© Getty Images/iStockphoto

Grossesse, biberon, dodo… Les idées reçues sur bébé passées au crible de la science

Le Vif

Economiste et maman, une universitaire américaine mène depuis des années une croisade contre les mauvais conseils prodigués aux parents. Grands-mères, charlatans et autorités de santé ont été mis à l’amende dans son premier livre sur la grossesse. Ils le seront encore dans son prochain, sur la petite enfance.

« Il y a toujours autant de mauvaises études », se lamente Emily Oster, 38 ans, qui enseigne à l’Université Brown de Providence, près de Boston.

Tout est parti d’un sentiment de frustration lorsque, enceinte de sa fille, elle ne parvenait pas à obtenir des réponses chiffrées sur les risques du café ou de l’amniocentèse… se heurtant au mur des recommandations universelles des médecins.

Alors professeure à l’Université de Chicago, formée aux statistiques lors de son doctorat en économie à Harvard, elle est remontée à la source, aux études sur les risques posés par alcool, café, tabac, charcuterie, sushi, ou encore le jardinage… Parfois les idées reçues ont été confirmées: le tabac est néfaste.

Mais Emily Oster les a plus souvent nuancées ou infirmées: rien ne prouve que boire du café en quantités modérées soit dangereux; manger des sushis expose effectivement aux salmonelles, mais cela n’est pas plus risqué pour une femme enceinte que pour d’autres… et jardiner est à éviter en raison des effets graves de la toxoplasmose sur le foetus.

Le passage sur la consommation d’alcool a fait couler beaucoup d’encre, mais l’économiste est formelle. Une consommation élevée est dangereuse pour le foetus; mais personne n’a prouvé qu’une consommation légère l’était – ce qui contredit les recommandations « zéro alcool » aux Etats-Unis ou en France.

Son livre, « Expecting Better », s’est vendu à 80.000 exemplaires depuis 2014, et a été traduit en hébreu, chinois, japonais et coréen (la version japonaise a été expurgée du chapitre sur la péridurale, très rare au Japon).

– Mauvaises études –

Grossesse et enfance sont des champs où les mauvaises études abondent. L’échantillon de participants est parfois trop petit, rendant toute généralisation impossible.

Surtout, rares sont les expériences « randomisées », la référence car elles permettent d’isoler l’effet d’un ingrédient ou médicament en comparant deux groupes statistiquement identiques car choisis aléatoirement.

A cela s’ajoute la mauvaise synthèse faite par certains médecins des derniers résultats de recherche. Pourquoi, par exemple, certains continuent-ils de recommander des grossesses alitées, alors que le consensus est que c’est inutile, voire néfaste?

« Même pour les médecins, il est difficile de remplacer des anecdotes ou leur propre expérience par des données », dit Emily Oster.

En outre, la peur du procès rend les praticiens américains hyperprudents.

– Allaitement bénéfique ?-

Emily Oster ne dit jamais « c’est vrai » ou « c’est faux ». Elle dit: « il n’existe pas de preuve ». Une conclusion frustrante pour les parents en quête de certitudes.

Son prochain livre, pour avril 2019, ne les rassurera pas. Il se penchera sur les enfants de un à trois ans.

Cas concret avec l’allaitement. La pratique est recommandée par l’Organisation mondiale de la santé, qui en vante l’impact sur l’intelligence des enfants et l’obésité. Aux Etats-Unis, un mouvement encourage même les femmes à allaiter le plus longtemps possible.

Mais Emily Oster n’a trouvé qu’une seule étude rigoureuse, à grande échelle et « randomisée »: elle comparait deux groupes de mamans au Bélarus dans les années 1990, le premier ayant été encouragé à allaiter, l’autre non. D’autres études se contentent de comparer le QI des enfants allaités aux autres… Or les femmes qui allaitent sont souvent plus riches, plus diplômées et avec un QI plus élevé, ce qui contribue séparément au QI des enfants.

« Le problème est que les données sont souvent faussées par le fait que les femmes qui allaitent sont différentes de celles qui n’allaitent pas », explique Emily Oster. Pour isoler l’effet de l’allaitement, il faut une expérience « randomisée ».

Et la conclusion est claire, dit-elle: le lait maternel réduit les diarrhées et l’eczéma à court terme. « Mais à long terme, les bénéfices ne sont pas vraiment établis », sur le QI et l’obésité.

– Pas de manuel universel –

Son livre évoquera aussi le sommeil des petits, les vaccins, les méthodes d’éducation ou l’impact des enfants sur le couple.

Elle ne révèle pas ses conclusions… mais en donne un aperçu général.

« Plus encore que dans le premier livre, tout dépend des préférences d’une famille », explique l’auteur, sous-entendant que chaque décision parentale n’aura pas d’effet déterminant, à elle seule. « Si dormir est très important pour vous, alors vous prendrez des décisions différentes de ceux qui s’en fichent ».

« Il n’y a pas de recette absolue ».

Elle ajoute une exception pour les parents qui hésitent à trop féliciter leurs enfants. « Vous pouvez dire à vos petits qu’ils sont géniaux autant que vous le voulez ! » (Jusqu’à preuve du contraire.)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire