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Faut-il avoir peur de son psy ?

Un psychiatre de renom a reconnu des relations sexuelles « inappropriées » avec ses patientes. Dangereux, les psys ? Il faut savoir faire le tri.

La confession « en direct » de Walter Vandereycken a fait l’effet d’une bombe. « J’ai une belle carrière derrière moi, mais il y a eu une période plus sombre durant laquelle j’étais au plus bas moralement », a déclaré ce psychiatre et sexologue de renom aux journalistes de Terzake, une émission télé diffusée en semaine sur la VRT. « J’ai commis des erreurs, mais on ne peut pas remettre les compteurs à zéro. Cela a commencé il y a vingt ans lorsque je suis tombé amoureux d’une patiente dans une clinique privée. J’ai arrêté sa thérapie et j’ai eu une courte relation avec elle. Cela s’est répété et je suis encore tombé amoureux d’autres patientes. » Le psychiatre, 63 ans, le crâne dégarni, petites lunettes, pas franchement sexy, nie cependant les rumeurs de viol. « Ces femmes étaient d’accord », affirme le médecin tout en soulignant que, vu leur situation, la question de leur consentement pouvait se poser.

Même sincèrement malheureux, Walter Vandereycken a transgressé une règle absolue de la profession : coucher avec son patient est clairement interdit. Ses révélations provoquent un véritable malaise. Jusqu’à quel point peut-on faire confiance aux psys ? Comment, surtout, trouver la bonne adresse ? « En l’absence de loi, il n’y aucun moyen de s’y retrouver de façon officielle, explique le Dr André Denis, psychiatre. N’importe qui peut se déclarer psychothérapeute, la profession n’est pas encadrée. Et même si le psychothérapeute a une formation de psychologue ou de psychiatre, cela ne représente pas une garantie absolue. »

Manque de contrôle

Les psychiatres, docteurs spécialisés en psychiatrie, sont en effet les seuls soumis à l’Ordre des médecins. Celui-ci, en soixante ans, n’aurait traité « que » 40 plaintes pour abus sexuels de la part de praticiens. Les autres praticiens, qui les contrôle ? Personne, et surtout pas le patient, qui choisit le plus souvent son psy par le bouche-à-oreille. Ainsi les psychologues (titulaires d’un master en psychologie) autorisés à porter le titre sont uniquement ceux inscrits à la Commission des psychologues belges, instance officielle soumise au contrôle des Classes moyennes. Si l’on dénombre 7 200 psychologues membres de la Commission, plus du double n’y sont pas enregistrés : il n’y a aucun contrôle sur leurs pratiques. « Consulter le registre national de la Commission des psychologues belges ou celui de la Fédération belge des psychologues (FBP) est un gage de qualité », souligne Pierre Nederlandt, secrétaire général de FBP, qui réceptionne les plaintes. « Elles sont peu nombreuses et portent essentiellement sur le manque d’efficacité de la thérapie », poursuit son secrétaire. Reste que même les psychologues porteurs du titre ne sont pas contrôlés. Ni la fédération ni même la Commission n’a de pouvoir de sanction ou d’enquête. Toutefois, le cabinet de Sabine Laruelle (MR), ministre des Classes moyennes, travaille d’arrache-pied à la mise au point d’un code de déontologie encore secret – il serait en relecture chez des juristes. Ce code sera assorti bien sûr de sanctions en cas d’abus ou de dérapages.

Le métier de psychanalyste n’est pas davantage balisé que celui de psychothérapeute (n’importe qui peut s’intituler « psychanalyste »). Les psychanalystes considèrent pourtant avoir prouvé que la sélection opérée dans leurs écoles est extrêmement fiable. La grande majorité des instituts de psychanalyse exigeraient de leurs candidats un diplôme universitaire. Par ailleurs, la plupart n’acceptent de nouveaux candidats qu’après un examen de leurs motivations et de leurs compétences. Enfin, la profession est verrouillée par des règles déontologiques bien précises : le psychanalyste ne doit pas parler de lui ni donner des conseils ou porter de jugement sur ce qu’il entend, ni bien sûr avoir de relation avec le patient ou son entourage en dehors du cadre de la cure. Sans parler de la prohibition de tout passage à l’acte sexuel avec le patient. Les écoles ont également mis en place des instances vers lesquelles les patients peuvent se tourner en cas de problème. A la Société belge de psychanalyse, le comité d’éthique peut être saisi par tout un chacun. « Cela a pu, dans certains cas, entraîner des exclusions », observe un psychanalyste. Résultat : « S’il y a des problèmes, ils sont limités et, en principe, contrôlés par les institutions », continue-t-il. Avant de prendre rendez-vous avec un analyste, il est utile de vérifier dans l’annuaire de l’école dont il se réclame s’il est inscrit sur la liste de ses membres.

Prudence de mise

Mais comment surtout éviter les imposteurs ? En consultant au sein de collectivités hospitalières, moins exposées aux abus et autres dérapages que l’exercice libéral, recommandent les spécialistes. Pierre Nederlandt, lui, met en garde contre certains profils de thérapeutes. « Les logopèdes, les kinésithérapeutes, les infirmiers, voire même les enseignants, qui ont suivi des formations et se proclament psychothérapeutes. »

La prudence s’impose encore, en tout cas, car les groupes sectaires regorgent de charlatans qui se font passer pour des thérapeutes. Ainsi, au Centre d’informations sur les organisations sectaires, 20 % des demandes qui lui sont adressées relèvent de pseudo-thérapeutes. On y recense deux types de déviances chez les professionnels du psychisme : d’abord, quand le thérapeute prétend que toute maladie (psychique et/ou physique) naît de graves conflits psychologiques non résolus enfouis dans l’inconscient du malade et que seul le décryptage de ces conflits permettrait une guérison totale. Ensuite, quand le thérapeute qui manipule son patient en lui faisant croire que les troubles dont il souffre sont la conséquence de maltraitances subies dans son enfance. Des maltraitances qui n’ont en fait jamais existé mais qui sont induites par le thérapeute.

Fuyez donc toute solution « magique » qui promet la guérison psychique rapidement et à tous les coups, et consultez les registres professionnels.

Finalement, quelles méthodes choisir parmi les 350 existantes ? « Les études confirment que quelle que soit la technique utilisée, les résultats sont les mêmes, à condition que la relation soit efficace et installée », estime le psychiatre André Denis. En fait, une relation de confiance est déterminante. « Ce qui importe n’est pas tant la formation que la rencontre entre le patient et son psy », insiste-t-il. Si vous ne vous sentez pas bien, en sécurité, écouté chez votre psy, il faut consulter ailleurs.

SORAYA GHALI

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