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Des « rage rooms » pour laisser s’exprimer sa colère au bureau

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Quel employé n’a jamais eu l’irrésistible envie de démolir une imprimante trop récalcitrante, de hurler sur un collègue horripilant ou un logiciel qui plante ? Laisser s’exprimer ouvertement sa colère au bureau est une attitude encore taboue, mais des solutions existent pour se soulager de ce poids.

Les journées au bureau sont parfois émaillées d’événements énervants: du collègue je-sais-tout au chef ingrat et tout-puissant en passant par les bugs informatiques, il est parfois bon de laisser s’exprimer sa colère. Ce sentiment de rage n’est pourtant pas vu d’un bon oeil, ni par les collègues ni par la hiérarchie. Il est la plupart du temps de bon ton de la contenir, au risque d’être licencié.

On assiste cependant à l’émergence d’un phénomène qu’on appelle « la rage au bureau » a observé la BBC. Selon la psychothérapeute Lucy Beresford qui a publié un rapport à ce sujet en 2007 pour la société Canon Europe, 83% des employés ont déjà vu un collègue s’énerver au travail et 63% d’entre eux ont déjà perdu leur self-control. Les emails reçus en dehors des heures de bureau ont également le même effet irritant selon une étude de l’Université du Texas, réalisée en 2015.

Afin que leurs employées puissent exprimer toute leur frustration, des sociétés ont instauré des « pièces de la rage », soit un endroit sécurisé où ils peuvent déverser en toute discrétion leur rancoeur sur un objet choisi, et parfois même, de façon plus violente à l’aide d’une batte de baseball. Une personne est même désignée pour nettoyer les dégâts après le massacre d’une imprimante ou d’un smartphone.

« Nous permettons à nos employés de laisser s’exprimer leur colère dans un environnement sécurisé« , déclare Ed Hunter, fondateur de la « Break Room », inaugurée à Melbourne, en Australie, en mars dernier. « C’est une réaction tout à fait naturelle« , ajoute-t-il, cité par la BBC. Le pic de burn-out est un souci important pour les entreprises australiennes. Le stress au boulot coûte en effet 10 milliards de dollars aux entreprises selon un rapport de 2013 émis par l’organe indépendant Safe Work Australia.

« On nous répète dès le plus jeune âge de ne rien casser, de contrôler notre colère, de bien nous comporter et que si on abîme quelque chose, on devra le rembourser« , explique Stephen Shew, co-fondateur de la salle de sport Battle Sports à Toronto, au Canada qui y a inauguré une « rage room » sur le même principe en juillet 2015. « Mais dans la ‘rage room’, on peut faire ce qu’on veut sans s’attirer des ennuis » vante-t-il. En une semaine, près d’une quinzaine d’imprimantes peuvent aller à la casse. C’est d’ailleurs ce que préfèrent détruire les employés, car elles représentent la quintessence de l’environnement de travail. En mettre une KO se révèle satisfaisant, voire jouissif.

15 imprimantes démolies par semaine

Une session, coûte de 20 à 100 dollars et dure de 10 à 45 minutes. Certains employés réservent une plage horaire plus longue afin de pouvoir disposer les objets qu’ils veulent détruire d’une manière spéciale, en forme de pyramide par exemple, ou pour avoir le temps de prendre des selfies. Les employés doivent toujours se protéger avant de passer à l’acte en enfilant des gants et un masque.

Le panel d’employés qui font usage de ce genre d’endroits est large selon Shew: de 19 à 50 ans, avec 60% de femmes. Comme professions, on retrouve souvent des avocats et des fonctionnaires. Des « rage rooms » du même type ont vu le jour dernièrement à Budapest et dans d’autres villes des USA.

Mais, est-ce vraiment là le bon moyen de faire face à ses sentiments de colère au bureau? Non, selon le professeur Brad J. Bushman de l’Ohio State University, interviewé par la BBC. Dans une étude de 2002, il démontre qu’agir de façon agressive ou être témoin d’une agression n’est pas une manière efficace de s’en défaire. En réalité, rester passif serait plus bénéfique selon lui.

Il explique ce mécanisme : « C’est comme utiliser de l’essence pour allumer une flamme, cela ne va faire que l’alimenter. Les personnes en colère sont très excitées (coeur, pression artérielle) et s’énerver de la sorte ne fait qu’augmenter leur état. Cela a aussi comme effet d’imprégner les pensées agressives dans la mémoire et même de les renforcer si des personnes sont de nature à les ruminer. »

Pour Bushman, il est plutôt préférable d’attendre un peu que la colère s’estompe, de se distraire ou de faire quelque chose de tout à fait opposé à sa rage comme regarder un film comique et non violent. Les « rage rooms » devraient donc plutôt servir à s’isoler pour maitriser sa colère et son stress au bureau.

Comment garder son calme au bureau

  • Laissez se dissiper la colère, comptez jusqu’à 10 avant de répondre à quelqu’un qui vous a irrité. Si la contrariété est plus forte, allez jusqu’à 100.
  • Pratiquez la relaxation: inspirez et expirez longuement.
  • Ecoutez une musique apaisante.
  • Distrayez-vous en pensant à tout autre chose, un film drôle par exemple.
  • Concentrez-vous sur des mots-croisés.
  • Adoptez une attitude de recul, prenez de la distance comme si vous vous observiez comme une personne tierce.

(Source: Dr Brad J. Bushman/BBC)

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