comment accepter la rupture
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Et si on (ne) divorçait (pas) ?

Un mariage sans crises, ça n’existe pas. Mais si les drames, petits et grands, sont indissociables de la vie de couple, se séparer n’est pas forcément la panacée. Pour la psychiatre et psychothérapeute française Sylvie Angel, un seul mot d’ordre : « Réfléchissez avant de divorcer ! »

« Je ne suis pas contre le divorce ! » Depuis trente ans que Sylvie Angel, thérapeute familiale spécialisée dans les problèmes de couple, reçoit « des hommes et des femmes qui ne vont pas bien », elle sait que la séparation est parfois inéluctable. « Mais je sais aussi que le divorce est un traumatisme majeur, surtout quand la décision n’est pas bilatérale, ce qui est fréquemment le cas, même dans les divorces ‘par consentement mutuel’, où un des conjoints finit par se plier à la volonté de l’autre. De plus, le divorce n’impacte pas seulement le couple : il a des conséquences à tous les niveaux – sur les enfants, bien entendu, mais aussi sur les familles d’origine, les grands-parents, les oncles et les tantes… » Or, selon elle, « de nombreux divorces pourraient être évités ».

Contre la déception, l’anticipation

D’abord parce que la mésentente s’installe souvent à des moments clés, communs à l’évolution naturelle de la plupart des couples, et donc prévisibles. À commencer par l’arrivée du premier enfant. « De plus en plus de jeunes couples divorcent pendant la première année de vie de leur bébé : c’est ce qu’on appelle le ‘baby-clash’, qui consacre l’incapacité du couple à réaménager ses relations, revoir ses priorités et trouver un nouvel équilibre. Le père en veut à la mère d’être moins disponible, la mère accuse le père d’être irresponsable. Tous deux, partagés entre l’anxiété et l’irritation, se refusent à faire des compromis ou à entendre les difficultés de l’autre, les conseils contradictoires de leur entourage ne font qu’aggraver leur malaise et, l’épuisement s’en mêlant, ils finissent par percevoir le divorce comme la seule issue possible. Or, pour l’enfant, une séparation si précoce n’est pas anodine : il est trop jeune pour garder le souvenir de ses deux parents ensemble, ce qui risque d’influer négativement sur son propre sens de l’engagement et de la vie de couple. »

La solution ? Anticiper, c’est-à-dire s’informer dès avant la naissance, discuter du partage des tâches et de l’organisation, et envisager ensemble des solutions concrètes aux problèmes inhérents à l’apprentissage de la parentalité. « Dans notre société, les premiers mois avec bébé sont trop souvent présentés comme une période de pur bonheur, déplore Sylvie Angel. Résultat : quand les jeunes parents sont confrontés à la réalité, leur déception est grande, et elle s’accompagne d’un sentiment d’échec et de honte, qui les empêche de s’avouer la vérité l’un à l’autre, mais aussi de se faire aider. Pour les partenaires qui en ont parlé avant, il est plus facile de dépasser les difficultés du quotidien… »

La vraie raison

La crise du milieu de vie, qui coïncide avec l’adolescence des enfants, et plus tard le départ des enfants et l’entrée des parents dans leur dernière phase de vie comptent également parmi ces moments charnières – à la fois périodes de deuil et de renouveau – qu’il est essentiel d’anticiper. « Sinon, le couple se retrouve face au vide. Les partenaires n’ont pas développé de centres d’intérêt communs, ils ont de plus en plus de mal à se supporter, les disputes augmentent ou l’indifférence s’installe. C’est pourquoi de nombreux couples d’aujourd’hui se séparent après le départ des enfants et le décès des grands-parents. Pourtant, bien préparé, ce moment où on se retrouve à deux, sans les enfants, peut être un nouveau départ, une occasion de renaissance… »

À tout âge, malheureusement, beaucoup de couples se laissent déborder par la vie quotidienne : ils ne prennent plus de temps pour eux, ils oublient de communiquer. « Souvent, ils ne s’en aperçoivent qu’une fois en thérapie, remarque Sylvie Angel. À la première séance, ils expliquent le pourquoi de leur volonté de se séparer. Ça va de l’éducation des enfants à la gestion du budget en passant par l’omniprésence des belles-familles, la sexualité, le workaholisme ou le chômage, et bien entendu l’infidélité, qui est toujours vécue comme une trahison des règles instaurées par le couple. Mais par la suite, beaucoup se rendent compte que la vraie raison est ailleurs… »

Ni blanc ni noir

L’infidélité, en particulier, doit toujours être replacée dans son contexte. « Dans l’immense majorité des cas, les problèmes de couple ne sont pas la conséquence, mais l’origine de l’infidélité. Dès que leur animosité mutuelle est un peu calmée, d’ailleurs, les partenaires le reconnaissent : ‘Ça n’allait plus dans notre couple depuis un certain temps. On ne se parlait plus, on n’avait plus de vie à deux…’ L’infidélité est presque toujours l’aboutissement d’un processus plutôt que son point de départ. » D’où l’utilité des thérapies de couple, qui proposent des outils pour rétablir la communication. « Trop de couples hésitent encore à demander de l’aide à un ‘psy’, parce qu’ils craignent de se faire piéger pour des mois, voire des années, remarque Sylvie Angel. Or, les thérapies de couple sont des thérapies brèves : on part pour trois à cinq entretiens, dont le but n’est pas de ‘réparer’ le couple à tout prix, mais de relancer les échanges entre les conjoints. Et souvent, quand ils ont profité de cet espace de dialogue, compris que l’un n’était pas tout blanc et l’autre tout noir, clarifié leurs motifs de discorde, et pris le temps de se parler et surtout de s’écouter, les rancoeurs et les malentendus se dissipent, et ils décident de repartir sur de nouvelles bases. Mais ça ne marche évidemment pas à tous les coups ! »

Équipe parentale

Au fil des entretiens, en effet, certains couples sont au contraire confortés dans leur volonté de se séparer. Mais il leur arrive de prolonger l’exercice, afin de réfléchir ensemble, en terrain neutre, à la manière d’organiser leur divorce et de l’annoncer à leurs enfants. « Pour les enfants, une séparation est toujours un coup de tonnerre, insiste Sylvie Angel. Même si le couple parental était conflictuel depuis longtemps, même si le mot ‘divorce’ a été souvent prononcé lors des disputes. C’est pourquoi l’annonce a beaucoup d’importance. Elle doit être faite à tous les enfants ensemble, afin qu’aucun d’eux n’ait le sentiment d’être privilégié ou rejeté, et qu’ils puissent ensuite en discuter sur un pied d’égalité. Par ailleurs, sauf si leurs rapports de couple sont vraiment très agressifs et compliqués, les parents doivent être présents tous les deux. Ils peuvent ainsi se soutenir l’un l’autre, avoir un discours commun et montrer aux enfants que, même s’ils doivent accepter la fin de la famille telle qu’elle a existé jusqu’ici, ils peuvent encore compter sur une ‘équipe parentale’ digne de ce nom… Mais inutile de leur fournir des explications détaillées sur les motifs de la séparation, par exemple sur l’infidélité d’un ou des deux parents. Ça ne fait pas partie des choses qui aident les enfants à grandir… »

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