un qui gagne entre 150 000 et 200 000 euros, ce qui est aussi un très beau salaire. Ce dernier est à son tour plus heureux que l’homme ou la femme qui perçoit entre 100 000 et 150 000 euros. Cette étude révèle que le bonheur des gros salaires augmente s’ils réussissent à gagner quelques dizaines de milliers d’euros de plus. Même si ce n’est probablement pas infini. Car une étude encore plus récente sur le lien entre revenu et bonheur dans le monde révèle bel et bien qu’il y a un point où un revenu plus élevé ne semble pas contribuer à un bonheur encore plus grand. Dans les pays occidentaux, la limite pour une famille d’une personne se situe à 100 000 dollars, pour une famille de deux enfants le point de satiété du bonheur dépasse les 200 000 dollars. Mais il ne rend pas plus malheureux pour autant.

Les malheureux sont ceux qui veulent absolument devenir riches et sont continuellement à la chasse d’argent.

Précisément. C’est bien d’avoir de l’argent, mais il ne faut pas en vouloir trop. Si l’on est trop matérialiste et trop cupide, on est malheureux. L’armateur richissime Aristote Onassis disait : « Il ne faut pas courir derrière l’argent, mais aller à sa rencontre. »

Quant au patron de Virgin Richard Branson, il prétend que ce n’est pas le succès qui l’a rendu heureux, mais qu’il est devenu riche parce qu’il est heureux de nature.

Il a raison. Des études scientifiques montrent que l’argent contribue au bonheur, mais aussi que le bonheur contribue à gagner de l’argent. Les gens heureux font plus facilement carrière, sont moins souvent malades et ont plus d’énergie. Les gens heureux de nature gagnent généralement plus d’argent.

Le principal, c’est peut-être de choisir une voie avec un emploi plus satisfaisant. Il n’y a alors vraiment pas de mal à commencer à gagner un peu d’argent à moment donné.

Dans votre livre, je lis que les fleuristes et les jardiniers sont heureux durant 87% de leur temps de travail, suivis par les coiffeurs (79%) et les plombiers (76%). Quant aux banquiers, ils se sentent malheureux 66% du temps.

Les métiers les plus heureux sont ceux où quelqu’un rend son prochain content et heureux. Cela peut donc être simplement une personne qui vend des bouquets de fleurs fraîches et égaie la journée des autres. Ce qui peut également contribuer au bonheur, c’est la liberté de déterminer comment occuper son temps. Je me sens toujours plus heureux en voyage que chez moi parce que je n’y suis pas obligé de lire des e-mails ennuyeux de gens qui me demandent des tas de choses. (rires)

C’est plus intelligent de dépenser de l’argent en voyages qu’en chaussures hors de prix ?

Sans aucun doute. Une étude psychologique révèle que dépenser son argent en expériences rend plus heureux que d’acheter des objets. Même s’il est bon que ces expériences correspondent à la personnalité. Si vous êtes angoissé et incertain, voyager n’est pas une bonne idée. Heureusement, il y a de nombreuses autres expériences : un cinéma ou un resto entre amis, par exemple.

Est-ce vrai que donner rend plus heureux que recevoir?

Selon la psychologie, l’argent peut rendre heureux de trois façons différentes: en achetant du temps, en en donnant une partie, et en achetant des expériences. Donc oui, utiliser son argent pour rendre d’autres heureux est une très belle façon de devenir heureux.

Une grande partie du bonheur se base sur la tranquillité d’esprit. Il est bon de ne pas vouloir plus, mais d’être satisfait de ce que l’on a.

La notion de bonheur n’est-elle pas surestimée?

Socrate et Platon trouvaient déjà que le bonheur était le but suprême de la vie humaine. L’aspiration au bonheur est une tradition séculaire, même s’il est vrai que ces dernières années, on fait un énorme battage autour.

Il s’est même transformé en industrie.

C’est vrai, mais cela ne me préoccupe pas outre mesure. Honnêtement, j’en profite aussi : entre-temps, j’ai écrit trois livres sur le bonheur. Même si dans dix ans ce battage sera probablement fini.

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