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Du plastique dans nos assiettes

Depuis les années 1960, de nombreux produits sont fabriqués en vue d’un usage temporaire, voire unique. Malheureusement, cette culture du jetable a un prix : nos océans sont aujourd’hui truffés de particules de plastique !

Le Pr Peter Hollman, rattaché jusqu’à sa retraite en 2016 au département d’agro-technologie et sciences nutritionnelles de l’université de Wageningen (Pays-Bas), faisait partie des scientifiques chargés de se pencher sur les contaminants de la chaîne alimentaire au sein de l’autorité européenne de sécurité des aliments. L’EFSA, un panel d’experts européens, a publié un rapport sur les micro- et nanoplastiques dans nos assiettes.

Que contient ce rapport ?

Peter Hollman : « Après avoir épluché la littérature scientifique consacrée à la question, l’EFSA a conclu qu’il existe beaucoup trop peu de données sur l’impact des micro- et nanoplastiques, sur leur toxicité et ce qu’il en advient après ingestion alimentaire. La bonne nouvelle, c’est que des recommandations ont été formulées pour la recherche dans ces domaines. »

Qu’entend-on par microplastiques et nanoplastiques ?

 » De plus en plus utilisés depuis quelques décennies, les plastiques ont fini par aboutir en masse dans nos océans sous la forme de déchets en tous genres. Déplacés par le vent et les courants, ils ont fini par se concentrer dans certaines zones bien spécifiques : celles où l’absence de vent pousse les courants océaniques à effectuer un mouvement circulaire. À certains endroits, cette ‘soupe de plastique’ a formé des décharges flottantes de la taille de la France ! Au fil du temps, ces déchets sont peu à peu dégradés en minuscules particules – les microplastiques – qui vont continuer à se décomposer jusqu’au stade de nanoplastiques. La différence est purement une question de taille : on parle de microplastiques entre 0,1 et 5000 microgrammes (ce qui correspond à des morceaux de 5 mm maximum), tandis que les nanoplastiques sont beaucoup plus petits, de 0,001 à 0,1 micromètres (soit 1 à 100 nanomètres).  »

Dans quels aliments se retrouvent ces particules ?

 » À l’heure actuelle, nous n’avons aucune idée de la présence des nanoplastiques dans les aliments. Nous savons par contre que des microplastiques ont été retrouvés dans des produits de la mer et peuvent notamment être présents en abondance dans l’estomac ou les intestins des poissons. Comme ces organes sont éliminés avant consommation, le risque d’absorber du plastique en mangeant du poisson est heureusement à peu près inexistant. Il en va par contre tout autrement pour les coquillages tels que les moules ou les huîtres, que nous consommons avec leurs organes… et donc avec tous les déchets qui pourraient s’y trouver. Des traces de microplastiques ont également été retrouvées dans des produits comme le miel, la bière et le sel de cuisine.  »

Ces particules sont-elles dangereuses pour les consommateurs ?

 » Probablement pas, mais il est encore trop tôt pour l’affirmer avec certitude. Ce qui nous inquiète davantage, ce sont les polluants qu’ils peuvent contenir, comme les PCB, les HAP et même le bisphénol A (BPA). Certaines études suggèrent qu’après avoir été extraites des microplastiques, ces substances – qui sont bien, elles, potentiellement nocives – sont susceptibles de migrer et de traverser la paroi intestinale pour se retrouver dans nos tissus. Nous savons par exemple que des nanoparticules en provenance de divers nanomatériaux peuvent aboutir dans les cellules, ce qui peut en principe être néfaste. C’est pour cette raison qu’il est important d’investiguer les quantités moyennes que nous ingérons.  »

En avez-vous une idée ?

 » L’EFSA estime qu’une portion de moules (225 g) peut contenir jusqu’à 7 µg de microplastiques. Même s’ils sont exceptionnellement riches en PCB et en BPA, cela reste toutefois une fraction infime de la quantité totale de PCB à laquelle nous sommes exposés : dans le pire des cas, une portion de moules ferait grimper notre exposition aux PCB de moins de 0,01 % et notre exposition au BPA de moins de 2 %.  »

D’après vous, quelles sont à présent les mesures à prendre ?

PH :  » Les scientifiques devraient s’efforcer de faire la lumière sur la présence de micro- et nanoplastiques dans la chaîne alimentaire. Nous ignorons en effet encore tout des seconds. Peuvent-ils traverser la paroi intestinale ? Quelle est leur toxicité ? En théorie, ces infimes particules pourraient pénétrer jusqu’au plus profond de nos tissus, mais des recherches restent nécessaires. L’EFSA a formulé un certain nombre de recommandations sur la manière de réaliser ces études.  »

L’EFSA s’intéresse-t-elle aussi aux dangers pour les animaux et l’environnement ?

 » Non, car la mission de l’EFSA concerne uniquement la sécurité alimentaire humaine. Il existe toutefois d’autres organisations chargées d’étudier l’impact des plastiques sur l’environnement, et la Commission européenne examine également les pistes pour réduire cette énorme décharge qui s’est formée dans nos océans.  »

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